Après huit albums studio de très haut niveau, les écossais décident de fêter dignement leurs vingt ans de carrière en compilant leurs meilleurs titres et quelques raretés sur le touffu Central belters.
Stuart Braithwaite, Dominic Aitchison et Martin Bulloch fondèrent en 1995 Mogwai, patronyme évidement inspiré des créatures cruelles et potaches du film Gremlins de Joe Dante. Ils furent un des pionniers du style post-rock bien que le genre ait été défriché au début des années 90 par les américains de Slint, Tortoise, Labradford ou Gastr del sol. L’immense Spiderland de Slint sorti en 1991 fut l’une des références majeures des écossais.
Le premier opus, Young team, fut une claque monumentale. Ce mélange d’ambiances au calme pesant et aux envolées soniques insoutenables était une tuerie. Cet album est pourtant peu présent sur Central belters puisque l’on retrouve seulement le morceau de bravoure de seize minutes, Mogwai fear Satan.
Les trois disques suivants, le sombre Come on die young, le « court » Rock action et le très mélodique Happy songs for happy people sont représentés chacun par deux titres. Ces albums, excellents au demeurant, eurent un impact moindre que celui de Young team, l’effet de surprise n’étant évidemment plus tout à fait le même.
Mr Beast, deuxième chef-d’œuvre du groupe sorti en 2006, se taille la part du lion puisque pas moins de quatre titres entament le CD numéro deux de cette compilation. Il faut dire que les originaires de Glasgow frappèrent un grand coup avec cet opus qui oscille entre le post-rock originel et une tendance pop balbutiante symbolisée par les magnifiques Friend of the night et Travel is dangerous. Mr Beast porta Mogwai au pinacle et fut le point d’orgue de la carrière du groupe.
Difficile après un tel album de s’élever à nouveau aussi haut. The hawk is howling et Hardcore will never die, but you will n’ont pas démérité et sont même de très bons disques, mais ils n’ont bien sur pas réussi à côtoyer les cimes atteintes par Mr Beast. Leur sortie plus récente leur permet tout de même d’être gratifiés chacun de trois titres sur Central Belters.
Rave tapes, dernier opus en date, qui marque une ouverture vers les sonorités électroniques est un album surprenant et un peu déroutant pour les fans d’origine. Il n’en demeure pas moins une très belle réussite et peut-être une transition musicale dans la carrière du quintette. Seulement deux titres sont présents en fin du deuxième CD de la compilation.
La forte tendance instrumentale de cette musique a beaucoup séduit les réalisateurs de séries ou de reportages. Le groupe a lui-même réalisé quelques bandes originales de très hautes volées. L’excellent documentaire sur notre Zizou national, Zidane, un portrait du XXIe siècle, n’aurait certainement pas eu la même saveur sans les mélopées fantastiques de nos écossais. Que dire alors de la bande sonore de la production française Les Revenants? Sans le gimmick répétitif et angoissant du titre Hungry face, la série aurait-elle eu un impact aussi fort auprès du public? Mogwai a choisi trois titres emblématiques de ces deux BO pour agrémenter Central Belters.
Une douzaine de titres sont encore présents sur la compilation issus de faces B ou des diverses sessions d’enregistrements. Beaucoup de groupes utilisent le subterfuge de la rareté pour appâter le chaland mais le résultat s’avère souvent très décevant, les morceaux faisant office de bouche-trous indignes d’une accession aux albums officiels. Il n’en est bien sur rien avec Mogwai, Helicon 1, D to E ou le très long My father my king ne sont pas de simples faire-valoir et démontrent que les écossais sont des compositeurs hors pairs incapables de se complaire dans la médiocrité.
Central Belters est donc une excellente entrée en matière pour qui veut découvrir le groupe aujourd’hui et un formidable objet de collection pour les inconditionnels de longue date. Mogwai ne s’est pas contenté de produire d’excellents albums, son succès a fait entrer dans la lumière d’autres acteurs majeurs du style post-rock comme leur pendant canadien de Godspeed You! Black Emperor. Les écossais ont aussi été une source d’inspiration pour nombre de groupes à l’instar des grands espoirs français de Totorro. Central Belters ferme le premier cycle du parcours sans fautes des britanniques de Mogwai et ouvre une nouvelle page d’histoire pleine de promesses pour leur avenir et pour le plus grand plaisir de leurs fans.