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Je viens

Publié le 11 novembre 2015 par Lorraine De Chezlo
JE VIENSd'Emmanuelle Bayamack-Tam
Roman - 460 pages
Editions P.O.L. - janvier 2015
Charonne, jeune fille noire, obèse, adoptée, peu aimée mais assez lucide. Ses parents n'auraient peut-être pas du, ils se sont trompés, ne l'ont jamais aimée, ne s'en sont que peu préoccupés malgré leur temps libre interminable de gens riches et oisifs. Heureusement que la flamboyante Nelly, sa grand-mère "d'adoption", autrefois actrice très célèbre, l'écoute un peu, ne la juge pas si négativement. Après avoir eu Gladys de son premier mariage avec le coureur de jupons Fernand, elle s'est remariée avec Charlie, déjà père d'un enfant, Régis. Et Gladys et Régis, frère et sœur de remariage, frère et sœur non consanguins, s'unirent d'amour contesté mais stérile. Une famille peu conventionnelle comme de nombreuses familles, où l'amour filial semble éteint, où c'est l'indifférence et le malentendu qui se transmettent plus efficacement d'une génération à l'autre.
Trois femmes puissantes ? Fragiles ? Chacune d'elle a ses souffrances passées, ses souffrances actuelles qu'elles peinent à accepter. Chacune d'elle est forte de ses convictions, de ses choix assumés à l'encontre des consentements sociaux, mais faible par ses relations ascendantes parentales.
Extrait :"Je transpire. C’est ce qui arrive fréquemment aux petites filles quand elles sont grosses et noires – et nous touchons là au principal motif de déception de mes parents, même si la tête sur le billot ils n’en conviendraient pas : je suis noire. Des gens plus avertis s’en seraient aperçus tout de suite, mais voilà, au moment de mon adoption, j’étais plutôt d’une pâleur olivâtre due au confinement hivernal. Comme par ailleurs j’ai toujours eu des taches de rousseur, je pouvais tout à fait passer pour blanche. Si vous ajoutez à ça le tressage quotidien de ma chevelure par une éducatrice capverdienne, vous comprendrez pourquoi mes parents sont aujourd’hui estomaqués par ma métamorphose, ce vilain tour de passe-passe qui a transformé leur miniature ivoirine en une créature boulotte, basanée et crépue."
Un roman cynique sur le racisme, sur la vieillesse et la dérive des corps, sur les malentendus, sur la famille dont on souhaite s'affranchir pour être libre. Un roman sur trois générations de femmes qui se transmettent leur absence de faculté d'aimer, leurs méprises sur elles-mêmes. Lecture impressionnante, engluante, parfois que l'on peut ressentir comme un peu bavarde, mais un récit assez fort autour d'une adoption ratée, d'égos incompris, de mésamour.
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