"Je me souviens de l'une des filles, une fausse blonde qu'on appelait Marilyn Monroe.(...). Elle est restée gravée dans ma mémoire parce que c'est celle qui perdait le plus de temps devant la glace. Elle pouvait passer des heures à se remettre du rouge à lèvres, à arranger son mascara, et à exaspérer les autres filles en les faisant attendre."
Le photographe Philippe Halsman témoigne ici sur cette séance photo de 1949, première séquence d'une collaboration durable entre le photographe de Life et la jeune starlette encore méconnue. Se souvient-on de Lois Maxwell, Suzanne Dalbert, Ricky Soma, Laurette luez, Jane Nigh, Dolores Gardner, Cathy Downs ? Marilyn, déjà, capte l'objectif, s'impose en personnage central du groupe.
Philippe Halsman prolonge avec la star la complicité dans ce jeu photographique auquel il la soumet. Cette "Jumpology" consistant à saisir le personnage photographié lors d'un saut sur place devient la marque du photographe. Il n'a pourtant pas inventé ce procédé déjà saisi par les pionniers de la photographie quand l'arrivée des pellicules rapides a libéré les sujets de la pose et offert aux opérateurs cette liberté ludique des instantanés saisis dans les airs. Déjà depuis les dernières années du dix neuvième siècle
Marilyn n'échappera pas à cette vogue de la "Jumpology", Philippe Halsman imposant à l'actrice de renouveler deux cents fois son saut pour capter la meilleure image. L'argument du photographe est de vouloir saisir dans cet instantané le naturel de son sujet. Le sourire de Marilyn ne manque pas à l'appel. De ces deux cents prises de vues restera un cliché dont le naturel est celui d'une fiction orchestrée à laquelle Marilyn s'est prêtée avec soumission pour le gain d'une couverture de Life.
Au début des années soixante, alors que sa popularité est à son paroxysme, Marilyn est entraînée dans une spirale infernale où les problèmes de santé perturbent sa vie professionnelle dont le tournage des Désaxés de John Huston. Dépendante à l'alcool et aux médicaments, elle divorce d'avec Arthur Miller en janvier 1961. Marilyn Monroe meurt dans la nuit du 4 au 5 août 1962. Life publie alors, en ce mois d'aout 1962, la couverture d'une Marilyn Monroe qu'on ne peut décemment pas laisser sourire. Serait-ce enfin, avec ce sourire perdu, et pour la première fois la photographie de la vraie Marylin à qui la presse people concède le droit à une vérité toujours occultée jusqu'à lors ? Même sa mort devient un sujet de roman photo. Après le « suicide probable » de la star naîtront les accusations d' erreur médicale puis d'assassinat.
Désormais libéré du carcan réglementaire dans lequel la photo people contraignait chaque modèle, dégagé enfin de cette obligation de répondre au cliché d'un bonheur factice, le sourire effacé de la star ressemble davantage à cette jeune femme fragile, arrachée d'un succès immense et plongée dans une dépression vertigineuse, cherchant peut-être dans l’œil de l'objectif la vérité fuyante de cette vie des "Désaxés", ce dernier film dans lequel apparait le visage ultime de Marilyn.
Philippe Halsman
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