Vauxhall, de Gabriel Gbadamosi

Publié le 10 novembre 2015 par Francisrichard @francisrichard

Vauxhall est un quartier du Grand Londres, qui a donné son nom à la marque automobile et dont l'étymologie serait le hall d'un certain Faulk. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, c'est un quartier populaire, sur la rive droite de la Tamise, c'est-à-dire, à cet endroit-là, du mauvais côté du fleuve.

Le roman éponyme de Gabriel Gbadamosi, qui se passe pendant ces années-là, est inspiré de la vie de l'auteur. Comme le narrateur, celui-ci a passé son enfance à Vauxhall. Comme le narrateur, celui-ci est né d'une mère irlandaise, catholique, et d'un père nigérian, musulman. Un coquetel détonnant...

Dans la famille du narrateur, tout le monde porte d'ailleurs deux prénoms, un pour l'école, un autre pour la maison, sans que cela pose cependant trop de problèmes de jouer ainsi les Janus. Son frère Yemi, c'est Manus, et son frère Yinka, c'est Connor. Lui, Jimoh, c'est aussi Michael:

Il fallait s'habituer à ce nom quand on disait la liste des présences et quand nos copains nous demandaient de jouer.

Seule sa soeur Busola continue de s'appeler Busola... Elle est la fille de son papa, c'est lui qui l'a appelée ainsi. Sinon, par quelques rares personnes, elle accepte de se faire appeler Katleen, Kit ou Kitty. C'est une petite fille qui a du caractère et qui en fait voir au narrateur.

Celui-ci n'est pas bien grand au début du roman. Il commence tout juste à aller à l'école, et encore, parce que c'est lui qui a demandé à y aller, mais cela ne se fait pas sans mal. Il ne sait pas toujours bien pourquoi, mais il est souvent en faute et le comprend dans l'attitude, les regards ou les propos des autres.

Ses deux frères sont plus grands que lui et ne sont pas de véritables exemples à suivre. Ils font un certain nombre de bêtises avec beaucoup d'aplomb et l'entraînent dans leurs frasques. Mais, comme il est encore petit et peu maître de lui, il ne garde pas pour lui leurs petits secrets. Ce qui lui vaut quelques représailles...

Ses parents se séparent un moment, pour mieux se retrouver ensuite. Comme c'est Bridie, sa mère, qui est partie, les enfants sont restés avec leur père, Fela. Les retrouvailles ne font que resserrer davantage les liens de la petite famille, qui survit à l'épreuve et, même, peut-on dire, s'en trouve renforcée.

La famille habite une maison, qui est, en anglais, une sorte de slum, c'est-à-dire, en français, de taudis, mais c'est leur maison, même si elle n'est guère solide et guère salubre, qu'elle va même subir un incendie. Fela ne veut en tout cas pas la quitter sans avoir été au préalable convenablement dédommagé.

Car la maison se trouve dans une rue de Vauxhall que guignent des promoteurs. Les maisons y sont démolies les unes après les autres et l'on sait très bien, et très vite, que ce sera un jour le tour de celle de Bridie et de Fela, sans bien savoir toutefois quand tombera l'échéance inéluctable.

Par remarques successives des autres, le narrateur apprend qu'il est noir de peau, ce qui ne l'a pas effleuré avant qu'elles ne lui soient faites. Ainsi le fait que Bridie soit blanche, parfois d'une grande pâleur, fait-il douter d'aucuns qu'elle soit sa vraie mère, leur fait plutôt penser qu'il a été adopté:

Je ne m'habituais pas à cette histoire de noir et de blanc comme s'il s'agissait de la télévision quand il s'agissait de mon papa et de ma maman.

Les cultures  et les religions s'entremêlent dans cette famille modeste, ce qui ne lui rend pas les choses faciles. Toutefois ces difficultés sont surmontées parce que Fela et Bridie y mettent du leur et acceptent finalement que leurs enfants soient soumis aux deux influences de leurs religions et communautés d'origine.

Le récit est émaillé de petits vrais qui restituent à la fois une époque révolue et un quartier d'alors qui a bien changé depuis. Il est aussi émaillé des aventures et mésaventures du narrateur qui apprend à grandir dans un milieu parfois hostile, mais qui les raconte avec la manière pittoresque et humoristique que peut avoir un petit Anglais.

Francis Richard

Vauxhall, Gabriel Gbadamosi, 368 pages, Zoé