Une 26ème aventure de Guy Lefranc tonique et bien menée dont l’action se passe comme toujours en pleine guerre froide, en compagnie d’anciens nazis qui rêvent de prendre leur revanche sur la défaîte de 1945, à l’aide d’une arme nouvelle absolument phénoménale, et que Lefranc est chargé de découvrir et de détruire. Un détail permet de dater plus précisément l’épisode avant le mois de mars 1953, puisqu’il est fait allusion au dirigeant tchécoslovaque Klement Gottwald décédé peu après Staline.
Schéma classique de l’infiltration par substitution de personnalité, de base souterraine secrète installée sous les glaces de l’antarctique, de récupération d’œuvres d’art pillées par les nazis. C’est quand même un joyeux mélange de documentation sérieuse – sur les modèles d’avions de l’époque – et d’élucubrations démentes : le mode de propulsion des engins ou encore comment la construction d’une telle base aurait pu techniquement être possible avec les moyens de l’époque et surtout non repérée. Quand on considère la façon dont a été détruite la base de Peenemünde où ont été conçus les V1 (mais il est vrai, pas celle de Dora pour les V2 d'Hitler)… Mais ce thème souterrain est présent dans de nombreuses œuvres de fiction (dont Blake et Mortimer et James Bond). Autre passage obligé : la « résurrection » du méchant de service, le forban Axel Borg, ici imberbe mais toujours reconnaissable à sa mèche blanche avantageuse.
En revanche, j’avais espéré plus d’audace dans le scénario après les explications préliminaires données à Lefranc par Cunningham sur l’œuvre fondatrice d’Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) et son univers de mythologie noire et de romantisme dans l’horreur qui semble tellement à la mode dans le genre « Heroïc Fantasy » d’aujourd’hui. Son thème favori, celui de puissances obscures et surhumaines tentant de rétablir leur ancienne domination sur l’humanité, est cependant bien présent dans cet ouvrage.
La question est de savoir ce que de telles notions politico-futuro-historiques peuvent encore évoquer aux jeunes générations ou si les auteurs ne visent que les « vieux » amateurs de la ligne claire belge, comme moi. Notable différence par rapport aux BD de l’après-guerre : le rôle prépondérant joué par une jeune femme …
Mission Antarctique, BD de Christophe Alvès et François Corteggiani, d’après les personnages créés par Jacques Martin, mise en couleurs par Bonaventure, édité par Casterman, 56 p., 11,50€