Yannick Jadot : "La compétitivité des énergies renouvelables est déjà acquise"

Publié le 11 novembre 2015 par Blanchemanche
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Jean Michel Gradt / Journaliste | Le 06/11/2015

Yannick Jadot député européen EELV - AFP

Le député européen EELV, vice-président de la commission Commerce international, est pour une taxe carbone de 30 à 40 euros la tonne d’ici à 2020, puis 80 à 100 euros en 2030.

La COP21, qui relève des Nations-Unies, n’intègre pas la taxe carbone dans son agenda de négociation, faut-il le regretter ?

Oui, car cet outil est devenu progressivement une évidence pour sortir de l'âge du carbone en réorientant les stratégies d'investissement et les comportements. Mais l'agenda de négociations onusien ne se change pas du jour au lendemain. La COP21 n'abordera donc pas spécifiquement le sujet. Mais ce que l’on peut en attendre, c’est que dans l’Accord de Paris, on commence à parler de la neutralité du carbone et plus généralement de la « décarbonisation de l’économie » à l’horizon 2050, voire un peu après.En revanche, les membres du G20, qui sont les plus grands pollueurs de la planète, vont se réunir à la mi-novembre en Turquie. Il faudrait que le sujet soit sérieusement abordé et figure explicitement dans les conclusions, ce qui ouvrirait des perspectives par rapport à l’Accord de Paris et surtout après. Cela signifierait qu’on a une "entrée". On n’aura pas à Paris un " accord contraignant " engageant chaque Etat sur un réchauffement limité à 2° en 2100, mais parler de décarbonisation serait un signal important envoyé par les Etats aux acteurs publics et privés, leur signifier clairement que le carbone est nocif et qu’il faut faire tout ce que l’on peut pour en sortir et parvenir à zéro émissions nettes le plus rapidement possible.

Quel est le bon prix pour taxer le carbone ?

Il n’y a pas de "bon " prix. Ce qui compte c'est la visibilité et l'engagement à long terme et la progressivité. Mais il existe des seuils. À partir de 40 euros par tonne de carbone émise, la rentabilité des investissements intensifs en carbone est déjà impactée. Mais on ne contrarie pas encore les investissements dans le charbon par exemple.Je pense qu’il faut avancer progressivement sur la taxe carbone avec un prix de 30 à 40 euros d’ici à 2020, pour arriver à 80 à 100 euros par tonne en 2030. Cela envoie un signal aux acteurs économiques.Reste à généraliser la taxe carbone à tous les pays. On est déjà là-dessus. On avance dans une « perspective de couloir » qui consiste à faire converger peu à peu vers un prix unique et mondial du carbone des prix qui seraient adaptés au début aux contextes économiques nationaux.

Les investisseurs ont-ils déjà intégré l’impact de la taxe carbone dans leurs stratégies ?

Tout le monde sait qu’il va falloir évoluer. Mais l'instabilité des politiques publiques en la matière génère de la confusion et même parfois des effets d'aubaine. L'effondrement du prix sur le marché carbone européen lié à l'allocation massive de quotas gratuits sans discernement aux entreprises et sans rationalité aux pays Europe de l'Est a sérieusement réduit l'impact de cet outil.
Dans le secteur énergétique, contrairement à ce que prétendent les lobbys liés aux énergies fossiles, le solaire photovoltaïque et l’éolien terrestre représentent déjà sur le plan mondial plus de la moitié des investissements récents dans les nouvelles infrastructures électriques, c’est davantage que dans le pétrole, le gaz et le nucléaire. En Europe, c’est même près de 80% des nouvelles installations.De plus, avec les nouvelles normes, le charbon ne sera bientôt plus compétitif en Europe. Le Royaume-Uni a lancé un programme de nouvelles centrales nucléaires EPR qui sortira un prix du kilowattheure deux fois plus élevé que l’éolien terrestre, ce qui n’a pas manqué de susciter de vives réactions. En clair, la compétitivité des énergies renouvelables est déjà acquise et ne cessera de se renforcer. Le prix du photovoltaïque a été divisé par cinq en sept ans ! Même Greenpeace ne s’attendait pas à de tels résultats aussi rapidement.En outre, limiter à 2 degrés le réchauffement de la planète, c'est laisser 80% des réserves connues de charbon, de pétrole et de gaz dans le sol. Investir dans ces énergies devient financièrement risqué, au delà de la conjoncture présente et du coût croissant de l'exploration et de l'exploitation de nouveaux gisements. De nombreux financiers ont compris les dangers de la "bulle carbone".Entre risque financier croissant et risque climatique avéré, de nombreux fonds de pension, sociétés d'assurance, banques, universités, églises, fondations font évoluer leurs portefeuilles et s'engagent progressivement dans ce qu'on appelle le +désinvestissement+. Ils arrêtent les investissements dans les énergies fossiles, pour privilégier les renouvelables et l'efficacité énergétique. C'est le cas du Fonds souverain d’investissement norvégien, qui gère près de 1.000 milliards d'euros d’actifs, et qui a cessé, au nom de la protection de l’environnement, d’acheter les titres de 22 sociétés liées au charbon. La Fondation Rockfeller, des villes en Europe et les universités américaines suivent le même chemin. Les banques françaises sont malheureusement des investisseurs majeurs dans l'énergie la plus polluante: le charbon. Beaucoup reste donc à faire!

La transition énergétique est-elle la principale clé d’entrée pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Le secteur énergie est le principal émetteur pour ce qui concerne les gaz à effet de serre. Il est donc légitime que la transition énergétique reste une priorité. Mais ce ne doit pas être la seule.La déforestation et l’agriculture sont responsables du tiers des émissions de GES au plan mondial. En France, l'agriculture représente à elle seule 20% des émissions. Ces deux secteurs ne doivent pas être occultés. C’est un peu la face cachée du dérèglement climatique. De plus, lutter contre la déforestation, c’est à court terme le plus efficace et certainement le moins coûteux. Par ailleurs, le secteur des transports est celui dont les émissions chez nous progressent le plus vite. Au regard de l'urgence absolue, aucun secteur ne peut s'exonérer des efforts indispensables. 
Propos recueillis par Jean-Michel Gradt

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