Sans commenter dans tous les d??tails la formation du gouvernement, je pense que N. Sarkozy a dans l'ensemble bien choisi ses ministres, ?? commencer par le premier d'entre eux, Fran??ois Fillon. Principal r??dacteur du programme l??gislatif de l'UMP, le premier ministre sera charg?? de mettre en oeuvre une politique qu'il a lui-m??me grandement contribu?? ?? d??finir : la coop??ration entre N. Sarkozy et Fr. Fillon, au-del?? de leur longue amiti??, ne pourra donc qu'??tre bonne et productive. Fr. Fillon incarne plut??t la branche gaulliste et sociale de l'UMP, et je ne doute pas qu'il saura r??former en tenant compte des craintes d'un certain nombre de Fran??ais. Il a d??j?? su par le pass?? mener ?? bien des r??formes difficiles - je pense en particulier ?? la r??forme des retraites - en parvenant ?? concilier fermet?? et dialogue avec les partenaires sociaux.
Je ne crois pas, par ailleurs, que Fr. Hollande et Fr. Bayrou aient raison de se scandaliser autant de l'ouverture op??r??e par N. Sarkozy ?? gauche et au centre. Selon le premier, il ne s'agit que d'une manoeuvre ??lectorale qui a pour but de donner les pleins pouvoirs ?? la droite au sein de la future assembl??e, pour le second, N. Sarkozy confond "rassemblement" et "ralliement".
Il convient d'??tre plus nuanc?? ; certes, l'ouverture pratiqu??e par N. Sarkozy est tr??s populaire parmi les Fran??ais, puisque, d'apr??s un r??cent sondage CSA, 65% des Fran??ais ayant vot?? pour S. Royal la jugent positive, mais m??me sans ouverture, l'UMP remporterait tr??s probablement les prochaines l??gislatives, et il para??t un peu l??ger de r??duire cette d??marche ?? une manoeuvre simplement ??lectoraliste.
D'abord, la nomination d'un certain nombre de ministres de droite tr??s impr??gn??s par les questions sociales, comme Jean-Louis Borloo (ministre de l'Economie des Finances et de l'Emploi) ou Christine Boutin (ministre du logement et de la ville) sugg??re une r??elle volont?? de marier ??conomie et social durant le prochain quinquennat. Ensuite, les reproches qui consistent ?? dire "si des hommes de gauche ou du centre participent au gouvernement, ils ne seront plus de gauche ni de centre, puisqu'ils m??neront une politique de droite" sont absurdes.
Car d'une part, en participant au gouvernement, rien ne les oblige ?? renoncer ?? leurs convictions. On en veut d'ailleurs pour preuve le cas de Martin Hisch, nomm?? haut commissaire aux solidarit??s actives contre la pauvret??, qui affirmait ce matin son opposition ?? l'instauration d'une franchise m??dicale. Je salue d'ailleurs l'honn??tet?? de Laurent Fabius, qui a d??clar?? ?? propos de Bernard Kouchner (nomm?? au poste de ministre des Affaires ??trang??res et europ??ennes) : "Il faut le juger sur ses actes ; on va voir ce qu'il est en situation de faire."
D'autre part, l'ouverture n'aurait aucun sens, si elle devait signifier l'abandon du projet politique pour lequel N. Sarkozy a ??t?? ??lu par une majorit?? de Fran??ais. Opposer, comme le fait Fr. Bayrou, une ouverture du rassemblement (celle qu'il aurait faite) ?? une ouverture de ralliement (celle de N. Sarkozy) tient de la supercherie. La ligne que d??fend le fondateur du Modem et qui consiste ?? dire en substance, "une fois ??lu, je rassemblerai les meilleurs de chaque camp pour discuter d'un projet commun" condamnerait par avance la majorit?? ?? l'immobilisme et ?? des querelles permanentes. La seule solution viable politiquement est d'avoir d'abord un projet clair, et de proposer ensuite ?? quelques personnalit??s comp??tentes, au-del?? de l'UMP, de participer ?? ce projet.
L'ouverture veut dire deux choses. Du c??t?? de la majorit?? pr??sidentielle : nous avons un projet, mais nous ne voulons pas gouverner uniquement avec un seul camp. Du c??t?? de l'opposition : le projet que les Fran??ais ont choisi n'??tait pas le n??tre, mais puisque c'est d??sormais le projet de la France, autant y participer sur certains points d'accord et oeuvrer pour le pays, d??s lors qu'on nous le propose.
L'ouverture, dans les faits, est ??videmment un ph??nom??ne marginal, puisqu'elle concerne, dans toute la classe politique Fran??aise 4 ou 5 personnes nomm??es au gouvernement, mais l'important est avant tout sa signification symbolique. Elle n'??te pas ?? l'opposition son r??le d'opposition, mais elle invite cette derni??re ?? cr??er une opposition constructive et non pas syst??matique. C'est le contraire de l'??troitesse d'esprit.