François Mauriac

Publié le 09 novembre 2015 par Jpryf1
Je termine la lecture des deux gros volumes que Jean Luc Barré a consacré à François Mauriac. (Fayard. 2010). Lecture passionnante sur ce grand écrivain dont je ne connaissais de son oeuvre qu'un roman: Thérèse Desqueyroux et son rôle de journaliste politique très engagé avec notamment son Bloc-notes d'abord au Figaro puis à l'Express. Prix Nobel de littérature en 1952 cet écrivain que l'on qualifie souvent  d'écrivain "catholique" est surtout connu pour sa peinture souvent cruelle de la bourgeoisie bordelaise et pour ses héros déchirés entre appel de la sexualité et rigueur de la religion. A vrai dire j'ai quelque fois du mal a entrer dans ces déchirements tant il est vrai qu'aucun Dieu ne se mêle de mes goûts en la matière! Cette importante biographie met l'accent sur la tendance homosexuelle de cet écrivain, qui était depuis longtemps une rumeur et  qui devient, pour l'auteur, une des clés de l'oeuvre.
En lisant cette vie on parcours aussi toute une période de l'histoire de notre pays particulièrement mouvementée et l'on constate que si François Mauriac se trompe souvent au début,il a la lucidité et le courage d'évoluer et de s'orienter assez vite vers la vérité, quitte a tourner le dos à son milieu. Cela explique que tout écrivain "catholique" qu'il fût il était l'objet d'une véritable haine d'une partie de ce milieu.
J'y vois la preuve qu'il était dans le vrai et qu'il touchait juste.
Ce qui frappe c'est aussi le style avec lequel ils'exprime avec cette ironie et cette férocité, cette dent dure avec laquelle il déchiquette en riant ses adversaires.
Il faut lire a titre d'exemple de ce style ce qu'il écrit lors de la réception du Maréchal Juin à l'Académie Française. Le Maréchal Juin avait profité de cette réception académique pour mettre en avant le Glaoui du Maroc qu'il voulait voir à la place du Sultan, pas assez soumis aux désirs de la France! François Mauriac va le mettre a sa place et en profiter pour tirer sur l'Académie.
"Avons nous tort de croire, Monsieur le Maréchal, que la justice demeure en Afrique du Nord la seule politique ouverte à la France? Des hommes d'Etat et les plus haut placés, des généraux, des diplomates, de nombreux colons nous approuvent. La conscience chrétienne rejoint ici la sagesse politique qui n'ignore pas ce que vous appelez, avec un sourire, la religion du coeur, a plus de pouvoir sur les hommes que la religion de la force. Les répressions policières, si cruelles qu’elles soient, ce n'est pas d'ailleurs le pire. Cette très noble race arabe, nous l'avons humiliée et offensée, voilà le vrai, et jeudi encore à l'Académie Française. Non, ce n'est pas la rancune qui me porte à déclarer ici que cette séance sous la coupole ne fut guère digne d'un grand pays. Ces ovations à un ennemi mortel et à un sujet révolté du sultan, que chacun est libre d'aimer un peu, beaucoup ou pas du tout, mais enfin que le gouvernement de la république a maintenu sur son trône, Monsieur le Maréchal, ne vous déplaise qui règne toujours au Maroc sur la foi des traités que nous avons signé, et qui en demeure le chef religieux, toute cette mise en scène scandaleuse ne pouvait se dérouler que sur ce vaisseau à la dérive qu'était devenue une métropole sans gouvernement."
Et il va alors dire son fait à l'Académie dont je rappelle qu'il fait partie!
"Ce serait peut être le lieu de se demander si l'Académie Française se montre fidèle a sa mission ou si, au contraire, elle la trahit par des coups montés de cet ordre, si cette mission est d'ordre politique ou littéraire, si l'écart systématique des écrivains vivants et libres, qui désormais sont dressés à s'en tenir d'eux-m^me le plus éloignés qu'ils peuvent, l'appel fait aux personnages décoratifs et de tout repos, si tout cela ne dissimule pas certains desseins-oh qui ne font peur à personne- chez quelques vieux tenants d'un conservatisme aveugle, déjà mort depuis longtemps dans le reste du monde et qui n e survit que là."
On en apprend beaucoup aussi sur ses rapports avec le général de Gaule et on ne peut que s’incliner devant les positions qu'il prend notamment contre la torture.
Comme souvent la lecture de cette vie va me conduire à me plonger un peu plus dans son oeuvre.