[Etats des lieux] Les retcons de l’année 2015

Par Régis Marton @LeBlurayphile

Définition

Mot-valise issu de " Retroactive Continuity " (ou continuités rétroactives pour les moins anglophones d'entre vous), les retcons sont la plupart du temps assimilés à des incohérences, mais ce sont également des effets scénaristiques indispensables et présents depuis toujours au cinéma. Ce sont, en effet, elles qui ont permis à l'action de la suite de nombreux films de se dérouler malgré certains éléments contradictoires apparus lors du ou des précédents opus.

Pour avoir d'autres exemples d'effets scénaristiques complexes, nous vous invitons à lire notre dossier sur le lexique cinématographique.

L'histoire des retcons

Contredire, de façon plus ou moins justifié il faut le reconnaître, ce qui s'est passé dans les films préexistants est ainsi, par exemple, ce qui a permis à la Universal puis à la Hammer de faire revenir puis mourir leurs célèbres monstres dans chacun des films des sagas qui leur furent consacrées. C'est également ainsi que l'on a qualifié certains rebondissements apportant des éléments dissimulés ou non pris en compte précédemment : le plus connu du genre est évidemment celui de L'empire contre-attaque concernant le lien de parenté entre Luke et Dark Vador.

Alors, argument commercial ou proposition cinématographique innovante ? Faisons le point sur chacun de ces trois films et leur approche bien singulière du phénomène:

Mad Max : Fury Road - Le retcon par nature

Alors qu'il signait son premier long-métrage en 1979, George Miller réussit à créer un personnage si iconique qu'il permit au film de rencontrer un succès planétaire et de faire de son interprète une super-star. Evidemment, les suites ne se sont pas fait attendre avec un épisode sorti en 1981 et un autre en 1985. Mais, déjà, le mot " suite " n'était pas approprié puisque, tandis que le premier opus avait lieu dans une Australie ravagée par l'anarchie mais encore relativement contemporaine, le second l'installait dans un univers post-apocalyptique qui allait devenir le parangon du genre, et le troisième allait redonner un semblant de retour à la civilisation à ce monde ravagé par la violence. Il aura donc fallut attendre trente longues années pour que Miller se décide, après s'être spécialisé dans un cinéma plus familial (les diptyques Babe et Happy Feet), d'en revenir aux aventures de Mad Max. Chaque épisode étant déjà naturellement un retcon, le changement d'acteur (Mel Gibson se retrouvant remplacé par Tom Hardy) et les codes inédits de cet univers post-apocalyptique n'ont finalement pas bouleversé la logique de la saga. Quelques flash-backs du personnage nous indiquent toutefois qu'il partage le même background que celui apparu 35 ans plus tôt, permettant ainsi d'alimenter sa propre légende tout en justifiant le début d'une nouvelle trilogie dont, on l'espère, les deux autres épisodes nous offriront des scènes d'actions tout aussi dantesques mais aussi des approches surprenantes de ce vaste désert dé-civilisé.

Jurassic World - Le retcon par hommage

Pour plus d'informations, sur l'ordre de visionnage de la licence Jurassic Park, rendez-vous sur notre dossier consacré à son ordre de visionnage.

Terminator Genisys - Le retcon bulldozer

Après deux films de James Cameron, dont le premier devint un modèle en termes de croisement de science-fiction et de thriller urbain et le second révolutionna les effets spéciaux, la saga Terminator s'est décliné en saga avec deux suites supplémentaires d'une qualité négligeable. Lorsque la Paramount décida de relancer la franchise, elle réussit à mettre au point un argument inédit : Le double retcon. D'abord le retcon annoncé qui faisait que l'on savait que le film n'allait pas tenir compte des événements cités dans les épisodes 3 et 4, mais aussi un retcon diégétique qui allait jusqu'à rendre caduque les événements des deux premiers films. Le fait que ce ne soit pas la Paramount qui ait les droits sur ces deux classiques n'est sans doute pas pour rien dans l'élaboration de ce scénario retors utilisant l'argument du voyage dans le temps pour contredire leur contenu et ainsi ne pas risquer de susciter la curiosité de nouveaux spectateurs pour ce qui aurait pu être la base d'une continuité cohérente. Ainsi, en imaginant -sans jamais le justifier de façon logique- que, dans un premier temps, des résistants humains ont envoyé un T-800 pour protéger Sarah Conor, et que, dans un second temps, Skynet a quant à lui envoyé un T-1000 en 1985 plutôt qu'en 1995, tous les événements des deux films ne retrouvent nuls et non avenus. Bien plus qu'une suite, Terminator Genisys n'est, à l'image du Terminator incarné par Schwarzie, rien d'autre qu'une machine de guerre qui ne vise qu'à détruire ce qui a déjà été fait.

Pour plus d'informations, sur l'ordre de visionnage de la licence Terminator, rendez-vous sur notre dossier consacré à son ordre de visionnage.

Ainsi donc, qu'ils soient inévitables de par la nature même des films, qu'ils soient faits pour rendre hommage aux origines de la saga ou au contraire pour s'en détourner, les retcons sont une recette efficace pour redonner un gout de neuf à une franchise qui s'est embourbé dans les méandres d'une série de suites peu fructueuses. Etant donné la propension qu'ont les studios hollywoodiens à préférer nous ressortir leurs vielles recettes ayant déjà faites leurs preuves, plutôt que de se risquer à nous proposer des blockbusters inédits, les retcons ne sont pas prêts de cesser, mais vont au contraire se multiplier.

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