Acharnement et clapotis – le naufrage selon les rescapésMoby Dick, vous connaissez ? la baleine blanche, les clapotis, le monstre apparu, disparu, éclaboussant chaque fois qu’il se cache – d’ailleurs, toute cette histoire de chasse terminée par un drame, ça vous rappelle quelque chose ? les personnages, les figurants, les accessoires, les clous forgés et les clous découpés. Et le décor ? l’inévitable décor d’océan se donnant comme panorama et comme infini contenant : mille millions (un petit peu plus) de kilomètres cubes d’eau salée mêlée de chair humaine et de poissons en proportions inégales, et là-dedans des harengs frais, des requins-marteaux, des baleines à nez de bouteille et des marsouins hourra, des baleines à tête d’enclume, des poissons-clowns, des poissons-chats, des hippocampes comparés quelque part à des allumeurs de réverbère, des bélugas, des huîtres perlières, d’autres qui ne le sont pas, ne le seront jamais, et se sont fait une raison, des baudroies, des encornets, les restes de la croisade de 1212, les théières de vermeil destinées au roi Charles d’Angleterre coulées en 1633 entre Burntisland et Leith – théières suivies dans l’ordre (à travers un fond trouble) de pianos droits, de lingots d’or ou plus sûrement de pioches de chercheurs d’or bredouilles, de pantoufles et chemises de nuit, extraits de naissance, avis de décès, jeux d’échecs, grille-pain, portes tambours, brosses à reluire, jetons de téléphone, bibles traduites en cent vingt langues, Grand Albert et Petit Albert, livres de bonnes manières, banjos, trompettes, harmonicas, fausses couronnes du roi Richard III, casquettes de marin, fraises élisabéthaines, pages brûlées de Nicolas Gogol, buste de Tibère, cafetières italiennes et cafetières américaines, un Catalogue systématique des mammifères marins, des partitions de Jerome Kern, un livret d’Oscar Hammerstein, un gramophone, un Betta splendens (un parmi des milliers), un clystère, le pendentif de Rita Flowers, le diadème du Toboso, une trousse de toilette ayant appartenu à Josef von Sternberg, une autre à Erich von Stroheim, l’épave complète du Chancewell, les images perdues de A Woman of the Sea, les espadons manqués par Hemingway, les habits démodés du signor da Ponte, l’épave du bateau d’Abissai Hyden, tous les ingrédients du cocktail Manhattan hélas trop éloignés l’un de l’autre, des téléviseurs, des machines à laver, un petit traité sur l’immortalité qui n’a pas dû convaincre grand monde, la pique d’un violoncelle et x couronnes de fleurs en hommage aux marins noyés.Il faudra le lire, mais ça a déjà de la gueule, après quelques lignes, non?