Laird Hunt, Grand Prix de littérature américaine

Par Pmalgachie @pmalgachie
On aurait tort de se plaindre, bien que les plaintes surgissent souvent: la littérature américaine serait envahissante, monopoliserait le monde de la traduction, se vendrait mieux que toutes les littératures du reste de la planète. D'autant plus que ce n'est pas totalement exact et qu'il faudrait apporter d'énormes nuances à ces jugements à l'emporte-pièce. Qui d'ailleurs, pour un certain nombre d'entre eux, se contentent de reproduire le schéma habituel: ce qui se vend ne peut être de la bonne littérature. Inutile d'insister sur le caractère primaire de telles affirmations. Un jury de trois critiques littéraires, trois éditeurs et trois libraires vient donc, au mépris des simplifications, de donner en France, pays où se tient tous les deux ans le Festival America (et ce n'est pas sans rapport), le premier Grand Prix de littérature américaine à Laird Hunt pour Neverhome. (Et j'entends d'ici les grincheux: ben, dis donc! on n'a même pas pris la peine de traduire le titre!) Sans l'avoir lu, je ne vais pas essayer de le défendre. Mais la qualité du jury incite, dans l'ordre, à la clémence, à la curiosité, à l'envie de lire. Lisons donc - le début, pour commencer par le commencement.
J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la République. Je franchis la frontière, quittant l’Indiana pour l’Ohio. Vingt dollars, deux sandwiches au petit salé, accompagnés de biscuits, de corned-beef, de six pommes flétries, de sous-vêtements propres et aussi d’une couverture. Il y avait de la chaleur dans l’air donc je me mis en marche en bras de chemise, le chapeau bien enfoncé sur les yeux. Je n’étais pas la seule à chercher à m’engager et au bout d’un moment, nous étions toute une troupe. Les fermiers nous acclamaient au passage. Nous donnaient à manger. Leur meilleure place à l’ombre pour nous reposer. Ils jouaient pour nous de leurs violons : enfin tout ce que vous avez entendu dire sur les commencements, même si un an déjà avait passé depuis Fort Sumter, et que la première bataille de Bull Run avait eu lieu, que Shiloh avait emporté son lot d’âmes, et que c’en était fini des commencements, et pour de bon.