Lionel Naccache* nous éclaire sur l’analogie étrange qu’il fait dans son dernier livre « L’homme réseau-nable » entre le « microcosme cérébral » du cerveau humain, et le « macrocosme social » du monde. Quels sont les apports et les limites de cette analogie qui dresse le diagnostic d’une société proche de la « crise d’épilepsie » ? Qui faut-il soigner : la société tendance épileptique ou les individus qui sont de plus en plus nombreux à avoir un égo socialement surdimensionné ?
* Lionel Naccache est neurologue et neurophysiologiste à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière
L'Homme réseau-nable - Du microcosme cérébral au macrocosme social éditions Odile Jacob, octobre 2015, 152 pages (format papier et e-book)
Lionel Naccache sur France-Inter, vendredi 6 nov. 2015
Lionel Naccache sur France-Culture, samedi 7 oct. 2015
La vie sociale n’est pas née avec Mark Zuckerberg.
La vie sociale n’est pas née avec Mark Zuckerberg. L’humain à une via sociale depuis la nuit des temps. Il ne faut pas être sociologue pour constater que la vie sociale humaine, pour ne prendre en compte que l’histoire récente (des 5 dernier millénaires), est active depuis longtemps dans différents cercles : la famille, les cultes, l’école, le monde du travail, les associations et syndicats, voire (en tout bien tout honneur) la franc maçonnerie.
Tous ces cercles sociaux sont implicitement ou explicitement gouvernés par des rites, des traditions et des coutumes. Comme je le souligne à chacune de mes conférences sur le sujet, la communication est une élément déterminant de l’évolution de notre envergure socialo-géographique dans l’histoire. Tant que le cheval était le seul moyen de locomotion, la vie sociale de la majorité des hommes était limitée à un périmètre de quelques kilomètres autour de leur village. Avec le développement des moyens de transport (le train au 19e siècle et la voiture au 20e) notre envergure socialo-géographique s’est étendue aux départements, aux régions et aux pays. Avec la démocratisation du transport aérien les relations intercontinentales sont devenues relativement banales. Et, si j’oublie le téléphone, Internet et les réseaux sociaux ont transformé notre petit planète en un grand village, en complexifiant considérablement le maillage des relations interpersonnelles. Maillage qui devient un enjeu majeur sur le volet de l’influence. N’oublions pas que les sociétés animales ont elles aussi leurs rites et codes sociaux.
Mais la paradoxe de cette socialisation humaine Internet est que, trop souvent pour notre malheur, de petites communautés humaines peuvent avoir une grande influence, voire un pouvoir de nuisance, notamment parce que la majorité reste trop silencieuse. Et à ce sujet, je vous invite à écouter le propos de Gérald Bronner (1) sur France Culture, à propos de La société des interdits (L’esprit public, avec Philippe Meyer, le 5 juillet 2015) :
On dit souvent qu’Internet a démocratisé l’information, oui si l’on veut, mais c’est une démocratie où certains votent mille fois et d’autres jamais. Et ceux qui ne votent jamais, je le crains, sont les plus raisonnables de nos concitoyens. Donc, je pense que ces concitoyens doivent prendre toute leur place dans l’espace des réseaux sociaux, des forums, pour pied à pied lutter contre les idées loufoques, déraisonnables voire dangereuses qui se répandent.
(1) Gérald Bronner sociologue français, professeur à l’université Paris Diderot a fait l’objet d’un billet sur mon blog à propos de son excellent livre : La démocratie des crédules.