Demain, dimanche 8 novembre 2015, Página/12 propose à ses lecteurs un enregistrement historique du défunt groupe de rock Los Gatos, le second groupe de Litto Nebbia, celui qui produisit le premier tube du rock national en Argentine, en 1967 (1).
En 2007, le groupe s'est reformé temporairement pour deux concerts, l'un à Rosario, la ville où il s'était formé, puis à Buenos Aires, au Gran Rex. Il était prévu une véritable tournée dans le pays mais les désaccords des musiciens avec leur producteur historique, qui n'a jamais accepté de réviser leurs contrats pour prendre en compte le succès advenu, empêchèrent sa réalisation.
Le concert de Rosario a fait l'objet d'un enregistrement en public et Litto Nebbia, qui s'est dégagé des griffes du label de ses débuts, vient enfin de l'éditer sous forme d'un nouveau CD sous son propre label, Melopea Discos, qu'il a fondé il y a un quart de siècle. C'est ce CD qui sera en vente demain matin, dans les kiosques, au prix de 100 $ ARG. Pour l'occasion, le quotidien publie ce matin une interview de l'auteur-compositeur interpréte qui est l'un des inventeurs (2) du rock nacional en Argentine et l'une des grandes autorités artistiques du secteur de la musique populaire, qu'il aide de toutes ses forces avec sa maison d'édition discographique.
-Usted había tenido ofertas anteriores de reunir a Los Gatos y las había rechazado: ya se pensaba que era algo que no iba a suceder.
-Sí, tuve muchas proposiciones durante años, nunca se me ocurrió volver a armarlos. En las primeras épocas, porque no quería afianzarme en cosas que tuvieron éxito, para poder desarrollar los siguientes capítulos de locuras que hice luego. Después cuando se hizo más sólido el trabajo que fui desarrollando como solista, lo veía como una cosa que iba a ser muy engorrosa. Siempre había críticas, comentarios sobre el dinero, y yo pensaba, la verdad que para pasar un mal momento, mejor me quedaría con la historia donde está. Creo que lo que me hizo decidir a hacer el Aniversario fue lo de los Gatos Salvajes, que me envalentonó.
- Vous aviez déjà eu d'autres invitations pour réunir les Gatos et vous les aviez repoussées. Pensiez-vous alors que c'était quelque chose qui n'arriverait pas ?
- C'est ça, j'ai eu de nombreuses propositions durant des années, il ne m'est jamais venu à l'idée de remonter le groupe. Au début, parce que je ne voulais pas m'engager dans des trucs qui avaient eu du succès, pour pouvoir développer les chapitres suivants des folies que j'ai faites après. Et puis quand le travail que je développais comme soliste a été plus solide, je voyais là-dedans un truc qui allait être très dur. Il y avait toujours des critiques, des commentaires sur l'argent (3) et moi, je pensais que plutôt que de passer un mauvais quart d'heure, mieux valait que je laisse cette histoire là où elle s'était arrêtée.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)
-Existía la posibilidad real de una reunión.
-Entonces nos pusimos las pilas para poder armar esta cosa, y dijimos vamos a hacerla bien, tener una charla con la vieja compañía, que nos ha cagado tantas décadas. Yo me ocupé de tener las reuniones pertinentes con el que era el director, Afo Verde, y además de verlo personalmente, debo haber intercambiado unos 60 mails. Pensábamos girar por Latinoamérica, porque en esos años estuvimos primeros en El Salvador, en Chile, en Venezuela, en varios países. Iban a editar el box set con todos los discos, y yo les dije que me dejaran hacer la mezcla y la masterización, porque las ediciones que habían sacado no estaban bien. Lo hice, pero me quedé con las copias de esa masterización, porque me di cuenta de que no lo iban a sacar. Hoy en día vas a una disquería y querés comprar "La balsa", por Los Gatos, un tema hiperfundacional, y no está. La cosa terminó de arruinarse cuando el contrato incluía volver a firmar sin límites por todo lo nuevo que hiciéramos, o sea el DVD, los discos que hemos sacado, este disco que saca ahora Página/12, todo. Entonces yo dije, pero cómo, volvemos al mismo lugar, esto es una pesadilla.
- Il existait une vraie possibilité que le groupe se retrouve.
- Bon ! On a mis l'essence dans le moteur pour pouvoir monter ce truc et on s'est dit : On va faire ça bien, avoir une conversation avec notre ancien label, que nous a fait ch... depuis tant d'années. Je me suis chargé d'avoir les rendez-vous qu'il fallait avec celui qui en était le directeur, Afo Verde, et en plus de le rencontrer lui personnellement, j'ai bien dû échanger au moins soixante mails. On pensait faire une tournée en Amérique Latine parce que dans ces années-là, on était au hit-parade au Salvador, au Chili, au Venezuela, dans différents pays. Ils allaient éditer un coffret avec tous les disques et je leur ai dit qu'ils me laissent faire le mixage et la masterisation parce que dans les éditions qu'ils avaient sorties, ce n'était pas bon. C'est ce que j'ai fait et je me suis retrouvé avec cette masterisation sur les bras parce que je me suis rendu compte qu'ils n'allaient rien sortir. De nos jours, tu vas chez un disquaire, tu veux acheter La Balsa (4), par Los Gatos, un super-classique, et ça n'y est pas. Et le truc a fini en compote parce que le contrat comprenait des clauses où on continuait à signer avec eux indéfiniment pour toutes les nouveautés qu'on pouvait faire, que ce soit le DVD, les disques qu'on avait sortis, ce disque-ci que Página/12 sort maintenant, tout. Alors moi, j'ai dit : ras-le-bol, on revient toujours au même point, c'est un cauchemar, ce truc.
(Traduction © Denise Anne Clavilier)
Le disque de demain comporte une trentaine de chansons issus de la demi-douzaine de disques que le groupe a enregistrés à la fin des années 1960. Et c'est en effet un document d'une grande importance pour l'histoire du rock argentin, qui fête cette année ses 50 ans.
(2) D'aucuns vous diront que Litto Nebbia est Le père du rock argentin. Il existe à ce sujet une de ces querelles ordinaires dans le pays quand il s'agit de déterminer les débuts d'un emblème national. La querelle tourne autour du rôle joué dans la création de La Balsa, le premier rock à texte hispanophone, par Tanguito, un musicien qui n'a jamais pu supporter sa soudaine célébrité et a mal tourné, finissant en prison et mourant en chutant d'un train pendant une permission pour aller voir sa mère. Il fait un peu tâche sur la naissance du genre emblématique pour la génération des actuels sexagénaires.
(3) Depuis que Litto Nebbia a monté sa propre maison de production, il y a toujours eu des jalousies et les jalousies ont donné lieu aux rumeurs les plus déplaisantes. On l'a accusé d'aimer l'argent, de s'être fait aider par le Gouvernement de Carlos Menem. N'importe quoi ! S'il avait été vénal, l'homme aurait continué sa carrière avec les majors. Au contraire, il a acheté sa liberté en diminuant son train de vie potentiel et il gère sa carrière et son œuvre avec de petits moyens mais un vrai bonheur. Il joue aujourd'hui dans des petites salles. Ce n'est pas lui qui remplit le Luna Park à Buenos Aires comme le font les vedettes commerciales.