Jerry's jazz

Publié le 08 avril 2008 par Maitrechronique
Je lis dans le dernier numéro de Jazz Magazine, en page 38 de l’édition du mois d’avril, un article consacré à… Jerry Garcia, leader et inspirateur du mythique Grateful Dead, cette formation de San Francisco qui fut de toutes les folies psychédéliques d’une Amérique qui rêvait d’autre chose pour elle-même que le cauchemar vietnamien et s’oubliait dans un pacifisme libertaire à forte teneur en substances chimiques hallucinogènes. Le Dead, comme l’appelle tous ceux qui en furent et sont toujours les fidèles (eux-mêmes auot-proclamés Dead Heads), fut l’une des figures de proue du rock américain durant une trentaine d’années, jusqu’à la mort de son créateur au mois d’août 1995, finalement terrassé par l’arrêt d’un cœur usé après tant d’excès.
Étonnante apparition de l’un de mes héros de toujours dans une publication dédiée au jazz et qui, pour autant que je m’en souvienne, s’est rarement illustrée comme « passeur » d’un univers musical à l’autre et tout particulièrement vers le rock, même celui, pourtant élaboré et propice à de longues imporvisations, de Jerry Garcia et ses complices.
J’ai déjà écrit à plusieurs reprises sur ce sujet, celui du Grateful Dead de mes années d’adolescence qui me donna l’occasion de m’illustrer dans une curieuse stratégie d'un arbre à disques, complice involontaire de mes facéties consuméristes, moi qui un beau jour de novembre 1971, contractai le virus de sa musique chatoyante et libre et qui, jamais, ne parvins à m’en défaire. Aujourd’hui encore, près de 13 ans après cette disparition pénible, je ressens à intervalles réguliers et plutôt rapprochés le besoin de plonger dans un univers sonore chaleureux, immédiatement identifiable. La vie du groupe est encore une réalité au quotidien et les publications d’enregistrements inédits se suivent mois après mois. On annonçait tout récemment la sortie d’un coffret de 9 CD proposant l’intégrale de trois concerts donnés par le groupe au Winterland en novembre 1973. En souvenir de l'époque des disques vinyles, mon sang ne fit que trente-trois tours avec la promesse de longues heures de concerts, encore et toujours, à se fourrer bien au creux des oreilles. Que croyez-vous donc que je fis ? Oui, vous avez bien compris... et depuis l’avis d’expédition de ce nouveau trésor (dont le prix est plus que raisonnable compte tenu d’un taux de change particulièrement favorable à défaut d’être souhaitable…) qui finira bien par m'arriver, j’attends fiévreusement !
Mais si Jerry Garcia et le Grateful Dead sont à l’honneur dans Jazz Magazine en ce début de printemps, c’est aussi et avant tout en raison d’un projet d’hommage au groupe dont l’initiative revient à deux de nos éminents jazzmen hexagonaux, Lionel et Stéphane Belmondo, frères de sang et de musique. Le saxophoniste et le trompettiste n’en sont pas à leur première tentative de relecture, loin s’en faut ! On se souvient par exemple d’une exploration assez passionnante de la musique française du début du XXe siècle, et tout particulièrement celle de Lili Boulanger : un magnifique «Hymne au soleil» - qui par un étrange phénomène de jonction porte le même titre que le second album du Grateful Dead, «Anthem of the Sun» - paru sur leur propre label, B Flat, et qu’on n’est pas près d’oublier ; quelques années plus tard, ce disque plusieurs fois récompensé, demeure l’une des productions les plus attachantes du jazz français et je ne peux que vous recommander de le découvrir. Il faut également souligner le travail tout aussi passionnant réalisé par Stéphane Belmondo lorsqu’il rendit hommage à la musique de Stevie Wonder. Son «Wonderland» est une autre réussite, goûteuse et longue en bouche, qui vous fait courir comme un affamé vers votre discothèque à la recherche de ces merveilles appelées «Songs In The Key Of Life» ou bien «Innervisions».
Dans ces conditions, il va de soi que le projet d’un hommage rendu au Grateful Dead par ces deux musiciens me ravit pleinement. Voici donc deux de mes passions qui, une fois de plus, se rejoignent sous l’impulsion créatrice d’artistes ayant appris à dépasser les préjugés ambiants et qui osent s’affranchir d’étiquettes collées à la va vite par quelques supposés spécialistes.
L'hiver est bien trop long en Lorraine qui nous écrase sous une grisaille tenace depuis des mois... Cette lumière allumée par la fratrie Belmondo va vite me réchauffer et s'il m'est impossible de me rendre à la première de cette création (le 15 avril au Festival Banlieues Bleues), je saurai patienter, guettant ici un concert, là un disque. Voilà bientôt 37 ans que le Grateful Dead m'accompagne, j'ai appris la patience.