Alors que s’ouvre à Paris la 21ème édition du Salon International du Patrimoine Culturel, c’est à une prise de conscience que Darkplanneur vous convie, celui de la main-mise des intérêts privés sur le patrimoine culturel français, un vrai questionnement sur le futur de l’art et de la transmission en France. Pour illustrer cette interrogation, notre chroniqueuse Araso est allée interviewer deux personnages clefs, Cyril Montana, écrivain, et Thomas Bornot, réalisateur, qui s’élèvent contre l’OPA de Pierre Cardin sur le village de Lacoste! En effet, le couturier a entrepris l’acquisition de cette cité médiévale perchée sur les collines du Luberon que surplombe le château du marquis de Sade et son projet pose question… Cyril et Thomas ont décidé de faire un film documentaire, « Voyage en Utopie », dont ils révèlent les coulisses à Darkplanneur…(Pierre Cardin n’a pas souhaité nous répondre malheureusement.)
Araso : Cyril Montana et Thomas Bornot, comment a démarré votre projet ?
CM: Ce projet est parti d’un constat alarmant. Il y a une quinzaine d’années, le couturier Pierre Cardin s’est installé à Lacoste, village médiéval du Luberon, et y a progressivement fait l’acquisition d’une quarantaine de maisons, de 42 hectares de terrains ainsi que le château du marquis de Sade. Les maisons restent inoccupées et les terrains en friche, malgré les promesses de Pierre Cardin de redynamiser le cœur du village. Lacoste était un village autrefois très vivant, doté d’un patrimoine culturel inestimable et il est en train de mourir.
A : Qu’est-ce que Lacoste a de si particulier en termes culturels ?
CM : Lacoste a été le berceau des surréalistes, à l’instar de René Char et d’André Breton. Après eux se sont installées des générations d’artistes. Pour des raisons un peu difficiles à expliquer, Lacoste a toujours su créer une alchimie entre les notables, les artisans, les artistes, les musiciens… Certains d’entre eux vivent toujours, à 90 ans passés, dans cet écosystème. La beauté des paysages de Lacoste est très inspirante, la lumière y est magnifique. Gustaf Sobin, poète et romancier américain, y a résidé, amené par René Char dans les années 1950. Un des plus grands hautboïste du monde y vit 6 mois de l’année.
TB : Les carrières de pierres ont joué un rôle déterminant dans le développement de la sculpture. Le sculpteur-meunier Louis Malachier y a été découvert par André Breton en 1948 qui faisait un voyage à Lacoste pour visiter le château du Marquis de Sade. Louis Malachier a réalisé plus de 300 sculptures, éparpillées dans la nature, qui ont presque toutes disparu à ce jour, la plupart ayant été volées. On peut néanmoins en consulter les archives grâce à Evert Lindfors, sculpteur suédois habitant à Lacoste, qui les a conservées précieusement. C’est un peu la mémoire du village.
CM : Les gens qui possèdent une maison à Lacoste aujourd’hui ont acheté il y a longtemps. Les opérations immobilières effectuées par Monsieur Cardin ces dernières années ont tellement fait augmenter les prix qu’il est impossible pour de nouveaux artistes de venir s’y installer, et l’héritage se perd.
A : Pourquoi Lacoste est à ce point menacé? Est-ce une question humaine ? Immobilière ? Les deux ?
CM : Plusieurs exemples illustrent cette problématique, notamment parmi les artisans originaires de la région, qui, bien qu’ayant un business plan tout prêt et un réel savoir-faire, ne peuvent pas s’installer à Lacoste. Romain est paysan boulanger, il fait son blé, sa farine, son pain à la main et le vend au marché. Il a besoin de plus de terres et d’un lieu de vente pour lancer son affaire. Or la seule boulangerie disponible de Lacoste équipée d’un four a été transformée en galerie avec des meubles, éclairée 24h/24 et les 42 hectares dont M. Cardin est propriétaire sont laissés en friche. Romain va donc être contraint de s’installer dans une autre région. Il en va de même pour Camille, qui aimerait organiser des balades à cheval : un demi-hectare pour ses chevaux et un petit bureau en ville lui suffiraient pour lancer son affaire, pourtant c’est impossible. Romain et Camille ne sont que des exemples.
A : En ce qui concerne les aspects culturels, que se passe-t-il de si dramatique?
CM : Toutes les entreprises de M. Cardin ne sont pas faites dans les règles de l’art. En ce qui concerne le bâti, plusieurs constructions ont dû être déconstruites car ne tenant pas compte du patrimoine local. Cela va de la cheminée du XVIIIème siècle qui est démolie aux portails qui ne respectent pas les normes locales. Ceci étant dit, Pierre Cardin organise tous les ans un festival d’art lyrique dans les carrières qu’il possède, sans pour autant que les productions valorisent les artistes locaux. Lacoste a son propre héritage, avec ses artistes et ses contes provençaux.
TB : Il se passe à Lacoste avec Pierre Cardin l’inverse de ce arrive à Arles avec Maja Hoffmann, qui redynamise économiquement la ville en partant d’un héritage local. Elle travaille beaucoup avec les éditions Actes Sud notamment, et ensemble ils sont parvenus à relancer économiquement la ville. Pierre Cardin est arrivé à Lacoste avec l’idée d’en faire le Saint-Tropez de la culture. Le rachat des maisons, la réhabilitation du château entraient dans ce plan, tout comme la création d’hôtels, de magasins, boutiques et restaurants. Rien de tout cela n’a encore vu le jour. En revanche, par ses autres actions, Pierre Cardin semble opérer la récupération d’un ciment culturel fort, s’imposant comme seule valeur culturelle d’un village qui ne l’a pas attendu pour rayonner. Le château du marquis de Sade est classé monument historique. Lacoste fut le berceau des surréalistes. Aujourd’hui, on peut penser qu’il est surréaliste de faire ce genre de boutiques. Là où Maja Hoffmann redonne vie à une ville, Pierre Cardin semble vouloir se construire un mausolée. Il a notamment fait l’acquisition d’une maison dont il a refait la façade, intégralement enduite de blanc. Or, à Lacoste, toutes les façades sont dans des nuances d’ocre jaune. En regardant le village de loin, on ne voit que ça, cette maison blanche. Même les Monuments de France n’ont pas pu s’opposer à cette forme de street art à grande d’échelle, cette manifestions de la volonté d’un individu qui prévaut sur le patrimoine culturel d’une région. C’est pour cela qu’on parle d’une OPA d’un genre nouveau : c’est toute la problématique que pose la privatisation d’un patrimoine culturel sans responsabilisation. Et ce phénomène existe partout.
A : Lacoste n’est donc pas un phénomène isolé ?
TB : Il n’y a qu’à voir le passage de la sorcière à Montmartre, qui autrefois était un lieu public où les gens jouaient de la pétanque et qui maintenant est privatisé.
CM : A plus grande échelle, dans toutes les grandes villes, des malls se construisent, se réapproprient des coins entiers de villes. Ca arrange les municipalités, qui n’ont plus besoin de s’occuper des égouts, de l’électricité, de l’éclairage public. Ce sont des intérêts privés qui gèrent des services publics, entraînant une métamorphose des endroits de rencontre, dédiés aux citoyens, qui deviennent des espaces dédiés aux consommateurs. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe à Londres, Istanbul, Mexico… La différence est qu’il y a derrière ces projets une volonté éminemment mercantile, alors qu’à Lacoste on est juste confrontés à la volonté d’un seul. Mais le résultat est le même, avec, à Lacoste, un effet de gel.
TB : In fine, dans les deux cas, on assiste à une transformation de l’espace public. Il se passe exactement la même chose avec les docks à Marseille, les états n’ayant plus le pouvoir ni l’argent pour gérer ces sujets, donc les intérêts privés s’en chargent. Peut-être que dans 200 ans ont dira du château du Marquis de Sade que c’était le château de Pierre Cardin.
Ce qui est choquant dans sa démarche, est l’estampille de tout un village de son sceau, tandis que Maja Hoffmann à Arles fait tout pour apparaître le moins possible.
CM : Elle est dans une action de mécénat, d’altruisme et de philanthropie pure avec une réelle noblesse de pensée.
TB : Un autre exemple est ce qu’a réalisé à l’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, Danièle Kapel-Marcovici, PDG de RAJA, le grand groupe d’emballages. Elle a créé la fondation d’art contemporain, la Villa Datris, dont l’entrée est gratuite, dotée d’une sélection extrêmement pointue et dont les expositions mêlent les œuvres d’artistes à la renommée internationale à celles d’artistes locaux. On pourrait attendre la même chose de la part d’un collectionneur aussi averti que Pierre Cardin.
A : Il y a donc un certain nombre de propositions qui pourraient être faites à Pierre Cardin s’il décidait de mettre son plan à exécution…
TB : Il n’y a pas de musée à Lacoste, ni d’hôtel. Lacoste ne surfe pas sur sa propre histoire. Pourtant, il existe une vraie demande de découverte du travail du sculpteur-meunier Malachier. André Breton a écrit un article à son sujet en 1948 le qualifiant de « génie » et cela intéresse un public très pointu et féru d’art contemporain. Bien que la plupart de ses sculptures aient disparu, il existe toujours des archives qui constituent à notre sens un patrimoine qui mérite largement d’être valorisé.
A : Qu’est-ce qui vous a porté pour faire ce projet ? Qui veut commencer ?
TM & CM: (Rires)
CM : On se connaît tellement par cœur qu’on pourrait répondre l’un à la place de l’autre.
TB : Je vais répondre pour Cyril : « Mon père était hippie. Mes parents m’ont eu à 17 ans. J’avais 3 ans quand mon père m’a amené à Lacoste. On allait dans des fermes communautaires et dans plein d’endroits différents. Mon père est décédé quand j’avais 13 ans et ma grand-mère, qui adorait le coin, a acheté un petit terrain et une petite maison à l’entrée du village. J’ai passé une bonne partie de mon enfance là-bas et j’y ai passé mon bac. J’ai été élevé au contact de ces paysans, de ces artistes et de tout cet écosystème. Ma grand-mère a commencé à me parler de Pierre Cardin. Elle ne comprenait pas ce qu’il venait faire à Lacoste. Personnellement, je croyais beaucoup en son projet de Saint-Tropez culturel, je me suis dit qu’il allait se passer des trucs. J’ai réalisé, peut-être un peu sur le tard, qu’il n’en était rien. Cela faisait longtemps que des gens se battaient contre lui. J’ai réalisé que l’héritage qui m’a été légué est en danger parce qu’en privatisant cette ville, il a aussi privatisé son histoire. Je me pose la question de savoir ce que je vais léguer à mes enfants là-bas. Qu’est-ce qui restera de Lacoste dans 10 ans ? »
A : Ca n’explique pas pourquoi 15 ans après l’arrivée de Pierre Cardin il y a eu ce réveil. Qu’est-ce qui a été le déclencheur ?
CM : Cela faisait déjà 2 ou 3 ans qu’avec mon ami le sculpteur Gabriel Sobin, on réfléchissait à une action, une sorte de happening. Quand on était gosses, à Lacoste, on faisait toutes les conneries imaginables, on se plantait devant le passage du tour de France avec des banderoles impossibles… On a d’abord pensé à créer des affiches surréalistes, puis à détourner les projecteurs que Pierre Cardin a installés autour du château, visible à des kilomètres à la ronde, pour créer des messages lumineux manifestes. Mais face à un Pierre Cardin qui accélérait la cadence des rachats, il fallait que notre action ait un impact bien plus grand qu’une manifestation locale. C’est à ce moment-là que je suis allé voir Thomas pour lui demander de réaliser le documentaire. Car la seule fois que Pierre Cardin a reculé, c’est lorsque la FNSEA a protesté à grand renfort de fourches et de tracteurs contre son projet d’aménager un golf. Ils ont empêché les spectateurs d’assister à son festival et Pierre Cardin a abandonné le proje. Dès qu’il y a une mobilisation citoyenne, dès qu’il y a des médias, l’expérience nous montre que Pierre Cardin est prêt à abdiquer. Nous, on aimerait simplement l’amener à négocier. Ce film est un outil pour nous y aider.
A : Et toi Thomas, qui es plus extérieur à la situation, qu’est-ce qui t’a convaincu de faire le film ?
TB : La première question que Cyril m’a posée quand il est venu me voir est « est-ce que tu savais qu’on pouvait s’acheter un village ? » Je trouvais l’idée tellement absurde que je n’y avais jamais réfléchi. De voir la perte de place que peut avoir l’Etat face aux villes et le fait que le privé ait de plus en plus de pouvoir m’ a intéressé, et ce que me raconte Cyril me touche. La culture, l’héritage, la tradition sont les fondements d’une société. Sans eux, on rentre de plain-pied dans l’uniformisation mercantile, l’oubli, on fait comme en Chine, on détruit tout notre patrimoine et on devient une société qui n’a plus d’histoire, qui est une société de progrès. Et je ne sais pas ce qu’on fabrique comme individus dans ce genre de société, à part des consommateurs et des fascistes en puissance. Et voir quelqu’un mettre à mal ça- ce n’est pas tant l’immobilier, ça m’est complètement égal que des mecs aient de l’argent et rachètent des maisons, s’ils les louent, à la rigueur, on est dans un système qui fonctionne là-dessus, mais de voir un héritage mis à mal : ça c’est profondément problématique. Dans cent ans, on entendra parler de Lacoste comme étant le village de Pierre Cardin et pas comme un endroit où Malachier a vécu, où Breton est venu, où René Char a séjourné, Beckett aussi, le Marquis de Sade… il y a même dans la région des traditions animistes. Toute cette richesse est en train de disparaître parce que Pierre Cardin fait un projet à la Las Vegas. J’ai toujours travaillé sur des films engagés et politisés, donc ce questionnement m’intéressait à tous les sens du terme. J’ai l’impression que Lacoste est une métaphore de ce qu’est devenue la grande ville, avec la création de banlieues où on met les gens qui n’ont pas d’argent avec leurs maisons Phenix sur le plateau, à l’extérieur, bien cachées, près du supermarché de façon à ce qu’ils puissent aller chez Leclerc facilement sans se fatiguer à aller rencontrer d’autres personnes dans la ville ou à aller chez des petits commerçants, un centre ville dirigé et la propriété de gens riches et puissants et qui en font ce qu’ils veulent. Et puis autour la bourgeoisie profite de grandes maisons de grands terrains etc. Et d’un seul coup, l’histoire et les gens du coin sont expropriés de leur endroit.
A : Qu’est-ce que vous espérez de ce projet, Voyage en Utopie ?
CM : Qu’il amène Pierre Cardin à dialoguer, à négocier pour réaliser cette utopie de rouvrir ces maisons et d’en faire un projet viable. Au minimum on aura dessiné le visage d’un village magnifique avec des gens géniaux, on sera allé interroger les grands penseurs sur la question de l’appropriation de l’espace public. Il nous semble primordial d’ouvrir ces portes de réflexion.
TB : La question est aussi politique : comment est-il possible de racheter un village entier ? Pourquoi ce n’est pas encadré ?
A : Cyril, tu as mentionné un bouillonnement culturel dans lequel tu as baigné depuis petit. Quel a été l’impact de cet environnement sur ton chemin de vie ?
CM : Le fait d’avoir été immergé dans ce dialogue permanent, dans une confrontation d’idées ouvre toutes les œillères que l’on peut avoir. Passer du notable à l’artiste au paysan, sans aucune frontière, permet de se forger une opinion, non pas par mimétisme mais parce que la richesse du propos est telle qu’on se nourrit intellectuellement de l’échange avec l’autre. Et c’est en cela que le modèle de Lacoste doit être défendu.
A : Comment les habitants de Lacoste ont-ils accueilli votre démarche ?
CM : L’arrivée de Pierre Cardin a divisé le village. Ca a été fratricide. Il y a eu des confrontations entre ceux qui voulaient vendre, ceux qui ne voulaient pas, ceux qui travaillaient pour lui… des familles ont explosé à cause de ça, ça a été terrible. Notre projet a réveillé les craintes que ces tensions ne se ravivent, le maire de Lacoste est très inquiet. On a rouvert le couvercle d’une marmite au bord de l’explosion. Tout à l’heure encore, je répondais à des gens sur Facebook, pour me défendre, me légitimer, justifier. A côté de cela, toute une partie de la population nous pousse et nous encourage.
TB : Il y aussi les gens qui se sentent coupables d’avoir vendu, ceux qui pensent que de toute façon Pierre Cardin va mourir bientôt, que les maisons seront revendues et qu’on règlera le problème à ce moment-là. Les gens ont abdiqué d’une certaine manière, se sont résignés à digérer cette situation et en 15 ans il s’est installé une espèce d’harmonie. Revenir maintenant et replanter un couteau dans la plaie en disant « il faut que ça change », met à mal certains, culpabilise d’autres, ré-encourage des gens et fait ressortir des tensions et des griefs d’époque. Ce n’est ni notre objectif ni notre ambition mais il faut que chacun puisse s’exprimer.
A : Est-ce qu’on peut discuter un instant du sens que ça a, dans une économie qui va mal, avec les difficultés financières qu’on connaît, de faire de l’art ? Qu’est-ce que c’est que faire de l’art dans cette économie-là ?
CM : J’écoutais ce matin une émission qui parlait de l’impact de la musique sur la santé. On se rend compte qu’écouter un morceau de musique que tu aimes fait que ton corps produit des endorphines et annihile la douleur. Il semblerait bien que le rôle de l’art soit beaucoup plus complexe que ce qu’on pense. L’art crée du lien, c’est un anti-repli et un antitotalitarisme. En période de crise, ce n’est pas en restant chez soi flippé à regarder BFM toute la journée qu’on va trouver des solutions. Au contraire : ça ne fait que cristalliser les peurs.
TB : L’art est encore l’un des seuls endroits de liberté où tu peux te retrouver face à quelque chose que tu ne comprends pas forcément mais dans lequel, contrairement à la culture populaire et la doxa globale, tu peux être encore ému. D’ailleurs dans 1984, quand le personnage arrive dans cette brocante qui est en fait un grenier et tombe sur des objets qui n’ont pas d’utilité, en tout cas pas celle que la société donne aux objets, mais juste celle de créer une émotion, c’est là que d’un seul coup, il passe de l’autre côté et commence à réaliser le système dans lequel il est. Aujourd’hui, on a plus que jamais besoin d’art.
A : C’est donc pour ça qu’il est si important de défendre la culture ?
TB : C’est peut-être d’ailleurs la seule chose à défendre. L’Histoire, la Culture, la Pensée.
A : Est-ce que vous avez des soutiens pour le projet ?
TB : On a commencé le 6 octobre une campagne de financement par crowdfunding via Kiss Kiss Bank Bank pour commencer à tourner et créer une émulation. Danièle Kapel-Marcovici nous soutient, nous avons présenté le projet lors du dernier Positive Economy Forum de Jacques Attali et avons eu des soutiens de la part de la presse. Notre sujet est une question complexe : personne ne se doute de ça, personne ne voit les incidences que ça peut avoir, moi le premier. On a tellement mis dans la tête des gens que les villages c’est nul, ou que c’est pittoresque et mignon et quelque part le village devient une sorte d’Eurodisney, mais que le modernisme c’est la ville. Personne ne dira que le modernisme c’est le village alors qu’avec des systèmes comme le télétravail, on aura de moins en moins de raisons de travailler dans des villes et de vivre en banlieue. Il y a des banlieues à Avignon alors que la campagne est à 20 minutes, c’est complètement surréaliste. Et Pierre Cardin fait la même chose avec Lacoste : il crée des banlieues à la campagne.
A : Et donc KissKissBankBank serait la réponse d’intérêts privés à l’intérêt privé ?
CM : Ca permet d’avoir une indépendance et ça nous permet, à nous, de réinvestir le champ du politique et de faire entendre notre voix.
TB : C’est quelque chose qui est beaucoup plus utilisé dans le monde anglo-saxon parce que le « show –business », le business est lié directement à l’art, en tout cas aux films. C’est un système que j’ai découvert à travers ce film. Ce qui est intéressant est que ça permet de créer une communauté, de proposer un sujet, une question, et de voir les gens qui ont envie de s’en emparer, qui ont envie de voir ces questions posées et transformées en film. C’est une sorte de referendum. Et d’autant plus sur des questions comme celle-là qui sont des sujets très compliqués à faire passer pour la télévision ou même pour le cinéma.
A : Pensez-vous que KissKissBankBank soit l’avenir de la culture ?
TB : Je pense qu’il faut faire attention à l’extrapolation. Il est important que l’Etat continue de subventionner l’expression culturelle et soit garant de la liberté des artistes, indépendamment des intérêts individuels a priori. Parfois, ce qu’on attendait pas est ce qui nous touche le plus. D’ailleurs les plus grands artistes ont été décriés à leur époque. En revanche, pour les films, c’est intéressant du point de vue de la chronologie des médias. Les gens regardent de moins en moins la télévision et films documentaires sont vus de plus en plus sur Internet. Dans ce cas, pourquoi pas financer globalement un film de façon à ce qu’il soit regardé sur Internet, financé et vu par tous ?
(Darkplanneur est toujours ouvert à un droit de Réponse de mr Pierre Cardin, credits photo: corinne brisbois)