On dirait que ça fait peur la "dépression". Un peu comme s'il s'agissait d'un gros mot, un mot vraiment obscène, doublé d'une sorte de maladie honteuse et contagieuse. Quelle drôle d'idée.
Il n'y a pourtant pas de risque à côtoyer une personne dépressive, vous n'allez pas subitement vous transformer en un monstre triste et étrange.
C'est compliqué la "dépression". D'autant plus qu'elle existe sous bien des formes. Il n'y en pas qu'Une seule, c'est déjà une première certitude. Et puis, rien à voir non plus avec une petite déprime, une petite baisse de moral qui peut survenir à n'importe qui. Ça arrive de se sentir mal, de traverser une mauvaise période, d'en souffrir, mais on s'en remet assez aisément malgré tout...
Alors c'est quoi cette fichue dépression, celle qui fait peur et qu'on évite d'évoquer ?
Si on s'en réfère à l'OMS ; tu sais, l'Organisation Mondiale de la Santé :
Aïe. Je suis en plein dedans. Pourtant, j'ai de la chance. Vraiment. Parce que je connais bien ma maladie. Que j'ai appris à vivre avec et à traverser les crises bien plus facilement que je ne le faisais à 15, 20 ou 25 ans...
J'ai de la chance parce que je suis encore là pour pouvoir en parler et pour pouvoir affirmer que les choses s'arrangent. Le pire est derrière moi.
Vous rendez-vous compte que "Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les 15-29 ans." C'est juste énorme !
Tiens, encore un mot qui fait peur "le suicide". Pourtant ce n'est toujours pas une maladie contagieuse honteuse qu'on attraperait rien qu'en en parlant ! Au contraire, si les ados et les jeunes adultes avaient la possibilité de parler davantage de leur souffrance, je suis persuadée qu'on éviterait un certain nombre de drame...
J'ai 37 ans et je suis toujours là, c'est donc assez merveilleux ! J'ai survécu à ces p*** de tentatives de suicide. Des personnes mal intentionnées ou mal avisées pourraient me rétorquer que si je suis encore là, c'est simplement parce que je n'y ai pas mis assez de cœur à l'ouvrage. Que je n'avais pas vraiment envie de mourir, que je m'y suis mal prise... Pourtant il a souvent été moins une. Enfin, on ne va pas s'attarder sur de glauques détails techniques.
L'important c'est de retenir qu' on peut survivre à ces foutues envies d'en finir et surtout que l'on peut retrouver l'envie de vivre et même mener une vie normale. Même si cela prend du temps, beaucoup de temps, que ce n'est pas toujours facile, on peut finir par retrouver le goût de vivre.
J'ai mis des années pour en finir avec la boulimie (jusqu'à 3 crises par jour, 7j/7, une période "merveilleuse") et les petites périodes d'auto-mutilation (faut essayer de comprendre que la douleur physique permet parfois aux personnages qui souffrent moralement d'oublier cette douleur psychologique).
J'ai eu la chance de rencontrer des praticiens -psy, infirmières, sophrologues- compétents (bon, il y a eu aussi quelques rigolos, mais c'est comme partout, il y a des gens efficaces et d'autres un peu moins sérieux et moins investis...).
Bref, exit les troubles du comportement alimentaires. Si j'ai pris du poids ces dernières années, cela n'a rien à voir avec des crises de boulimie. La boulimie c'est quand on se remplit l'estomac jusqu'à l'écœurement, jusqu'à se faire excessivement mal et jusqu'à ce que plus aucune nourriture ne puisse passer le seuil de votre bouche. Non là, ce n'était que quelques excès de nourriture pour compenser quelques chagrins, sans que cela relève du comportement maladif. Nuance importante.
Aujourd'hui, il ne me reste plus de troubles alimentaires ni de tendances suicidaires, mais juste une fichue fragilité. Encore une fois, j'ai conscience que certains parleraient d'instabilité, "d'anormalité", voir de "folle qui s'écoute parler". Peu importe, ce n'est pas à eux que je m'adresse. Ils ne savent pas et ne cherchent pas à comprendre, d'ailleurs ils n'ont pas besoin de comprendre puisqu'ils ne sont pas personnellement confrontés à ce genre de situation.
Bref, il m'arrive encore de traverser des épisodes dépressifs. Ça ne veut pas dire que je me laisse aller, que je baisse les bras face aux difficultés et que je me plains que la vie est "décidément trop dure pour moi". Rien à voir.
Un épisode dépressif -pour moi- c'est une période pendant laquelle je me sens épuisée, je n'arrive plus à me concentrer, je ne dors plus la nuit, une période pendant laquelle je n'ai plus envie de rien, ni de voir personne... Souvent dans ces moments là, je suis incapable de sortir et de me confronter au monde extérieur, je me mets à redouter de devoir parler à des gens... Et je suis "bien sûr" je me mets à pleurer facilement et je ressens aussi de brefs sursaut d'intense colère. Un charmant mélange !
En ce moment je suis confrontée à la santé plus que déclinante de mes parents - là le sujet est trop "chaud" pour que je puisse en parlant, j'ai besoin de prendre encore un peu de recul - et confrontée aussi à plusieurs périodes de deuils qui se sont succédé (oui, oui, ces choses là font aussi partie de la vie) : ça m'affecte plus que je ne le souhaiterais...
Je m'endors à 3 heures du mat passées, même si la journée a été physiquement fatigante, je n'ai guère envie de sourire et ce qui me gêne par-dessus tout,c'est cette foutue incapacité à juguler le flot de mes pensées et cette fichue difficulté à me concentrer.
Mais ça va passer, je le sais.
J'ai deux exutoires à peu près efficaces et qui se complètent bien dans ces cas là : l'écriture et le sport. Ça n'est pas parfait, ça n'est pas une solution magique, mais ça aide.
Je que je tenais donc à vous dire avec ce long, long, long billet, c'est que la dépression n'est pas une maladie honteuse. Si vous avez de l'asthme ou du diabète, vous n'allez pas vous culpabiliser parce que vos bronches ou votre pancréas ont un peu de mal à fonctionner correctement tout seuls ? Et bien là, c'est pareil ! N'ayez pas honte que la chimie de votre cerveau débloque un peu de temps en temps et que vous semblez avoir plus de mal que la moyenne à faire face à certaines difficultés du quotidien
Et le plus important, gardez confiance en vous, ne restez pas seul pour faire face à vos difficultés, vous verrez, on apprend à les surmonter et même à retrouver une très belle vie.
image à la une : Greg Rakozy