Ceux qui espéraient que le mariage pour tous constituait pour les gays l'ultime abandon des derniers bastions de la discrimination et l'expression définitive à leur égard de l'égalité républicaine en seront pour leurs frais. Ils subissent aujourd'hui la même désillusion que ceux qui ont cru qu'ils allaient établir une politique de gauche en élisant François Hollande.
Présenté comme une avancée, comme la fin d'une inqualifiable discrimination, cette ouverture « sous condition » du don du sang aux homosexuels est en réalité à la fois une mesure scélérate et un camouflet inacceptable. D'autant plus inacceptable qu'on préférera à la fin faire face à des homophobes déclarés qu'à d'hypocrites faux amis…
Qu'on en juge. D'abord, le sang destiné à la perfusion est sûr ou il ne l'est pas. S'il est sûr, il a subi tous les test et les contrôles possibles capables d'y déceler la moindre contamination. Si cette certitude est basée sur des analyses complètes et exhaustives, elle est crédible. Si elle repose sur des engagements invérifiables de la part des donneurs, elle n'existe pas. Or non seulement c'est le cas, mais les exigences requises auprès des donneurs ne sont pas les mêmes suivant qu'il s'agit d'hétérosexuels ou d'homosexuels.
Chaque détail de la mesure est discriminatoire : Le « fenêtre sérologique », c'est à dire le délai à dater de la contamination supposée pendant lequel le virus HIV ou ses anti-corps - puisque c'est cette crainte qui est mise en avant -, ne sont pas détectables est de 21 à 28 jours suivant les sources. Passé ce délai, les test, de plus en plus élaborés, le détectent de la manière la plus formelle.
Fort de cette certitude le décret de 2009 déterminant le profil des donneurs « hétéros », (les homos sont alors exclus) fixe la période d'observation à quatre mois, y compris pour les donneurs « ayant des partenaires multiples ou un conjoint séropositif ».
Mais ces précautions, largement dimensionnées, acceptables et acceptées sans problème par les intéressés ne sont pas valables pour les homosexuels, ces sous-hommes qui ne sauraient, si l'on en croit les auteurs scélérats de cette mesure, être concernés pas les mêmes normes que les hétérosexuels. Quatre mois conviennent pour qu'un hétérosexuel ne soit plus considéré comme potentiellement contaminant, mais « l'élargissement de la mesure » en prévoit douze pour les homosexuels...
La loi de la république prévoit pourtant l'interdiction de classer les gens suivant certains critères, dont notamment la préférence sexuelle. On ne voit pas au nom de quoi la médecine pourrait y déroger. Lorsqu'au XIX° siècle, la parole religieuse a perdu la crédibilité nécessaire pour porter les valeurs moyenâgeuse de sexualité licite et pour dénoncer les plaisirs de la nature et la liberté des relations humaines en général, c'est déjà la parole médicale qui lui a servi de relais.
Ce furent les médecins qui prônèrent alors les ceintures de chasteté et autres liens et camisoles supposés empêcher les adolescents de se masturber, prétendirent -encore aujourd'hui pour certains- que homosexualité était une maladie et qu'ils étaient capables de la guérir, ce sont les ouvrages médicaux qui affirmèrent que la masturbation rendait sourd, aveugle et déformait le pénis, que la sodomie détruisait les anus alors que personne ne s'était jamais soucié de l'anus des femmes depuis l'homme de Cro-magnon…
Les maisons de tolérance, lieux de rencontre échangistes, bars spécialisés, et affaires de prostitution ne sont pas, que je sache, l'apanage du monde homosexuel. Faites n’importe quelle recherche de nature sexuelle sur internet et déterminez la proportion de propositions hétérosexuelles et homosexuelles que vous y trouverez.
Vouloir faire croire que les homosexuels auraient une vie plus dissolue que les autres, prendraient plus de risques et posséderaient l'exclusivité de la collection de partenaires multiples est un mensonge par amalgame de la même ignominie que les slogans « arabes - voleurs », « homosexuels - pédophiles », et autres diatribes d’extrême droite. Utiliser une loi médicale supposée d'intérêt général pour faire avancer ce type de message relève au mieux d'une inconscience crasse et au pire d'une volonté de nuire qui interroge...
A travers les conditions inégalitaires et discriminatoires officialisées par la décision de Marisol Touraine, le jeu de massacre continue. Pour la médecine officielle, les homosexuels ne sont pas sortis de leur placard, normalisés, anonymisés. Ils doivent se déclarer, entrer par une porte d’infamie, subir des contrôles particuliers, se soumettre à des exigences aggravées.
On était déjà tenté de penser que ceux qui acceptaient de raconter leur vie sexuelle à une institution médicale pour donner leur sang acceptaient ce chantage justement parce qu'ils n'avaient rien à raconter. Personne ne fera la démarche d'aller donner son sang pour se voir recalé par un questionnaire indiscret. Dès lors qu'on a choisi d'aller le donner, on fera toutes les réponses souhaitables pour y parvenir.
D'ailleurs, le don du sang « par les homosexuels », même s'il existait de façon égalitaire, ne devrait pas représenter un supplément appréciable pour la collecte, leur nombre étant de moins d'un sur dix dans la population. Accepter leur collaboration dans ce domaine relevait donc davantage d'un souci d'égalité républicaine que d'une mesure propre à résoudre les besoins de sang des hôpitaux.
Eh bien, c'est raté. Les homosexuels ne donnaient pas leur sang, il ne vont pas le donner pour autant à partir d'aujourd'hui, parce qu'ils auront à cœur de ne pas se soumettre de bonne grâce à une mesure qui contribue à leur discrimination. Encore une belle victoire d'un gouvernement qui, décidément, accumule les boulettes avec obstination et va d'échec en renoncement avec un entrain dont on cherche en vain le moteur et la motivation.
Pourtant, la solution était simple : contrôler le sang collecté de manière suffisamment crédible pour effacer tous les soupçons. Or cette mesure crée justement des nouveaux soupçons. Pourquoi ?
Diverses réactions dans la presse:
RMC - BFM.tv.
Huffington Post