La réforme du code du travail engagée dès le début 2016 est une véritable révolution. Elle vient consolider notre modèle social en l'adaptant à un monde traversé par des bouleversements majeurs. Elle répond à 2 objectifs : réaffirmer les principes fondamentaux de notre droit du travail " protéger et sécuriser " ; consacrer le rôle du dialogue social pour adapter notre droit et mieux garantir les droits des salariés.
Conséquence n°1 - La nouvelle architecture du code du travail sera réécrite de manière claire, en 3 niveaux : l'ordre public social garantissant les principes ; le domaine ouvert à la négociation ; les dispositions applicables en l'absence d'accord. Cette réécriture sera conduite avec méthode : Robert Badinter présidera une mission des Sages pour définir les principes fondamentaux d'ici janvier 2016 ; la partie essentielle consacrée à la durée du travail, au repos et aux congés sera réécrite dès le projet de loi ; la réécriture globale se fera en 2 ans.
Conséquence n°2 - Le rôle de la négociation collective sera renforcé. Une véritable culture de la négociation sera instaurée en mobilisant l'école, l'enseignement supérieur, les conseils aux entreprises, la formation de négociateurs, en étendant le principe de l'accord majoritaire et en préférant les " accords vivants " aux " accords dormants ". Les branches professionnelles seront dynamisées : leur nombre sera réduit de 700 à 200 voire 100 d'ici 2 à 3 ans, de préférence dans le dialogue, au besoin de manière réglementaire. Les particularités des TPE-PME seront mieux prises en compte : leur accès aux dispositifs nécessitant aujourd'hui un accord sera facilité, les accords de site ou de filière intégrant plusieurs entreprises seront encouragés.
" Réformer, ce n'est pas faire le choix de tout casser, de la régression ". Cette réforme du code du travail est une " véritable révolution " (PM, 04/11/15). Le monde du travail connaît en effet des bouleversements majeurs : nouvelle économie, nouveaux modèles productifs, nouveaux métiers, nouvelles organisations du travail, nouvelles pratiques professionnelles, ... Face à ces évolutions, le code du travail est de moins en moins bien adapté pour protéger les salariés, car il s'est stratifié avec le temps. Il est donc nécessaire de repenser la manière dont la société protège ses salariés tout en redonnant confiance aux entreprises.
Sur la base des recommandations de Myriam El Khomri, le Premier ministre a annoncé ce mercredi les orientations sur lesquelles le gouvernement souhaite avancer, avec 2 objectifs :
- Réaffirmer les principes fondamentaux de notre droit du travail, protéger et sécuriser, et adapter notre droit au monde d'aujourd'hui pour favoriser la croissance et l'emploi, en refusant le statu quo. C'est l'objectif du projet de loi que présentera Myriam El Khomri début 2016, pour une adoption " avant l'été " (PM, 04/11/15).
- Consacrer le dialogue social comme la meilleure voie pour concilier les besoins des entreprises et les attentes des salariés au niveau de la branche et de l'entreprise. C'est dans le dialogue social que se construisent des réponses adaptées à la diversité des situations.
La nouvelle architecture du code du travail sera réécrite de manière claire, accessible de tous, pour chaque chapitre et sur la base d'une architecture nouvelle qui reposera sur 3 niveaux distincts :
- Premier niveau : celui de l'ordre public social et auquel aucun accord ne peut déroger. La loi " continuera à garantir des principes ", en particulier " la durée légale des 35 heures [...], le paiement en heures supplémentaires au-delà " et le SMIC (PM, 04/11/15).
- Deuxième niveau : constitué par le domaine ouvert à la négociation.
- Troisième niveau : constitué par les dispositions applicables en l'absence d'accord d'entreprise et d'accord de branche.
Le gouvernement entend agir avec méthode :.
- Une mission des Sages sera constituée dès novembre pour définir des principes fondamentaux du droit du travail. Elle sera présidée par Robert Badinter, et composée des plus hautes autorités des juridictions administrative et judiciaire (Cour de cassation et Conseil d'Etat et universitaires).
- Elle proposera au gouvernement d'ici janvier 2016 les principes qui seront intégrés au projet de loi pour guider les travaux de réécriture du code.
- Cette réécriture aura lieu en 2 ans et sera confiée à la mission élargie à des personnalités qualifiées (juristes, universitaires, praticiens des relations sociales). Le mandat lui sera donné par la loi. Elle rendra des comptes réguliers aux partenaires sociaux et au législateur.
- Sans attendre, le gouvernement fait le choix de réécrire dès le projet de loi la partie essentielle du code du travail consacrée à la durée du travail, au repos et aux congés. Celle-ci touche au quotidien des salariés et des entreprises (durées hebdomadaires et quotidiennes, congés, astreintes,...).
Sur cette base, le gouvernement renforcera à la fois le rôle de la négociation collective au niveau de la branche, des branches professionnelles elles-mêmes, et prendra mieux en compte les particularités des TPE-PME.
- Premièrement, il est nécessaire d'instaurer dans notre pays une vraie culture de la négociation collective, de sortir des logiques d'affrontement et des postures.
o L'Education nationale y travaille dans le cadre de la mise en place du nouvel enseignement moral et civique. Des mesures seront prises pour encourager l'enseignement des relations sociales dans les grandes écoles et dans les cursus universitaires.
o Le ministère du travail mènera un travail de sensibilisation sur la place de la négociation collective auprès de ceux qui conseillent les entreprises(consultants, experts comptables, avocats).
o Une mission confiée à l'Igas sera lancée afin de davantage former les négociateurs et développer les lieux de réflexions. Ces propositions qui pourront être reprises dans la loi.
o Pour que la négociation soit vivante, les conditions de conclusion, de révision et de dénonciation des accords collectifs doivent être adaptées, pour éviter des " accords dormants " jamais renégociés. Il s'agit donc de :
· Systématiser des clauses de revoyure dans les accords d'entreprise et les accords de branche, et obliger les accords à fixer d'emblée leur durée (déterminée ou non).
· Simplifier les règles de révision et de dénonciation des accords. Une mission, qui pourra nourrir le projet de loi sera confiée, au Professeur Jean-François Cesaro afin de sécuriser les modalités de révisions et de dénonciation des accords.
· Sécuriser la nature et la portée des accords de groupe.
o Il conviendra d'étendre le principe de l'accord majoritaire pour donner davantage de légitimité aux accords collectifs auxquels la loi donnera plus de marge de manœuvre. Le rythme et les modalités devront faire l'objet de concertations plus approfondies.
o L'accès au droit conventionnel sera facilité par la création d'une plateforme numérique.
- Deuxièmement, il faudra s'appuyer plus fortement sur les branches professionnelles, qui jouent un rôle clef pour rendre plus équitable la concurrence entre les entreprises d'un même secteur et éviter le dumping social.
o Le gouvernement souhaite réduire le nombre de branches professionnelles à 200 d'ici 3 ans et à terme à 100, contre environ 700 aujourd'hui.
o S'ils le souhaitent, les partenaires sociaux pourront conclure un accord de méthode d'ici la fin 2015 sur ce sujet de la réduction des branches, dont les principes pourront inspirer la loi. Ils " auront 2 ou 3 ans, 2 c'est mieux ", pour " engager [ce] mouvement " (PM, 04/11/15).
o " A défaut, le gouvernement procédera lui-même à ces regroupements " (PM, 04/11/15).
o La loi fixera le principe, d'ici fin 2016, de la disparition des branches " territoriales " (par rattachement à branches nationales) ou qui n'ont eu aucune activité conventionnelle depuis plus de 10 ans.
o La loi prévoira, en l'absence d'avancées dans les 3 ans qui suivront la loi, les critères qui présideront aux regroupements par le pouvoir règlementaire.Durant cette période les partenaires sociaux pourront fixer d'autres critères et les modalités des regroupements.
o La loi sécurisera enfin la période transitoire pendant laquelle les stipulations des anciennes conventions collectives pourront continuer à coexister.
- Troisièmement le projet de loi visera à créer un environnement plus favorable pour favoriser l'embauche et ainsi leur permettre de mieux s'adapter, dans la continuité du plan TPE/PME mis en place par le gouvernement en juin 2015 :
o Le projet de loi favorisera l'accès des PME-TPE aux dispositifs dont la mise en œuvre requiert aujourd'hui un accord.
o Ce texte présentera aux TPE et PME et à leurs salariés une offre de services globale (contrat type sur internet par exemple). Un travail avec les branches sera mené pour incorporer dans ces contrats les stipulations conformes à l'accord de branche. Cette offre de service devra également faciliter les démarches des entreprises et des salariés à l'égard des administrations sociales.
o Il encouragera enfin les accords de site qui intègrent plusieurs entreprises et sous-traitants, ainsi que les accords de filière.
Le projet de loi consolidera notre modèle social. Ce texte s'inscrit pleinement dans la politique poursuivi par le gouvernement depuis 3 ans renforçant le rôle des partenaires sociaux.