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Code du travail : réformer sans rien toucher

Publié le 05 novembre 2015 par H16

Changement. Ce mot, slogan à lui tout seul d’une campagne présidentielle vide de tout contenu politique précis, aura eu bien du mal à trouver une quelconque réalité dans les gesticulations brouillonnes du Chef de l’État et de ses gouvernements depuis mai 2012. Et s’il a pour ainsi dire complètement disparu du vocabulaire de nos dirigeants, il a en revanche été remplacé par une imposante utilisation du mot « réforme ».

Et ce mot de « réforme » est dans toutes les bouches gouvernementales, dans tous les projets que nos élus sortent dès qu’il s’agit de faire parler d’eux. On pourrait s’en réjouir : troquer un « changement », qui semblait n’exister qu’en lui-même, sans but si ce n’est le simple plaisir de changer, pour des « réformes » dont les multiples occurrences laissaient croire à une concrétisation quantifiable, c’était déjà une bonne chose.

La réalité a bien malheureusement assez vite remis les pendules à l’heure. De réformes, il n’y eut guère, ou alors pas celles qu’on aurait souhaitées, et certainement pas de cette façon-là.

mr bricolage

Dans l’éducation, la réforme des horaires des écoles fut un désastre coûteux pour bien des communes, chargées d’organiser un temps libre d’élèves devenus des poids dans une infrastructure scolaire absolument pas prévue pour ça. Cette réforme fut couplée à celle de la carte scolaire, remixante, ou celle des collèges, qui n’a pas réussi a déclencher l’enthousiasme des foules. Parents, enseignants, élèves, une majorité d’entre eux semble franchement remontée contre l’incroyable bricolage idéologique de Vallaud-Belkacem qui persiste pourtant dans une erreur de communication, de gestion, culturelle et intellectuelle qui laisseront des traces profondes pour les années à venir.

Dans l’immobilier, ce fut une succession de « réformes » là encore catastrophiques : on peut citer les infâmes usines à gaz de la loi ALUR pondues par une Duflot là encore baignée de sotte idéologie et d’une vision caricaturale du marché ; on doit y ajouter les récents couacs sur la taxe foncière, sur l’utilisation de plus en plus rocambolesque de la préemption pour les petites lubies constructivistes du gouvernement, et les dernières saillies présidentielles sur le prêt à taux zéro qui fleure bon les subprimes à la française.

Les lois Macrons furent, encore une fois, un bel exemple de « réformes » qui se transformèrent essentiellement en « changement », petites bidouilles sympathiques, en marge de grands ensembles législatifs très largement intouchés et intouchables, et dont les effets furent très soigneusement amoindris dès qu’il fut possible au point de transformer les petites idées déjà timorées du ministre en baudruche plutôt embarrassante.

Je passerai pudiquement sur la réforme territoriale qui a tout d’une grande… bouffonnerie : amalgame d’idées idiotes, de pusillanimités grotesques et de dépenses somptuaires facturées au contribuable sous prétexte d’économies (plus c’est gros, plus ça passe), toute l’affaire est en train de péter au museau présidentiel avec la force d’une réaction largement méritée par l’amateurisme dans lequel a baigné toute l’opération. Et en définitive, comme prévu, la France a gagné une strate supplémentaire à son épais millefeuille, le déplacement des dates d’élections s’avère catastrophique pour le pouvoir en place, et le résultat global sera un fiasco sur tous les plans. Décidément, en Hollandie, le changement, c’est coûteux, c’est balourd, et c’est assez contre-productif.

Quant aux réformes dite « de simplification », ceux qui y sont confrontés comprennent mieux qui quiconque qu’on n’a pas fini d’entendre le hurlement du Cerfa assoiffé de sang d’assujetti la pleine lune venue…

Devant toutes ces « réformes » qui se sont toutes, oui, toutes, caractérisées par une fin pathétique, on prendra avec la plus grande circonspection l’annonce d’une réforme, encore une, dans le Code du travail, par Myriam El Khomri (qui a trouvé par hasard le piteux maroquin de ministre du Travail dans ses petits souliers, un 2 septembre 2015, abandonné de tous, et a décidé de le recueillir et de s’en occuper – « il est si meugnon et ça fera plaisir à mes filles »).

Pour rappel, le Code du travail, c’est un peu le Graal, l’alpha et l’oméga du collectiviste, celui qui, s’il ne peut obtenir une dictature du prolétariat par la violence et la révolution, lui permettra d’arriver au même résultat par la loi, la coercition étatique et une bonne dose de matraquage fiscal. Dès lors, toute tentative de tripotage de ce Livre Sacré déclenchera immédiatement crispation, pleurs, grincements de dents et d’inévitables mouvements sociaux aux odeurs de saucisse grillée sans lesquels notre pays ne serait plus vraiment notre pays.

revoir le code du travail

C’est pourquoi l’annonce tonitruante deux mois après la remise du rapport de Jean-Denis Combrexelle sur « la négociation collective, le travail et l’emploi » devra se comprendre avec toute la dose indispensable de prudence. Déjà, les négociations entre leaders patronaux et syndicaux ne sont pas faites et promettent quoi qu’il arrive de raboter tous les angles les plus saillants des propositions envisagées ; comme il n’y en a pas beaucoup, le rabot sera vif, rapide et sans appel. Ensuite, le président pédaloflambyste entend boucler l’affaire « dès le début de l’année » ce qui sous-entend encore deux mois de rebondissements sur les puissants amortisseurs du consensus mou, pour aboutir à un trajet aussi plat que possible. Autrement dit, on sent déjà que cette « réforme » ne dépassera pas l’épaisseur règlementaire d’une ou deux feuilles A4. L’alternative (l’usine à gaz immonde aux mille et unes tubulures chromées) étant réservée aux cas où les fameuses négociations prendraient un tour cancéreux.

Il faut dire qu’en termes de marges de manœuvre, la pauvre Myriam devra faire preuve d’imagination, d’autant plus que le président comme le Premier ministre se sont engagés à ne toucher ni à la durée légale du travail, ni au SMIC, ni au contrat de travail, ni à la hiérarchie des normes. Quant aux syndicats, ils sont globalement opposés à toute idée de gros chantier mais accepteront volontiers de prendre un petit café avec la titulaire du maroquin, histoire de goûter aux petits fours et papoter dans un cadre sympa.

Vous l’avez compris : cette Grande Réforme Millénaire Du Code Du Travail Français Qui Tamponne Du Poney Et Du Cerfa Mignon consistera donc essentiellement, pour Myriam, à négocier les modalités des tickets restaurant, les types de remboursement des frais de déplacement (incluant le vélo, eh oui, youpi) et l’agencement des toilettes dans les entreprises de plus de 10 salariés.

Pas de doute, ça va pulser.

myriam et sa réforme qui cogne

L’effet d’annonce durera ce que durent les annonces le temps d’un matin ou deux, avant que le chariot fou de la communication hollandesque reprenne son rythme d’enfer vers de nouveaux gouffres aux odeurs âcres de la débâcle. Comme on doit déjà s’y préparer, la mirifique réforme du code du travail va se terminer, une fois encore, en soupe clairette de petits arrangements marginaux, qui ne changera rien ni à la forme cryptique qu’a prise le code du travail en France, ni à son fond juridique marécageux.

Ce pays est foutu.

Code du travail : réformer sans rien toucher

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