[Critique] En Mai, Fais ce qu’il te Plait

Par Régis Marton @LeBlurayphile

Un film de : Christian Carion

Avec : August Diehl, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner, Laurent Gerra, Alice Isaaz, Matthew Rhys, Joshio Marlon

Mai 1940. Pour fuir l'invasion allemande, les habitants d'un petit village du nord de la France partent sur les routes, comme des millions de Français. Ils emmènent avec eux dans cet exode un enfant allemand, dont le père opposant au régime nazi est emprisonné à Arras pour avoir menti sur sa nationalité. Libéré dans le chaos, celui-ci se lance à la recherche de son fils, accompagné par un soldat écossais cherchant à regagner l'Angleterre...

Une Histoire vraie

Christian Carion a montré à travers sa filmographie, sa passion pour filmer les grands faits de l'Histoire. Entre la réconciliation furtive de Noël des soldats Français et Allemand lors de la Grande Guerre ou encore une certaine affaire Farewell durant la Guerre Froide, il récidive avec son nouveau film. En Mai, Fais ce qu'il te Plait, parle cette fois-ci de la Seconde Guerre Mondiale. Rappelons nous - qui n'étions pas là - d'une certaine défaite française amenant les Allemands à envahir le territoire, cet événement a poussé une partie de la population à - littéralement - s'exiler de chez eux. Le mouvement se faisant du Nord vers le Sud du territoire. Un des plus grand mouvement de population du XXième siècle, touchant presque un quart des français de l'époque, soit entre 8 et 10 millions de personnes. Si la plupart des adultes de cette époque sont aujourd'hui décédés, les enfants des années 1940, aujourd'hui parents et grands-parents s'en souviennent très bien. Un film qui s'est construit uniquement sur leurs témoignages; ne se basant sur aucun livre pré-existant, l'histoire ne se révèle pas moins vraie.

Un film pendant la Guerre

Si l'on pourrait penser à un énième film de guerre, il n'en est pas. Carion s'efforçant de filmer le petit village qui s'exile. Une seule scène de bataille est cependant visible à l'écran, montrant la prise d'Arras par les envahisseurs. Malheureusement celle-ci n'est pas filmée avec un grand brio, sans notions de suspense ou encore usant d'effets spéciaux franchement datés d'il y a 10 ans - des maquettes serait plus réaliste -. Mais ce n'est pas important d'une certaine manière puisque le film veut montrer un peuple victime d'une guerre qu'il n'a pas déclenché et se battant pour survivre. La méthode de Carion aura consisté lors du tournage à demander à un cadreur auxiliaire de filmer en totale liberté, la partie du convoi qui ne concerne pas directement les personnages principaux-soit les ¾ du convoi, géant. Cela apporte une touche de poésie et de réalisme objective qui fait du bien et fait respirer le film. On pense notamment aux plans réguliers d'une oie, qui accompagne tout le voyage et qui arrivera à nous décrocher un petit sourire de temps à autre. Pour autant la reconstitution du convoi à la mérite d'être réaliste, mais concentrons nous sur ce qui fait la sève de ce film à vocation humaine : les personnages. Le casting est plutôt bien choisi sur le papier ; mais dans les faits les performances se montrent décevantes. Une Mathilde Seignier vide , une très décevante Alice Isaaz, qui pour le coup est mal castée dans son rôle d'institutrice du village, alors qu'elle a encore un visage d'adolescente. Le jeune garçon, qui interprète le fils du fugitif Allemand est convaincant, sans plus. Les performances qui semblent les plus correctes sont celles des personnages étrangers, notamment un certain cinéaste allemand, ou encore le soldat écossais. Notons surtout la très bonne surprise d'un Laurent Gerra, qui pour son premier rôle au cinéma est très convaincant.

Simple, malgré un argument de taille...

Avec des interprétations aussi creuses, on aurait pu espérer s'accrocher à la mise en scène. Mais elle se révèle malheureusement banale et sans force. Très dommage. Notons que c'est un film qui souhaite traiter de la notion de l'espoir et qui travaille sa photographie et son étalonnage afin de la rendre sans vie, sans couleur, ni espoir... exploitant les gris plutôt que les jaunes. MAIS, l'œuvre héberge à son générique un nom pour le moins mythique : Morricone. En effet, le pape de la musique de cinéma, à qui l'on doit accessoirement celle de la Trilogie du Dollars moins de 5 node Leone ou encore avec pas nominations aux Oscars, est crédité au générique du film de Christian Carion. Si il y a un point à retenir concernant le film c'est bien sa musique. Sans être magistrale elle se montre très maîtrisée... jusqu'à ce qu'on entende le thème, pourtant agréable à l'oreille, 50 fois durant le film. Comme si l'honneur d'avoir un génie au générique, faisant qu'il y avait un besoin de nous le rappeler à chaque moments dramatique... Une utilisation proposée par Ennio Morricone lui-même, puisque l'on a appris que sur 1 heure d'enregistrement, seulement 20 minutes furent utilisée. Alors en effet, le conseil du compositeur au réalisateur d'économiser la musique est très judicieux... Mais il n'était pas question de réutilisé systématiquement une partie de la bande originale, afin de l'étaler partout. Puisque c'est bien 50 minutes de musiques qu'on entend à l'écran, étalé à partir des 20 minutes piquées. Très dommage.

Conclusion

Afin de conclure, notons que le film fait étrangement écho aux événements actuels, notamment la polémique concernant la question de l'immigration. Si le réalisateur se défend de ne pas avoir voulu faire un film politique à ce sujet - et on veut bien le croire, l'histoire se voulant transparente à se niveau là 4- il faudra noter que le contexte actuel de sortie du film touchera plus fortement les spectateurs quand à ce parallèle. En Mai, Fais ce qu'il te Plait n'est pas un désastre mais est très loin de la force émotionnelle qu'un tel sujet aurait mérité.

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