Assassinats de magistrats, de journalistes, de syndicalistes, et même de ministres : il n’y a pas que l’Italie qui a connu des "années de plomb" dans les années 70. La France aussi ! En partant à la rencontre des témoins de cette époque, en nous faisant visiter les archives enfin ouvertes sur le SAC, la milice du parti gaulliste, Étienne Davodeau et Benoît Collombat nous emmènent là où la vie politique d’une grande démocratie s’est parfois égarée...
Le pitch : C’est la mort du juge Renaud, à Lyon, le 3 juillet 1975, premier haut magistrat assassiné depuis la Libération. Ce sont des braquages de banques, notamment par le fameux gang des Lyonnais, pour financer les campagnes électorales du parti gaulliste au pouvoir. Ce sont les nombreuses exactions impunies du SAC (le Service d’Action Civique), la milice du parti gaulliste, dont la plus sanglante fut la tuerie du chef du SAC marseillais et de toute sa famille à Auriol en 1981 (ce massacre aura bouleversé la France entière, et aura entraîné la dissolution du SAC par le parlement en août 1982). C’est l’assassinat de Robert Boulin, ministre du Travail du gouvernement de Raymond Barre, maquillé en suicide grossier dès la découverte du corps dans cinquante centimètres d’eau, le 30 octobre 1979, dans un étang de la forêt de Rambouillet. Ce sont 47 assassinats politiques en France sous les présidences de Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing ! Avec, en arrière plan, le rôle actif joué par le SAC, la milice gaulliste engagée alors dans une dérive sanglante. C’est une page noire de notre histoire soigneusement occultée, aujourd’hui encore.
Étienne Davodeau et Benoît Collombat livrent ici une enquête sur les obscurs rouages de la république, articulés autour du SAC, bras armé du pouvoir de l’époque. Les auteurs ont privilégié les rencontres avec les témoins et les acteurs de faits relatés plutôt que de romancer le récit, de la bande dessinée d’investigation donc ! Le récit se compose de quatre parties distinctes, toutes articulés autour du SAC, et, au fur et à mesure des rencontres, les pièces de puzzle s’assemblent pour livrer une image sombre des années de plombs. Je ne résiste pas à citer un contemporain de cette époque, en la personne de Coluche : « Un pour tous, tous pourris ! »
Comme souvent avec Étienne Davodeau, c’est net, sans fioritures, le trait toujours juste permettant de servir cet enchaînement de révélations. Sa petite pointe d’humour et son trait un peu rond lui permettent de ne pas trop alourdir le récit, déjà bien sombre par le sujet !
Les faits remontent à plus de quarante ans pour certains, ils semblent toujours d’actualité, ce livre est plus qu’une enquête, un acte citoyen !