River est une nouvelle série de six épisodes diffusée depuis la mi-octobre sur les ondes de BBC One en Angleterre et fait justement référence au personnage principal : John River (Stellan Skarsgard), un policier dont la coéquipière Jackie Stevenson (Nicola Walker) a récemment été assassinée. Depuis, il ne lâche tout simplement pas le morceau et est décidé à trouver coûte que coûte son meurtrier. Incapable de faire son deuil et assailli de visions, un incident grave se produit alors qu’il enquête et il est rapidement mis sur la sellette par ses supérieurs. Alors que l’on craignait de tomber sur une série policière standard, encore une fois la BBC nous surprend agréablement avec River qui certes contient une intrigue criminelle, mais qui capte notre attention pour son personnage principal, incapable de tourner la page. La série est d’autant plus intéressante que pour une fois, c’est un homme que l’on dépeint meurtri; rarissime dans les séries policières.
Deuil impossible?
Jackie a été tuée il y a quelques semaines à peine et John ne s’en est toujours pas remis. Il l’imagine toujours à ses côtés et River débute avec une poursuite entre l’enquêteur et Christopher (Joseph Altin), un homme qu’il croit responsable de sa mort. Malheureusement, dans sa fuite, le suspect tente de sauter d’un balcon à l’autre, il perd pied et effectue une chute de plusieurs étages; ce qui le tue instantanément. Les médias font des gorges chaudes de cette mort qu’ils jugent inutile et John est plus que jamais persona non grata au sein de son département et de ses supérieurs Chrissie (Lesley Manville) et Marcus (Owen Teale). Et comme ses visions ne le quittent pas et qu’il leur parle à voix haute, on décide de lui faire passer des tests psychiatriques avant de décider de son sort. C’est Rosa (Georgina Rich) qui est chargée de l’évaluer, mais les premières sessions ne donnent absolument rien puisque le suspect est muet comme une tombe.
En attendant, l’enquête se poursuit et en compagnie de son nouveau coéquipier Ira (Adeel Akhtar), John découvre que Christopher ne pouvait pas être le meurtrier puisqu’il a été repéré par une caméra de surveillance à des lieux du meurtre. On en vient ensuite à suspecter le frère de Jackie qui a passé plusieurs années en prison, mais lui aussi a un mobile. De plus, on apprend qu’elle n’était pas blanche comme neige puisqu’avant sa mort elle a retiré 10 000 £ de son compte bancaire et on n’écarte pas l’hypothèse qu’elle ait pu frayer avec des revendeurs de drogue.
En 2014, BBC One nous a présenté Happy Valley qui mettait en vedette Catherine, une policière dont l’enquête était en lien avec sa fille disparue et qui s’éloignait considérablement des clichés que l’on associe aux femmes dans ce métier. S’apitoyant peu sur son sort, c’est elle qui prenait les devants et par le fait même détonnait des héroïnes de ce genre de séries qui sont souvent en retrait ou qui exploitent leurs charmes pour arriver à leurs fins. On retrouve ce même contraste dans River avec le personnage de John. C’est un homme fragile, brisé et qui n’accepte tout simplement pas la disparition de Jackie. Le contraste est grand lorsqu’on le compare à ses acolytes dans d’autres séries qui ne jurent que par l’action et qui n’ont jamais une minute de répit. Dans River, le protagoniste consulte même une psychiatre! C’est ce rôle riche et inusité qui a convaincu Stellan Skarsgard, un acteur que l’on voit davantage au le cinéma, d’accepter de participer à la série : « Male roles are always about hiding emotions – it’s always what’s going on underneath while women in their roles always get the opportunity to show everything ». Du coup, c’est la santé mentale de John qui éclipse rapidement l’enquête et par moments, quelques larmes nous montent aux yeux à mesure qu’il s’ouvre à Rosa, laissant enfin poindre une lumière au bout du tunnel.
Ceux qui restent et ceux qui ne sont plus
La sensibilité du protagoniste est aussi omniprésente lorsqu’il enquête et Jackie n’est pas sa seule obsession, bien au contraire. On le voit par exemple éprouver un réel remord à la suite de la mort de Christopher, d’autant plus qu’il laisse dans le deuil une femme enceinte qu’il a tôt fait de vouloir consoler. C’est la même chose pour Erin (Shannon Tarbet), une jeune fille assassinée, mais dont on n’a toujours pas retrouvé le corps. John n’est par ailleurs aucunement convaincu que l’homme qu’on a arrêté est le coupable et fait tout ce qu’il peut lors de l’interrogatoire pour l’innocenter. Puis, lorsqu’il part, il sent que quelque chose ne va pas et justement, il empêche in extremis celui-ci de se suicider. Paniqué, il lui crie : « You ought to live! » « Heaven is here ! » C’est assez troublant de l’entendre dire de pareilles phrases alors que lui-même est incapable de jouir de la vie. Dès lors, ces fantômes d’Erin, de Christopher et bien d’autres à venir dans la série reflètent sa conscience. Ils le challengent sans cesse lorsqu’il s’agit de ses enquêtes, ce qui est quand même positif, mais ils lui compliquent aussi la vie alors qu’il est à la recherche de la paix intérieure. À un moment, le frère de Jackie dit à John : « You don’t see the world straight : that’s your problem… that’s you blessing and your curse». On ne pourrait mieux qualifier ce personnage complexe, mais attendrissant.
Le premier épisode de River a réuni 5,11 millions de téléspectateurs en direct, ce qui place la fiction au 11e rang de la chaîne dans la semaine du 12 au 18 octobre. Au second épisode, l’auditoire a chuté à 3,96 et s’est placé au 27e rang. Si on peut être quelque peu déçu par ces résultats, on peut se consoler en pensant que la série aura une seconde vie : en effet, Netflix a acheté les droits et la diffusera partout dans le monde dès le 18 novembre, soit, le lendemain de la finale en Angleterre. De quoi lui donner le rayonnement qu’elle mérite.