Dessin de François Matton
François a contribué par ces beaux dessins à mon livre Peut-on vivre au présent? dont voici un extrait :
"Je me souviens avoir entendu mon père vers ses 60 ans me dire – lui qui pourtant ne s’intéressait pas le moins du monde à la spiritualité – qu’il n’avait pas du tout l’impression d’avoir 60 ans. Nous faisons en effet parfois l’expérience de ne pas avoir du tout l’âge que l’état civil prétend nous attribuer. Pourquoi ? Parce que l’expérience d’être soi ne comporte aucune notion d’un âge ou d’une durée!
Exercice 5 : Voir que nous n’avons pas d’âge
Cet exercice est plus efficace en fermant les yeux ; quelqu’un alors peut nous lire ces questions :
- Laissez de côté autant que possible la mémoire et l’imagination. Prenez conscience de votre souffle et voyez que votre respiration se produit dans le présent.
- Soyez attentif maintenant à la sensation d’exister, juste à la sensation d’être, au « Je suis ».
- Laissez les pensées passer en vous comme des oiseaux dans un ciel vaste et clair. Ne les suivez pas. Accueillez-les sans jugements.
- Voyez comme votre présence est toujours au présent. Toujours maintenant. Encore maintenant. Et maintenant.
- Pouvez-vous trouver un âge dans ce sentiment d’être ?
- Un nombre a sans doute surgit : peut-être 30 ans ou 67. Mais d’où est apparu ce nombre ? N’est-il pas apparu de l’espace que vous êtes ?
- Cet espace de conscience porte-il en lui-même un âge ? A-t-il la moindre caractéristique comme « jeune » « vieux », « âgé » ?
- Si vous ne faites pas appel à vos souvenirs, pouvez-vous évaluer un quelconque âge dans l’instant présent ?
- Cette présence, cette conscience que vous êtes n’est-elle pas absolument sans âge ? Fraiche comme le premier matin du monde ?
N’avons-nous pas le sentiment que celui que nous sommes vraiment, le cœur de notre être, le « Je suis » n’a pas changé au cours du temps, qu’il était là à 5 ans, à 10 ans, à 20 ans ou à 40 ? Ne sentons-nous pas que notre présence, notre être intime, notre « je » n’a pas du tout changé avec les années ? Tout le reste, par contre, a bien sûr évolué au cours de notre vie : notre corps, nos sentiments, nos opinions, notre caractère même s’est modifié mais le témoin de toutes ces mutations a-t-il vraiment changé ? Comme l’écrit Spinoza dans L'Ethique en 1677 : « Nous sentons et savons par expérience que nous sommes éternels (…) Nous sentons que l'existence de notre esprit ne peut être définie par le temps ou expliquée par la durée. »
En effet le « je » demeure sans âge, immobile ; les années s’écoulent autour de lui comme l’eau du fleuve autour d’un arbre solidement enraciné dans son lit. Jean Klein écrivait fort justement : « Les modifications du corps et du mental à travers les quatre âges : enfance, adolescence, maturité, vieillesse, sont perçus par un connaisseur qui ne pourrait les observer s’il n’était pas lui-même immuable. »
José Le Roy