Le temps de la connexion globale (1)
Assis dans mon jardin en Provence, j’observe une araignée. Tapie au cœur de son immense toile, elle se repose. Elle le mérite bien, tant son travail fut long, précis et répétitif : savoir emmêler finement les fils pour que l’ensemble constitue un tout parfaitement réticulé, n’est pas un travail de débutante. Le résultat est parfait, et la toile brille dans les rayons d’un soleil estival. Elle sait que, maintenant, elle n’a plus qu’à attendre : tout insecte qui heurtera la toile, se prendra dans les mailles du piège ; immédiatement, la vibration se propagera le long des fils, et ce sera l’ensemble qui frémira, transmettant l’information en tous points. L’araignée n’aura plus qu’à se saisir de sa proie.
Mon esprit glisse de cette toile à l’écran de mon iPad : s’y enchevêtrent des informations venant des quatre coins du monde, et je suis, grâce aux réseaux sociaux, des bribes de la vie quotidienne des amis glanés à l’occasion de mes voyages. Je vibre d’émotions lointaines : ma pensée quitte la Provence, se glisse à Calcutta pour suivre les dernières productions d’un photographe, puis à Bangkok où j’apprends le projet imminent d’un périple à Sydney. J’étais en train d’admirer la construction presque achevée d’une maison à Salt Lake City, quand un message m’annonce l’arrivée prochaine d’un ami américain. Vingt ans sont passés depuis la dernière fois où nous nous sommes vus, et bientôt je marcherai avec lui le long des quais de Paris. Je me sens physiquement ici et ailleurs : présent dans mon corps qui héberge mon cerveau et assure la mobilité des mains qui pianotent sur le clavier, et immergé dans le monde distant auquel je suis connecté. Tel l’araignée, je suis blotti au creux de ma toile, nourri de ce que je ne peux ni toucher, ni voir, et qui pourtant m’émeut et m’interpelle. Sous le soleil de la Provence, je suis enrichi de mes connexions.
(à suivre)