Niki de Saint Phalle

Publié le 02 novembre 2015 par Jigece

Niki de Saint Phalle, née Catherine-Marie-Agnès Fal de Saint Phalle (d’une mère américaine et d’un père français), à Neuilly-sur-Seine, le 29 octobre 1930 et morte à La Jolla, comté de San Diego, Californie (États-Unis) le 21 mai 2002, est une plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice de films française.
Niki de Saint Phalle a d’abord été mannequin, puis épouse et mère de famille (elle se marie à 18 ans avec Harry Mathews, à qui elle donne deux enfants) avant d’aborder l’art en autodidacte. Elle n’a suivi aucun enseignement artistique académique, mais s’est nourrie d’abondants échange artistiques avec ses aînés et contemporains (ses amis Jasper Jones, Robert Rauschenberg, Joan Mitchell, Jean-Paul Riopelle et, bien sûr, Jean Tinguely).
Elle a commencé à peindre en 1952 comme thérapie pour soigner une dépression (en hôpital psychiatrique, où elle reçoit des électrochocs). « Peindre calmait le chaos qui agitait mon âme et fournissait une structure organique à ma vie sur laquelle j’avais prise. C’était une façon de domestiquer ces dragons qui ont toujours surgi dans mon travail tout au long de ma vie et cela m’aidait à me sentir responsable de mon destin. Sans cela, je préfère ne pas penser à ce qui aurait pu m’arriver ». Mais une étape est encore nécessaire. En 1959, alors que Niki et son mari dînent avec des amis, Joan Mitchell lui assène : « Tu es donc l’une de ces femmes d’écrivain qui fait de la peinture ». La phrase fait l’effet d’un électrochoc. Pour être prise au sérieux et se consacrer pleinement à sa carrière, Niki s’impose un choix douloureux : elle part s’installer seule à Paris. Là, au sein des ateliers d’artistes de l’impasse Ronsin, elle côtoie Jean Tinguely, Daniel Spoerri ou Constantin Brancusi. Puis, en 1961, elle devient membre du groupe des Nouveaux réalistes (César, Mimmo Rotella, Christo, Yves Klein).

Jean Tinguely, une rencontre déterminante

C’est en 1955 (elle a 25 ans, épouse et mère de deux enfants), lors d’un voyage à Paris, que Niki rencontre Jean Tinguely. Il lui apporte la certitude que la technique n’est rien, qu’elle s’apprend et que le rêve est tout. Niki qui ne sait pas dessiner est bouleversée par cette idée qui la libère, elle y puise confiance et force et se consacre très vite à la création artistique. Amis puis amants, cette rencontre lui redonnera espoir. L’artiste trouvera dans l’art un moyen de domestiquer sa violence et le profond mal être qu’il y a en elle. « L’art a été mon ami le plus proche. Sans lui, il y a longtemps que je serais morte, la tête éclatée »
Elle se marie en secondes noces avec Jean Tinguely en 1971. Avec lui, elle va réaliser un grand nombre de sculptures-architectures, soit sur commande, soit pour le simple plaisir. Ensemble ils ont réalisé la fontaine Stravinsky à Paris, ou Le Cyclop, à Milly-la-Forêt (sans permis de construire).

Une œuvre multiforme

Outre les Tirs, performances qui l’ont rendue internationalement célèbre dès les années 1960 (et qui lui servent à exorciser ses démons), Niki est surtout reconnue du grand public pour ses Nanas, faites d’abord de papier mâché et de laine, puis de résine. Symboles opulents de la mère primitive, elles virevoltent, incarnent la femme dans tous ses états. Elle a également créé un très grand nombre de sculptures monumentales dans des parc de sculptures. Certaines ont été réalisées sur sa propre initiative et avec ses deniers personnels comme celle du Jardin des tarots en Toscane. En 1987 François Mitterrand lui a commandé la fontaine de Château-Chinon.
Niki de Saint Phalle laisse derrière elle une œuvre immense dont elle a fait de généreuses donations en particulier au Sprengel Museum d’Hanovre et au Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) de Nice.
Elle a également soutenu plusieurs causes : celle des Noirs américains, celle de la libération de la femme du patriarcat, celle des malades atteints du sida, et la postérité de son compagnon en œuvrant pour l’ouverture d’un musée Tinguely à Bâle.

Cette artiste fascinante a su faire de la faiblesse d’être une femme une force… Voyez d’ailleurs ce qu’elle en dit lors d’un reportage de 1965 :

Son secret

Elle s’est construite en opposition à ses parents (notamment à son père qui l’a violée quand elle avait 11 ans, ce qu’elle ne révèle qu’en 1994 dans son autobiographie, « Mon secret« ), à son milieu, à son éducation, à son époque, à sa condition de femme… Voilà ce qu’elle en dit elle-même, dans un livre autobiographique, avec des phrases terribles qui expliquent tout le parcours de cette artiste essentielle :
« Votre mauvaise opinion de moi, ma mère, me fut extrêmement douloureuse et utile.
J’appris à ne compter que sur moi. L’opinion des autres ne m’importait pas. Cela me donna une immense liberté. La liberté d’être moi-même.
Je rejetterais votre système de valeurs et inventerais le mien. Très tôt je décidai de devenir une héroïne. Qui serais-je ? George Sand ? Jeanne d’Arc ? Napoléon en jupons ?
A quinze ans je gagnai un prix de poésie. Peut-être que j’écrirais ?
Quoi que je fasse dans l’avenir, je voulais que ce soit difficile, excitant, grandiose.
Je ne vous ressemblerais pas, ma mère. Vous aviez accepté ce qui vous avait été transmis par vos parents : la religion, les rôles masculin et féminin, vos idées sur la société et la sécurité.
Je passerais ma vie à questionner. Je tomberais amoureuse du point d’interrogation.
Pour VOUS j’ai conquis le monde. Vous étiez celle qu’il me fallait. Je suis une combattante. Qu’aurais-je fait d’une mère me noyant d’amour ?
Quand j’avais vingt-cinq ans et vivais avec Harry Mathews, vous me rendiez parfois visite dans mon atelier. De vos mains vous cachiez vos yeux pour ne surtout pas voir mes horribles peintures.
Dieu que c’était stimulant !
Vous détestiez Harry. Un jour vous l’avez vu passer l’aspirateur dans l’appartement, vous avez pensé qu’il me volait mon rôle de femme. Vous ne pouviez pas comprendre.
Ma mère, merci. Quelle vie ennuyeuse j’aurais eue sans vous. Vous me manquez.
»

« Enfant je ne pouvais pas m’identifier à ma mère, à ma grand-mère, à mes tantes ou aux amies de ma mère. Un petit groupe plutôt malheureux. Notre maison était étouffante. Un espace renfermé avec peu de liberté, peu d’intimité. Je ne voulais pas devenir comme elles, les gardiennes du foyer, je voulais le monde et le monde alors appartenait aux HOMMES. Une femme pouvait être reine mais dans sa ruche et c’était tout. Les rôles attribués aux hommes et aux femmes étaient soumis à des règles très strictes de part et d’autre.
Quand mon père quittait tous les matins la maison à 8 h 30 après le petit déjeuner, il était libre (c’est ce que je pensais). Il avait droit à deux vies, une à l’extérieur et l’autre à la maison.
Je voulais que le monde extérieur aussi devienne mien. Je compris très tôt que les HOMMES AVAIENT LE POUVOIR ET CE POUVOIR JE LE VOULAIS.
OUI, JE LEUR VOLERAIS LE FEU. Je n’accepterais pas les limites que ma mère tentait d’imposer à ma vie parce que j’étais une femme.
NON. Je franchirais ces limites pour atteindre le monde des hommes qui me semblait aventureux, mystérieux, excitant.
Ma mère, cette merveilleuse créature dont j’étais un peu amoureuse (quand je n’avais pas envie de la tuer) je la voyais comme prisonnière d’un rôle imposé. Un rôle qui se transmettait de génération en génération selon une longue tradition jamais remise en question.
Le rôle des hommes leur donnait beaucoup plus de liberté et J’ÉTAIS RÉSOLUE A FAIRE MIENNE CETTE LIBERTÉ.
Mon frère John fut encouragé à faire des études. Pas moi. J’étais jalouse et pleine de rancune que le seul pouvoir que l’on me reconnût fût celui de séduire les hommes. Personne ne se souciait que j’étudie ou non, du moment que je passais mes examens. Tout ce que voulait ma mère était que j’épouse un homme riche et socialement acceptable.
Adolescente, j’ai refusé mon père et ma mère comme modèles ; j’ai refusé aussi leur position sociale. La seule pièce de la maison où je trouvais confort et chaleur était la cuisine, auprès de la domestique noire.
Après avoir rejeté mes parents et leur classe, je serais confrontée à l’ÉNORME PROBLÈME DE ME RÉINVENTER ET DE ME RECRÉER. Je ne ressentais aucun sentiment national. Je ne me sentais ni française ni américaine.
»

La galerie

Elle fut finalement internationale, disséminant ses œuvres en France, Allemagne, Suède, Italie, États-Unis…, sachant toujours, ô combien, se réinventer, se recréer, et nous entraîner avec elle dans son tourbillon créatif et créateur. Quel bonheur ! Merci Niki, je vous aime !

Et voilà ses principales installations dans le monde :