De la spiritualité musicale en 11 morceaux, un instant méditatif savoureux.
Il paraît qu’il ne faut pas juger à la pochette…il paraît ! Mais que fait cette gravure historique sur ma platine? Voilà une des questions qui peut venir en tête en regardant la pochette de l’album de Pura Fé. Avec son teint sépia et sa tenue traditionnelle, la belle indienne fait revenir à quelques siècles en arrière. Une époque élégante soulignée avec le titre d’un album ciselé et le nom de l’interprète type western où il ne manque que l’arrivée de Calimity Jane, à moins que ça soit Pura Fé la femme fatale…
Dans les oreilles : D’habitude, il n’y a pas de top, mais là c’est un tambourin, de légères percussions accompagnées d’un banjo qui cassent le silence. Cap total vers le grand ouest, parfait pour la bande-originale d’un Tarantino! Mais qu’est-ce cela veut dire? Dans une langue d’ailleurs, Pura Fé sait dépeindre ce pittoresque amérindien bien au delà d’une simple image d’Epinal. C’est aussi une image mystique, mystérieuse et mentale d’une vraie composition musicale. Et pas seulement…c’est tout un choeur et même une communauté qui se joignent à sa voix, sa voie vers cette divinité Mohomoneh. Le chemin est sacré de New York à la Caroline du Nord et la langue plus connue. Sacred Seed, rôle titre prend pourtant une autre voix, celle du jazz. Ce côté moins ethnique est saisissant mais le grand écart rythmé par des notes à la contrebasse est enchanteur. Et le charme n’est pas qu’acoustique puisqu’un solo de guitare électrique bien rock venant de l’au-delà brise l’ambiance intimiste résolument mystique avec un choeur final tribal fascinant et frissonnant.
Le mélange des deux mondes s’opère dans Woman’s Shuffle en une harmonie puissante pas si loin du blues en une longue vocalise vibrante. Pas étonnant qu’on la compare avec Janis Joplin! Ce folk moderne continue dans Pigeon Dance, une danse invisible virevoltante et virtuose, espèce de sublimation de l’écoute des disques pow wow dans sa chambre new yorkaise à la recherche de ses origines. Dans cette quête d’ identité, la chanteuse poursuit l’histoire familiale, une tribu de 8 chanteuses et une mère oscillant entre opéra et concerts de jazz. Mais c’est aux Musicals de Broadway qu’elle a fait ses premiers pas! Une expérience qui lui permet de décrire avec précision l’ambiance d’un buff bluffant au coin du feu dans Hiyo Stireh, à l’aise comme l’artiste a dû l’être lors de son enregistrement dans le sud.
Avec un sentiment d’être chez soi, la chanteuse peut s’exprimer librement, après son groupe Ulali, dans True Freedom. C’est là que le métissage entre orchestre New Orleans, son de Memphis et histoire personnelle se fait dans Spirit in the Sky, reprise de Norman Greenbaum ponctuée de longs instrumentaux, preuve que la dame sait donner de la place à ses musiciens, son groupe. Mais elle sait aussi être activiste notamment dans River People, une façon d’outrepasser la tradition de façon naturaliste dans une acoustique délicate. La supportrice laisse les instruments chanter et le choeur se développer en cette longue jam session. Le live n’est jamais loin dans cette harmonie musicale et spirituelle parfaite avec Idle No More. Les sentiments sont bien exacerbés dans In A sentimental mood, une reprise si mélancolique de Duke Ellington!
Mais la chanteuse reprend la main dans My People my land, un chant d’espoir bien accompagné. Car alors que les guitares, les percussions et le piano résonnent, ce sont les choeurs qui font leur entrée dans cette prière saisissante en forme d’apothéose de musique du monde moderne. Un grand disque de chanteuse qui sait convoquer son peuple, fait vibrer sa terre et superposer les voix pour un feu d’artifice vocal.