Les jeux de mots sont si faciles et si nombreux avec « Feu ! Chatterton » et pourtant on les utilise du bout des lèvres, ayant peur de massacrer d’un vilain calembour une langue française que le groupe manie si bien. Nous étions au festival des Primeurs de Massy mercredi soir, un petit délice post-vendange qui s’acclimate des nuances roussies des feuilles moribondes qui jonchent les alentours de la salle Paul B, à Massy, qui accueille la rencontre.
Les différents concerts organisés apportent tous leur part au gâteau pour faire de ces quelques jours un rendez-vous incontournable des festivaliers et mélomanes franciliens. Au programme ce mercredi, entre autres, – mais rassurez-vous, c’est tous les jours aussi bien – une touche rétro-psychédélique avec Forever Pavot et une pincée de ferveur africaine décoiffante et électrique avec Songhoy Blues. Mais pour ce soir, penchons-nous uniquement sur la performance enivrante d’un des dadas de la rédaction : Feu ! Chatterton et sa poésie à la Rimbaud, inspirée, frénétique et déchaînée.
Feu ! Chatterton © Photo : Agathe Torres
Alors que 90 % de la scène française actuelle fait le choix de l’anglais (chiffre non issu de l’INSEE), on a tendance à crier au génie à chaque fois que l’un d’entre eux s’essaye à la langue de Molière. Loin de moi l’idée de critiquer le talent artistique certain d’artistes comme Christine and the Queens ou Benjamin Biolay, mais lorsque l’on se penche un tant soit peu sur l’album fraîchement sorti de Feu ! Chatterton, force est de constater que beaucoup d’artistes ont bien des progrès à faire dans le maniement de la langue française. La poésie, l’intelligence, la culture qui transpire dans les textes du groupe force l’admiration. Comment ne pas être conquis par une telle habileté dans la conduite des mots, des phrases, des sens, de l’histoire, dans le style, lyrique mais tranchant, qui transparaît à l’écoute de Ici le jour (a tout enseveli).
Feu ! Chatterton © Photo : Agathe Torres
Alors une autre question nous vient : c’est celle du live, du direct. Un groupe si parolier se dit-on, comment parvient-il à enflammer une scène, transcender un public ? La réponse est double avec Feu ! Chatterton. Et ils nous l’ont prouvé ce mercredi aux Primeurs.
D’abord, la sensualité. Faiblesse enivrante me direz-vous, mais le chanteur a le don de nous aspirer peu à peu dans l’univers doucereux et glissant qu’il créé au fur et à mesure des chansons. Dangereux et pourtant si sensuel, avec sa voix grave et ses récitatifs lettrés – du Aragon, quel délice -, Feu ! nous emporte, Feu ! nous embrase, et on se suspend à ces lèvres d’où sortent la voix rauque et enchanteresse du chanteur : Feu ! alors, nous fait l’effet d’une sirène d’Homère, et on ne peut plus s’en détacher.
Ensuite, la ferveur. Cousine de la première, le groupe la manie avec autant de dextérité. Encore une fois, le chanteur n’y est pas étranger. Pantin désarticulé et gauche, il mêle des mimiques gainsbarriennes à une danse effilochée et épileptique, à des cris de sauvages façon Screamin’ Jay Hawkins. Dans son chant, il est habité comme pourrait l’être un Brel. Quelle grandiloquence dans ces comparaisons ! Feu ! s’aligne avec les plus grands, mais seulement les grands fous.
Si les comparaisons s’enchainent avec autant de naturel, c’est qu’on se sent transporté par l’univers de Feu !, qui nous parle avec feu et fougue de problématiques qui nous touchent tous : l’amour, l’amitié, la passion, et avec grandeur. Comme l’a bien compris le réalisateur de La Mort dans la Pinède, rien de plus beau que de voir ce visage – emprunté par ailleurs à autre siècle – s’enflammer à la lueur d’un spot jaune posé habilement en contreplongée, afin que s’y dessine les longs cils noirs du chanteur ouvrant en stries ce regard crispé et heureux, possédé et craintif. Alors que la salle se réchauffe, que les guitaristes se prennent au jeu, Arthur nous livre sa danse chaotique et effrénée, et chauffe ses acolytes. Alors on se dit, c’est déjà la fin ? Le temps est passé trop vite.
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Feu ! Chatterton en concert aux Primeurs de Massy
Le 28 octobre 2015 – Salle Paul B, Massy
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Album disponible : Ici le jour (a tout enseveli)
Les Primeurs de Massy, jusqu’au samedi 31 octobre.
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