Nouvelle victoire pour les joueurs, cette semaine, alors que l’EFF a eu gain de cause en matière de préservation des vieux jeux, y compris en ce qui concerne le maintien des serveurs pour les capacités multijoueurs.
L’affaire a des relents de David contre Goliath : d’un côté, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) et l’étudiante en droit Kendra Albert. De l’autre, l’Entertainment Software Association (ESA), le regroupement des gros joueurs de l’industrie. Au centre, la bibliothèque du Congrès américain, et la décision d’étendre ou non la définition de «l’utilisation équitable» du contenu des jeux vidéo.
Conditions
Comme le mentionne justement l’EFF, cette manche remportée contre les bonzes de l’industrie du divertissement numérique ressemble fort à une victoire à la Pyrrhus. Chaque exemption accordée par le Congrès doit faire l’objet d’une argumentation détaillée de la part de la fondation, que cela concerne les DVD, les appareils numériques mobiles, les modifications apportées au logiciel d’une voiture, ou encore les jeux vidéo.
Photo prise lors d’une manifestation contre les DRM à Boston en 2007 (Photo : Wikimedia).
Au cœur de cette affaire, on retrouve, encore et toujours, les verrous numériques (DRM). Conçus pour éviter le piratage, ils sont trop souvent synonymes d’entraves inutiles à l’utilisation somme toute «logique» d’un contenu acheté légalement. En ce qui concerne les jeux vidéo, la question n’est pas seulement de vouloir se débarrasser une fois pour toutes des DRM et de s’appuyer sur la bonne volonté des joueurs pour réduire le piratage, comme le fait la plateforme en ligne GOG.com, mais aussi de s’intéresser à l’archivage des jeux et à leur modification à des fins de préservation par leur maintien en vie.
«Plusieurs communautés de joueurs, ainsi que des musées, des archives et des chercheurs, veulent faire en sorte que les jeux qu’ils possèdent soient toujours fonctionnels après la disparition de l’architecture en ligne. La Section 1201, les dispositions anti-contournement, crée des difficultés juridiques pour ces communautés, ce qui explique pourquoi nous avons demandé au Bureau du copyright d’accorder une exemption», soutenait ainsi l’EFF dans sa requête auprès de l’organisme associé au Congrès.
Pirate un jour, pirate toujours?
Du côté de l’ESA, on martelait que cette volonté de modifier des jeux, entre autres en jouant dans le code pour assurer la survie du mode multijoueurs, relevait du piratage pur et simple. Un acte, a-t-on affirmé, «associé aux pires dérives de ce genre de comportement».
Force est d’admettre que retrouver de vieux jeux maintenant compatibles avec les plus récents systèmes d’exploitation, c’est bien, mais pouvoir y jouer avec ses amis, c’est encore mieux.
En un sens, la décision rendue mardi est sans doute la meilleure option pour les développeurs, les éditeurs et les consommateurs. Trop de liberté et vous ouvrez la porte aux tricheurs et aux virus, par exemple. Pas assez de marge de manœuvre, et la part du piratage va bondir, au grand déplaisir de l’industrie.
Le hic, dans tout cela, c’est qu’un nombre non négligeable de jeux sont aujourd’hui vendus pour leur composante multijoueurs. Après tout, qui se procure vraiment la nouvelle itération de Call of Duty uniquement pour compléter son mode solo? Pire encore, des jeux spécifiquement conçus pour être joués en équipe, comme Star Wars Battlefront, ou encore Left 4 Dead, sont forcément voués à disparaître lorsque l’éditeur éteindra les coûteux serveurs. Au printemps 2014, la fermeture du service GameSpy avait envoyé une onde de choc dans l’univers numérique, isolant des centaines de jeux.
Déjà, un précédent texte abordait la question de la survie des jeux multijoueurs. Force est d’admettre que retrouver de vieux jeux maintenant compatibles avec les plus récents systèmes d’exploitation, c’est bien, mais pouvoir y jouer avec ses amis, c’est encore mieux. Et comme les éditeurs ont aujourd’hui tendance à forcer les joueurs à passer par des serveurs propriétaires pour profiter de l’option multijoueurs, le problème demeurait entier.
Un pas en avant
La décision de la bibliothèque du Congrès stipule toutefois que seuls les jeux impossibles à jouer sans connexion Internet seront touchés par la nouvelle exemption; il y a donc encore loin de la coupe aux lèvres. Mais cela permettra à tout le moins aux plus jeunes et aux futures générations de découvrir des classiques intemporels.
Une plus grande facilité de négociation et plus de pouvoir donné aux joueurs permettront même l’émergence de communautés d’amateurs plus solides.
L’idée n’est pas de mordre la main qui nourrit les joueurs et de priver les entreprises de revenus en bonne et due forme. Il est plutôt question de reprendre le bâton du pèlerin là où il est généralement jeté par terre par l’éditeur, après quelques années, ou parfois seulement quelques mois d’exploitation auprès du grand public. Entre le moment où un jeu est en vente sur une boutique plus «conventionnelle» comme Steam, et celui où le titre apparaît sur les étagères virtuelles d’un vendeur plus «rétro» comme GOG (s’il ne disparaît pas carrément du marché), il peut s’écouler plusieurs années, et ce même si Steam s’adonne elle aussi à la vente de titres plus âgés.
Une plus grande facilité de négociation et plus de pouvoir donné aux joueurs permettront même l’émergence de communautés d’amateurs plus solides, et une plus grande facilité pour créer des modifications de toutes sortes. En ce sens, Forged Alliance Forever, qui s’appuie sur le jeu de stratégie Forged Alliance, est l’exemple à suivre. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que les ventes du titre sur Steam sont alimentées par cette minutie et cet engouement. Et, surprise!, FAF offre un soutien multijoueur sans faille…