La région PACA est véritablement sur la bascule

Publié le 29 octobre 2015 par Delits

A près d'un mois du premier tour des élections régionales, la région PACA apparaît comme un champ de bataille sur-médiatisé. En effet, le FN emmené par Marion Maréchal-Le Pen semble en capacité de l'emporter face à Christian Estrosi. Pour éclairer ce scrutin local, Délits d'Opinion a demandé à François Tonneau (La Provence), de nous éclairer sur les enjeux du combat politique qui se joue dans le Sud-Est de la France.

Délits d'Opinion : Quel est le niveau d'intérêt pour la campagne à cinq semaines du scrutin ?

François Tonneau : " Comme c'est le cas au niveau national, le niveau d'intérêt reste faible à ce stade. Cependant, le territoire fait apparaître une grande disparité quant au degré de mobilisation pour la politique, et donc pour l'élection. La région contient des poches de populations pauvres, souvent issues de l'immigration et pour qui la politique n'est pas une priorité. A l'inverse, certains départements (Var et Alpes-Maritimes) sont plus politisés, notamment car on y retrouve une proportion importante de retraités et de personnes âgées; une frange de la population qui se distingue par une participation toujours supérieure à la moyenne. Il en va de même pour les zones denses où les artisans et commerçants témoignent d'un souci plus prononcé pour la conduite de l'action publique. Enfin, le littoral de la cote d'azur se distingue par une culture politique forte et très ancrée à droite. C'est notamment sur ces territoires que le FN s'est progressivement consolidé ".

Délits d'Opinion : Quels sont les thèmes qui devraient structurer le débat électoral en PACA ?

François Tonneau : " Aussi surprenant que celui puisse paraître, la politique locale et le fonctionnement de la région semble intéresser les électeurs qui déclarent suivre la campagne. Les thèmes liés aux compétences de la région sont abordés avec insistance par les candidats, notamment ce qui concerne le développement économique.

Ce constat semble émerger alors que l'été avait clairement mis en avant les thématiques chères au FN : le duo " immigration/sécurité ". En effet, au début de la campagne, Les Républicains avaient mis l'accent sur ces sujets pour mieux " draguer " les électeurs FN. C'est à ce moment là que l'on a connu les dérapages de Christian Estrosi sur la " 5ème colonne ". Récemment on a pu noter un changement de stratégie à droite. Désormais le maire de Nice vise à se démarquer de ces thèmes " labellisés FN " pour évoquer les préoccupations d'aménagement du territoire, d'emploi et de transports.

Les programmes qui sont progressivement rendus publics en ce moment permettent de ré-équilibrer le débat ce qui pourrait contribuer à accroître l'intérêt pour le scrutin ".

Délits d'Opinion : La dynamique en faveur du FN s'explique t-elle par la présence d'un électorat stratège qui veut " faire peur " ou davantage par une adhésion croissante dans l'opinion ?

François Tonneau : " La région peut basculer et ce scrutin semble nous rapprocher du jour où cela pourrait être le cas. On note un désir croissant de voir le FN au pouvoir pour apprécier son action en responsabilités. La campagne démontre que l'on est sur la crête et que la bascule peut se faire.

Toutefois, plusieurs éléments indiquent qu'il existe encore une digue qui pourrait tenir en décembre 2015. En effet, les enquêtes récemment publiées font état d'un FN au même niveau que Les Républicains sur les intentions de vote tandis que sur les souhaits de victoire il se trouve en 3e position. C'est un sentiment que l'on retrouve chez de nombreux électeurs nouvellement captés par le FN : alerter sur le besoin de changements " oui ", voir le FN à la tête d'une région " non, pas encore ".

De plus, le FN dispose de peu de réserves dans l'entre deux-tours. C'est pourquoi si l'on additionne une mobilisation des abstentionnistes pour faire barrage au FN et un réflexe républicain des électeurs de Gauche, la région pourrait revenir à Chirstian Estrosi ".

Délits d'Opinion : Marion Maréchal parvient-elle à marquer de son empreinte la campagne ? Et sur quelle ligne se positionne-t-elle ?

François Tonneau: " Les deux dernières années confirment que Marion Maréchal Le Pen a un positionnement différent de celui de Marine le Pen. Il est beaucoup plus droitier sur les sujets de société comme le mariage pour tous mais aussi moins libéral économiquement. Marion Maréchal a su dé diaboliser le FN des frasques de son grand-père et construire un discours plus neuf tout en gardant la même colonne vertébrale idéologique.

Ce positionnement se distingue moins bien pour le moment dans cette campagne si ce n'est par le choix des personnalités présentes sur sa liste. A la différence de sa tante, elle n'a pas hésité à faire appel aux Identitaires, une frange très extrémiste, mais aussi à d'anciens conseillers régionaux proches de Jean-Marie Le Pen.

Elle est donc en désaccord sur le fond avec la stratégie chevenementiste de Florian Philippot même si cela ne transparaît pas dans la mesure où elle cherche surtout à élargir son socle électoral ".

Délits d'Opinion : La Gauche parait nettement en retrait à quelques semaines du 1er tour. Pensez-vous que le parti pourrait se désister ou appeler à un front républicain au 2e tour ?

François Tonneau : " Pour l'appareil du PS il est évidemment trop tôt pour l'évoquer et même y penser. Le projet d'un renoncement dans l'entre deux tours est peu probable dans la mesure où la barre des 10% permet d'obtenir des sièges au conseil régional. Dans le même temps la situation au national pourrait avoir un impact fort sur les arbitrages en PACA.

Selon les enquêtes, Christophe Castaner devrait émerger à près de 10 points des deux candidats FN et LR. Aussi, il n'est pas impossible qu'il se voit suggérer de laisser un front républicain s'organiser pour éviter de porter la responsabilité d'une conquête FN emblématique en PACA. Dans le même temps il est vraisemblable que la mobilisation soit plus forte en cas de duel LR/FN avec un risque de victoire de Marion Maréchal Le Pen.

Sur ce point, la proximité de Castaner avec l'Elysée et Matignon pourrait conduire à une stratégie du laisser-faire avant le second tour ".