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Seulement 46 % des français sont favorables à l’accueil, sur le territoire, d’une partie des réfugiés qui arrivent par dizaines de milliers sur les côtes grecques et italiennes. La France se cantonne à un refus partiel, une des plus hostiles à une répartition des migrants au sein de l’Union européenne avec la Grande-Bretagne et les Pays-Bas (Ifop). Dans l’hexagone, nombreux sont ceux qui exigent le renforcement des contrôles aux frontières, la lutte contre l’immigration clandestine tout en limitant la crise migratoire, loin devant l’aide au développement ou une intervention militaire en Syrie.
Force est de constater que les drames relatés par la presse tout au long de l'été 2015 n'ont pas changé l'opinion des Français. Au mois de juillet dernier, en effet, un autre sondage Ifop donnait des chiffres similaires à ceux évoqués : 64 % d’entre eux se disaient déjà contre l'accueil d'une partie des réfugiés. Cette hostilité, si elle est inédite, n'a pas eu de niveaux comparables lors de la crise des Boat people en 1979 (où 130.000 Vietnamiens fuyant le régime communiste avaient été accueillis), ou encore l'émigration des Kosovars à la fin des années 1990. Plusieurs raisons expliquent cette humeur, même si la crise migratoire ne peut être résolue ni par des barrières, ni par des murs.UN CONTEXTE économique hypersensible, tout d’abord. La différence entre l'opinion publique française, hostile à l'accueil des réfugiés, et l'opinion publique allemande, favorable (69 % selon le sondage Ifop de juillet 2015) met en lumière une variable économique. "Les Français perçoivent la France comme un pays affaibli économiquement, au chômage élevé, aux ressources publiques rares, et à la population immigrée déjà relativement importante", explique Jérôme Fourquet, directeur du Département Opinion et Stratégies d'Entreprise de l'Ifop. "En revanche en Allemagne, où l'économie est florissante et la démographie en berne, les Allemands ont conscience qu'ils ont les moyens et besoin de ces immigrés". Ces chiffres sont élevés, si on les compare à l'accueil réservé aux chrétiens d'Orient à l'été 2014. 54 % des Français y étaient favorables.LA DISTANCE CULTURELLE, ensuite, qui joue un rôle fondamental. "La bienveillance envers les migrants dépend de l'idée qu'on se fait de leur capacité d'intégrer la société", explique Jérôme Fourquet. "L'aspect confessionnel est important, ce qui explique que les chrétiens d'Orient soient mieux perçus". L'appartenance supposée ou réelle des réfugiés à la religion musulmane expliquerait une moindre bienveillance des Français à leur égard. Du reste, l'opinion publique a toujours du mal a faire la distinction entre réfugiés politiques et migrants économiques. L'image qui prédomine est celle du migrant venu d'Afrique subsaharienne pour fuir la misère, et non celle de l'ingénieur syrien diplômé fuyant avec sa famille la guerre et les persécutions.LES PAUVRES PLUS OPPOSES que les riches, enfin. Les cadres et professions intellectuelles supérieures, tout comme les retraités, sont à 57 % favorable à l'accueil des réfugiés. Dans toutes les autres catégories socioprofessionnelles, le "non" l'emporte, avec un pic chez les ouvriers (71 %), les employés (65 %) et les autres inactifs (62 %). "Les catégories populaires sont victimes d'une triple insécurité, physique, économique et culturelle", rappelle le sondeur. "L'immigration est perçue comme l'une des nombreuses facettes négatives d'une mondialisation porteuse de mille dangers".Pour Jérôme Fourquet, un clivage générationnel s’exerce "chez les 35-49 ans où le vote Front National est élevé. C'est une génération qui a vécu avec la crise, qui est actuellement active, et qui se débat dans un contexte économique difficile (…) Les personnes âgées, les retraités, ont un niveau de vie plus stable et élevé, et ont vécu et grandi dans les années 1960 et 1970 où l'immigration n'était pas devenu un problème aussi important qu'aujourd'hui". Jérôme Fourquet ajoute, "c'est chez les personnes âgées qu'on trouve la part la plus importante de catholiques pratiquants, population qui a une attitude généralement bienveillante envers les migrants". FGInfo : cette enquête Ifop a été menée pour la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes auprès d’un échantillon de 1000 à 1100 personnes âgées de 18 ans et plus par pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pays-Bas et Danemark).