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L’impossibilité de choisir son avocat est une violation de l’article 6 de la Convention EDH
Publié le 28 octobre 2015 par Elisa Viganotti @Elisa_ViganottiCEDH, Grande Chambre, Affaire Dvorski c. Croatie (requête no 25703/11
Dans son arrêt de Grande Chambre rendu le 20 octobre 2015 la Cour européenne des droits de l’homme dit, à la majorité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 3 c) (droit à l’assistance d’un avocat) de la Convention européenne des droits de l’hommeExtrait de la décision:
« Pour déterminer si, au vu de la procédure pénale dans son ensemble, M. Dorski a bénéficié d’un « procès équitable » au sens de l’article 6 § 1, la Cour doit tenir compte des mesures par lesquelles la police l’a effectivement empêché, dès le début de l’enquête, d’accéder à l’avocat choisi par sa famille et de choisir librement son propre avocat, ainsi que des conséquences de la conduite de la police sur la suite de la procédure. En théorie, que le suspect ait été assisté par un avocat qualifié, tenu à une déontologie professionnelle, plutôt que par un autre avocat qu’il aurait peut‑être préféré désigner ne suffit pas en soi à démontrer que le procès dans son ensemble était inéquitable – sauf cas avérés d’incompétence ou de partialité (Artico c. Italie, 13 mai 1980, § 33, série A no 37). En l’espèce, on peut présumer que la conduite de la police a eu pour conséquence que, dès sa première déposition devant celle-ci, au lieu de garder le silence comme il aurait pu le faire, le requérant a fait des aveux qui ont été ultérieurement versés au dossier comme pièce à charge. Il convient aussi de noter que jamais par la suite, au cours de la phase de l’enquête et de celle, consécutive, du jugement, le requérant ne s’est appuyé sur ses aveux, si ce n’est à titre de circonstance atténuante pour la fixation de sa peine ; au contraire, il a contesté dès qu’il en a eu la possibilité, en l’occurrence devant le juge d’instruction, la manière dont la police les avait recueillis (paragraphe 23 ci‑dessus). Même s’il existait d’autres pièces à charge, la Cour ne saurait faire abstraction des répercussions probablement significatives des aveux initiaux du requérant sur la suite de la procédure pénale dirigée contre lui. En somme, elle estime que la conséquence objective de la conduite de la police lorsqu’elle a empêché l’avocat choisi par la famille du requérant de voir celui-ci était de nature à nuire à l’équité du procès pénal ultérieur dans la mesure où la déclaration incriminante initiale du requérant a été versée au dossier.e) Conclusion112. La Cour a constaté que la police n’avait informé le requérant ni de la disponibilité de Me G.M. ni de la présence de celui-ci au poste de police de Rijeka, que le requérant avait avoué au cours de son interrogatoire les crimes dont il était accusé et que ses aveux avaient été retenus à charge lors de son procès, et que les juridictions nationales n’avaient pas dûment examiné cette question et, en particulier, n’avaient pas pris les mesures qui s’imposaient en conséquence pour assurer l’équité du procès. Ces éléments, considérés cumulativement, ont irrémédiablement porté atteinte aux droits de la défense et nui à l’équité de la procédure dans son ensemble. »
Pour aller plus loin : Arrêt DVORSKI contre Croatie+Viganotti Elisa Avocat de la famille internationale