40 ans de cinéma israélien, des films borekas aux grandes séries

Par Mickabenda @judaicine

David Lipkind, qui est à la tête des productions et de la finance au Israeli FilmFund, sorte d’équivalent de notre CNC, nous offre un regard privilégié sur toute une création cinématographique, à laquelle il a assisté et contribué, depuis près de quarante ans.

L’Arche : Depuis quand travaillez-vous au Israeli Film Fund ?

David Lipkind : Presque vingt ans. Le Fund, quant à lui, fut créé en 1979.

Comment êtes-vous arrivé là ?
J’ai eu mon diplôme à l’université de Tel-Aviv, dans le département film et télévision.J’ai travaillé presque vingt ans dans l’industrie du cinéma. Essentiellement comme assistant-réalisateur, directeur de production et producteur. Après quinze ans de métier, je suis parti aux GG Studios, à Neve Ilan, près de Jérusalem. Ce sont d’énormes studios, que j’ai dirigés. Puis, quand la seconde chaîne a débuté, je suis allé à Keshet, l’une des franchises, pendant deux ans.

On n’avait qu’une chaîne publique à l’époque, tout d’un coup une deuxième chaine a vu le jour. Puis, ce sont les chaînes câblées qui sont apparues. Le Fund, alors sous la coupelle du gouvernement, a été rendu indépendant. Ils cherchaient un responsable, une personne avec des compétences financières. Comme je travaillai déjà dans le secteur, j’ai postulé et je l’ai eu. C’est avec Nili Hameiri, la responsable de l’époque, que nous avons établi le Fund sous sa forme actuelle. Ces vingt dernières années nous avons produit près de 250 films, à raison de douze à quinze films par an.

Quel genre de cinéma y avait-il à l’époque ?
Un cinéma populaire. Il y avait une haute fréquentation car la télévision n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Le genre en question s’appelait les « Borekas ». Puis, quand la seconde chaîne est apparue, elle a récupéré tout ce public, qui n’avait plus à payer pour voir ce genre de films puisque la chaîne les diffusait. La fréquentation des salles a considérablement chuté à ce moment-là. Les réalisateurs et scénaristes se sont rendu au ministère de l’éducation et ont exigé un fond, tel qu’il en existe dans la plupart des pays, afin de pouvoir financer des films plus artistiques. Il s’agissait, au départ, de gens comme Jud Neeman (professeur d’université), Renen Schor (directeur de la fameuse école de cinéma Sam Spiegel) ou encore Yitzak Tzepel Yeshurun.

C’est ainsi que le Film Fund a vu le jour. Il fut surtout établi pour les films d’auteur. Suite au déclin du public dans les cinémas, le gouvernement a décidé d’augmenter sa contribution qui, jusque-là, était plutôt maigre. Une fois que nos moyens se sont améliorés, nous avons pu faire des films plus commerciaux. En 2001, le premier film qui ait attiré un très large public, au-delà des frontières, fut Mariage Tardif, de Dover Kosashvili. Depuis lors, le cinéma israélien a commencé un véritable dialogue avec son public. Une loi avait a été établie en Israël, et validée par le parlement, selon laquelle une somme annuelle serait dédiée à la production cinématographique, indépendamment des politiciens et de tout remaniement gouvernemental. Et ce, pour tous les genres, du documentaire au film de fiction…
Nos ressources financières, qui nous viennent essentiellement du gouvernement, et ce par loi, s’élèvent à 80 millions de shekels par an, depuis cinq ans. Cette somme est répartie entre les longs-métrages, les documentaires, les séries-télé et les courts-métrages.
Notre seconde source d’aide à la production nous vient des chaînes de télévision commerciales et câblées. Selon la loi, afin d’obtenir leur licence de diffusion, ils doivent investir dans le cinéma. C’est une condition sine qua non. Leur contribution totale s’élève à 16 millions de shekels par an. Une autre source importante pour nos documentaires et nos longs-métrages est la coproduction. Elle vient surtout d’Europe avec, en tête, l’Allemagne et la France. Une petite part vient du privé, avec Cinema City, la plus grosse chaîne de cinémas du pays, dirigée par Moshe Edery, et United King Films. Edery est également producteur et distributeur.

Les séries sont-elles de votre ressort ?
A une époque, lorsque l’audience s’était affaiblie dans les salles, on s’est dit : on va rentrer dans les maisons. Nous avons donc produit pour la télévision, car celle-ci ne produisait pas elle-même, c’était bien trop cher. On leur a dit, contribuons à parts égales, cinquante-cinquante du budget. Nous ferons, soit des longs, soit des mini-séries. On a fait Florentine, une des premières séries Israéliennes, réalisée par Eytan Fox.
Haim Bouzaglo a, lui aussi, créé une série policière. Et ça a marché ! Après quelques années, les franchises ont voulu produire par elles-mêmes. Côté cinéma, la fréquentation avait repris du poil de la bête. Nous nous sommes donc concentré là-dessus. Nous produisons en moyenne douze longs-métrages par an. Un demi-million à deux millions de shekels sont attribués à chaque film.

Comment les scénarios/projets sont-ils sélectionnés ?
Nous avons des lecteurs. Nous recevons en moyenne deux cent scripts par an et les lecteurs recherchent ceux avec le plus de potentiel.

Comment se compose votre comité de lecture ?
Ce sont surtout des gens de l’industrie. Des producteurs, des réalisateurs, chefs décorateurs, scénaristes ou journalistes, etc… Et chaque année, l’équipe change ! Un candidat scénariste peut soumettre le même script trois années d’affilée. Après trois refus, il doit se pencher sur un nouveau script. Au départ, cela nous prenait un an pour répondre aux candidats, mais on a réussi à réduire cette période à cinq mois. Nous essayons d’investir dans tous les genres de cinéma : drame, comédie, horreur… Des films pour adultes, évidemment, mais aussi pour enfants. Nous avons également un département voué à la comédie. Les candidats scénaristes peuvent spécifiquement soumettre dans cette catégorie. Comment définissons-nous une comédie, me direz-vous ? Et bien ce n’est pas nous qui en jugeons, mais nos lecteurs. Nous leur faisons confiance, afin de décider de la qualité d’un scénario, et le système de rotation des lecteurs fonctionne très bien.

Qu’est-ce qui caractérise un film comme étant israélien ?
Nous essayons de fuir toute définition mais, en bref, il s’agit d’un film réalisé par un citoyen Israélien. Par exemple, Le Congrès, d’Ari Folman, n’est pas un film israélien typique. C’est un film d’animation dont les acteurs sont américains. Mais Ari, lui, est Israélien. Et son film Valse avec Bashir fut un grand succès, à échelle internationale. Dans ce cas précis, la nature du script était moins importante que son créateur. Cela diffère donc d’un projet à l’autre.

Un scénario est sélectionné, que se passe-t-il après, concrètement ?
Pour obtenir les deux millions, il faut un producteur derrière. Le candidat reçoit alors une lettre qui explique que notre offre de soutien est valable pour un an et demi, avec possibilité de prolongement pour une année supplémentaire. Le réalisateur doit alors constituer son équipe et définir un plan de tournage. Cette partie-là, nous, on ne s’en mêle pas. Son tournage peut durer cinquante ou cinq jours, peu importe, du moment qu’il, ou elle, se fie à son plan initial. Nos productions sont très éclectiques.
Nos gars font le tour du monde à la recherche de coproducteurs. Ils fréquentent tous les festivals, connaissent les gens clés. La coproduction demeure très importante pour des films avec un budget qui s’élève à deux millions et au-delà. Ce système a fonctionné ces dernières années et nous avons connu quelques succès. Il est crucial pour nous d’écouter nos réalisateurs. Quels sont leurs besoins, etc… La section comédie a été rajoutée car, initialement, les lecteurs n’identifiaient pas les comédies.

J’ai été surpris d’apprendre que les États-Unis ne participaient pas à la production israélienne ?
Filmer ici est très difficile. C’est une zone de guerre. Les productions à dix ou vingt millions de dollars ne veulent pas prendre de risques. Il y a de cela un an, deux séries américaines ont été tournées ici. Soudainement, la guerre éclata. Ils ont tout abandonné. C’est donc très difficile avec les boîtes américaines.

Et les Français ?
Ce sont des films plus petits, et puis, l’Europe est plus proche d’Israël. Ils comprennent que ce qui peut paraître effrayant de loin, ne l’est pas nécessairement sur place. Nos coproductions avec la France sont, en fait, des films Israéliens. Il peut n’y avoir qu’un acteur ou un caméraman français dans l’équipe. Quant aux projets américains, ils débarquent avec toute leur équipe. Ils ne font pas confiance. Espérons que ça change. Par contre, les Américains font beaucoup de remakes de nos films, de nos séries… Le film The Debt, par exemple, avec Helen Mirren, est un remake. Pour celui-là, ils ont filmé quelques jours, ici. Ils ont pris le risque. (Sourire)

Qu’est-ce qui vous a fait tomber amoureux du cinéma ?
Enfant, j’adorais les films, de Bambi à Psycho, en passant par les Westerns Spaghetti. Les histoires d’amour comme Autant en Emporte le Vent, les Chaplin, Laurel et Hardy. Quand j’allais au cinéma, les sous-titres n’étaient pas en dessous, mais sur le côté ! Ils les déroulaient manuellement, les traductions étaient souvent erronées et pas synchrone ! Cela ne m’empêchait pas d’être transporté dans un autre monde. Et j’aime cette expérience, jusqu’à aujourd’hui. J’étais, je l’avoue, un peu séduit par les grands noms, le glamour, Gina Lollobrigida. Je viens d’une petite ville, vous savez, il n’y avait qu’un cinéma à Tsfat (Safed). C’était le seul divertissement, il fallait se battre avec les parents afin d’avoir quelques sous pour se rendre dans cette salle obscure.Je travaille dans et pour le cinéma depuis presque quarante ans.
J’ai deux filles, dont l’une est assistante-réalisatrice, et l’autre se bat pour se faire une place en tant qu’actrice. Je m’estime heureux de venir au bureau tous les matins et j’espère que mes filles, aussi, seront heureuses. On ne peut que leur souhaiter de réaliser leurs rêves et être là quand elles ont besoin de vous.

Parmi vos collaborations et contributions, des coups de cœur ?
La Visite de la Fanfare, d’Eran Kolirin. Moins connu, Eli et Ben, d’Ori Ravid. Plus récemment, Le Procès de Viviane Amsellem, de Ronit Elkabetz, Zero Motivation, de Talya Lavie. Fin de Partie, de Sharon Maymon et Tal Granit. Avanti Popolo, de Rafi Bukay. Les films d’Amos Guttman, réalisateur Roumain, émigré en Israël. Assi Dayan, évidemment, (acteur, scénariste, réalisateur et producteur décédé en 2014) est une figure incontournable du cinéma Israélien. Il a tourné avec John Huston, Jules Dassin… Plus jeune, il était parachutiste. Il était extrêmement talentueux, mais tourmenté, et il portait un regard très critique à l’égard de sa société. Il était le fils du chef de l’État Major et ministre Moshe Dayan.
Assi Dayan avait atteint un tel statut dans ce pays qu’il pouvait dire ce qu’il voulait. Il a fait un film sur Yitzhak Rabin, après son assassinat. On le voit sur le lieu du crime, s’adressant à la stèle commémorative. Il remercie directement Rabin de lui avoir servi de prétexte auprès de sa femme, à ces nombreuses allocutions, pour en réalité se rendre chez sa maîtresse. Or la dernière fois, le jour même de l’assassinat de Rabin, en rentrant chez lui, Assi retrouve sa femme en pleurs et se croit découvert !

Par Daniel Lundh pour le magazine L’Arche

David Lipkind, qui est à la tête des productions et de la finance au Israeli FilmFund, sorte d’équivalent de notre CNC, nous offre un regard privilégié sur toute une création cinématographique, à laquelle il a assisté et contribué, depuis près de quarante ans.

L’Arche : Depuis quand travaillez-vous au Israeli Film Fund ?

David Lipkind : Presque vingt ans. Le Fund, quant à lui, fut créé en 1979.

Comment êtes-vous arrivé là ?
J’ai eu mon diplôme à l’université de Tel-Aviv, dans le département film et télévision.J’ai travaillé presque vingt ans dans l’industrie du cinéma. Essentiellement comme assistant-réalisateur, directeur de production et producteur. Après quinze ans de métier, je suis parti aux GG Studios, à Neve Ilan, près de Jérusalem. Ce sont d’énormes studios, que j’ai dirigés. Puis, quand la seconde chaîne a débuté, je suis allé à Keshet, l’une des franchises, pendant deux ans.

On n’avait qu’une chaîne publique à l’époque, tout d’un coup une deuxième chaine a vu le jour. Puis, ce sont les chaînes câblées qui sont apparues. Le Fund, alors sous la coupelle du gouvernement, a été rendu indépendant. Ils cherchaient un responsable, une personne avec des compétences financières. Comme je travaillai déjà dans le secteur, j’ai postulé et je l’ai eu. C’est avec Nili Hameiri, la responsable de l’époque, que nous avons établi le Fund sous sa forme actuelle. Ces vingt dernières années nous avons produit près de 250 films, à raison de douze à quinze films par an.

Quel genre de cinéma y avait-il à l’époque ?
Un cinéma populaire. Il y avait une haute fréquentation car la télévision n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Le genre en question s’appelait les « Borekas ». Puis, quand la seconde chaîne est apparue, elle a récupéré tout ce public, qui n’avait plus à payer pour voir ce genre de films puisque la chaîne les diffusait. La fréquentation des salles a considérablement chuté à ce moment-là. Les réalisateurs et scénaristes se sont rendu au ministère de l’éducation et ont exigé un fond, tel qu’il en existe dans la plupart des pays, afin de pouvoir financer des films plus artistiques. Il s’agissait, au départ, de gens comme Jud Neeman (professeur d’université), Renen Schor (directeur de la fameuse école de cinéma Sam Spiegel) ou encore Yitzak Tzepel Yeshurun.

C’est ainsi que le Film Fund a vu le jour. Il fut surtout établi pour les films d’auteur. Suite au déclin du public dans les cinémas, le gouvernement a décidé d’augmenter sa contribution qui, jusque-là, était plutôt maigre. Une fois que nos moyens se sont améliorés, nous avons pu faire des films plus commerciaux. En 2001, le premier film qui ait attiré un très large public, au-delà des frontières, fut Mariage Tardif, de Dover Kosashvili. Depuis lors, le cinéma israélien a commencé un véritable dialogue avec son public. Une loi avait a été établie en Israël, et validée par le parlement, selon laquelle une somme annuelle serait dédiée à la production cinématographique, indépendamment des politiciens et de tout remaniement gouvernemental. Et ce, pour tous les genres, du documentaire au film de fiction…
Nos ressources financières, qui nous viennent essentiellement du gouvernement, et ce par loi, s’élèvent à 80 millions de shekels par an, depuis cinq ans. Cette somme est répartie entre les longs-métrages, les documentaires, les séries-télé et les courts-métrages.
Notre seconde source d’aide à la production nous vient des chaînes de télévision commerciales et câblées. Selon la loi, afin d’obtenir leur licence de diffusion, ils doivent investir dans le cinéma. C’est une condition sine qua non. Leur contribution totale s’élève à 16 millions de shekels par an. Une autre source importante pour nos documentaires et nos longs-métrages est la coproduction. Elle vient surtout d’Europe avec, en tête, l’Allemagne et la France. Une petite part vient du privé, avec Cinema City, la plus grosse chaîne de cinémas du pays, dirigée par Moshe Edery, et United King Films. Edery est également producteur et distributeur.

Les séries sont-elles de votre ressort ?
A une époque, lorsque l’audience s’était affaiblie dans les salles, on s’est dit : on va rentrer dans les maisons. Nous avons donc produit pour la télévision, car celle-ci ne produisait pas elle-même, c’était bien trop cher. On leur a dit, contribuons à parts égales, cinquante-cinquante du budget. Nous ferons, soit des longs, soit des mini-séries. On a fait Florentine, une des premières séries Israéliennes, réalisée par Eytan Fox.
Haim Bouzaglo a, lui aussi, créé une série policière. Et ça a marché ! Après quelques années, les franchises ont voulu produire par elles-mêmes. Côté cinéma, la fréquentation avait repris du poil de la bête. Nous nous sommes donc concentré là-dessus. Nous produisons en moyenne douze longs-métrages par an. Un demi-million à deux millions de shekels sont attribués à chaque film.

Comment les scénarios/projets sont-ils sélectionnés ?
Nous avons des lecteurs. Nous recevons en moyenne deux cent scripts par an et les lecteurs recherchent ceux avec le plus de potentiel.

Comment se compose votre comité de lecture ?
Ce sont surtout des gens de l’industrie. Des producteurs, des réalisateurs, chefs décorateurs, scénaristes ou journalistes, etc… Et chaque année, l’équipe change ! Un candidat scénariste peut soumettre le même script trois années d’affilée. Après trois refus, il doit se pencher sur un nouveau script. Au départ, cela nous prenait un an pour répondre aux candidats, mais on a réussi à réduire cette période à cinq mois. Nous essayons d’investir dans tous les genres de cinéma : drame, comédie, horreur… Des films pour adultes, évidemment, mais aussi pour enfants. Nous avons également un département voué à la comédie. Les candidats scénaristes peuvent spécifiquement soumettre dans cette catégorie. Comment définissons-nous une comédie, me direz-vous ? Et bien ce n’est pas nous qui en jugeons, mais nos lecteurs. Nous leur faisons confiance, afin de décider de la qualité d’un scénario, et le système de rotation des lecteurs fonctionne très bien.

Qu’est-ce qui caractérise un film comme étant israélien ?
Nous essayons de fuir toute définition mais, en bref, il s’agit d’un film réalisé par un citoyen Israélien. Par exemple, Le Congrès, d’Ari Folman, n’est pas un film israélien typique. C’est un film d’animation dont les acteurs sont américains. Mais Ari, lui, est Israélien. Et son film Valse avec Bashir fut un grand succès, à échelle internationale. Dans ce cas précis, la nature du script était moins importante que son créateur. Cela diffère donc d’un projet à l’autre.

Un scénario est sélectionné, que se passe-t-il après, concrètement ?
Pour obtenir les deux millions, il faut un producteur derrière. Le candidat reçoit alors une lettre qui explique que notre offre de soutien est valable pour un an et demi, avec possibilité de prolongement pour une année supplémentaire. Le réalisateur doit alors constituer son équipe et définir un plan de tournage. Cette partie-là, nous, on ne s’en mêle pas. Son tournage peut durer cinquante ou cinq jours, peu importe, du moment qu’il, ou elle, se fie à son plan initial. Nos productions sont très éclectiques.
Nos gars font le tour du monde à la recherche de coproducteurs. Ils fréquentent tous les festivals, connaissent les gens clés. La coproduction demeure très importante pour des films avec un budget qui s’élève à deux millions et au-delà. Ce système a fonctionné ces dernières années et nous avons connu quelques succès. Il est crucial pour nous d’écouter nos réalisateurs. Quels sont leurs besoins, etc… La section comédie a été rajoutée car, initialement, les lecteurs n’identifiaient pas les comédies.

J’ai été surpris d’apprendre que les États-Unis ne participaient pas à la production israélienne ?
Filmer ici est très difficile. C’est une zone de guerre. Les productions à dix ou vingt millions de dollars ne veulent pas prendre de risques. Il y a de cela un an, deux séries américaines ont été tournées ici. Soudainement, la guerre éclata. Ils ont tout abandonné. C’est donc très difficile avec les boîtes américaines.

Et les Français ?
Ce sont des films plus petits, et puis, l’Europe est plus proche d’Israël. Ils comprennent que ce qui peut paraître effrayant de loin, ne l’est pas nécessairement sur place. Nos coproductions avec la France sont, en fait, des films Israéliens. Il peut n’y avoir qu’un acteur ou un caméraman français dans l’équipe. Quant aux projets américains, ils débarquent avec toute leur équipe. Ils ne font pas confiance. Espérons que ça change. Par contre, les Américains font beaucoup de remakes de nos films, de nos séries… Le film The Debt, par exemple, avec Helen Mirren, est un remake. Pour celui-là, ils ont filmé quelques jours, ici. Ils ont pris le risque. (Sourire)

Qu’est-ce qui vous a fait tomber amoureux du cinéma ?
Enfant, j’adorais les films, de Bambi à Psycho, en passant par les Westerns Spaghetti. Les histoires d’amour comme Autant en Emporte le Vent, les Chaplin, Laurel et Hardy. Quand j’allais au cinéma, les sous-titres n’étaient pas en dessous, mais sur le côté ! Ils les déroulaient manuellement, les traductions étaient souvent erronées et pas synchrone ! Cela ne m’empêchait pas d’être transporté dans un autre monde. Et j’aime cette expérience, jusqu’à aujourd’hui. J’étais, je l’avoue, un peu séduit par les grands noms, le glamour, Gina Lollobrigida. Je viens d’une petite ville, vous savez, il n’y avait qu’un cinéma à Tsfat (Safed). C’était le seul divertissement, il fallait se battre avec les parents afin d’avoir quelques sous pour se rendre dans cette salle obscure.Je travaille dans et pour le cinéma depuis presque quarante ans.
J’ai deux filles, dont l’une est assistante-réalisatrice, et l’autre se bat pour se faire une place en tant qu’actrice. Je m’estime heureux de venir au bureau tous les matins et j’espère que mes filles, aussi, seront heureuses. On ne peut que leur souhaiter de réaliser leurs rêves et être là quand elles ont besoin de vous.

Parmi vos collaborations et contributions, des coups de cœur ?
La Visite de la Fanfare, d’Eran Kolirin. Moins connu, Eli et Ben, d’Ori Ravid. Plus récemment, Le Procès de Viviane Amsellem, de Ronit Elkabetz, Zero Motivation, de Talya Lavie. Fin de Partie, de Sharon Maymon et Tal Granit. Avanti Popolo, de Rafi Bukay. Les films d’Amos Guttman, réalisateur Roumain, émigré en Israël. Assi Dayan, évidemment, (acteur, scénariste, réalisateur et producteur décédé en 2014) est une figure incontournable du cinéma Israélien. Il a tourné avec John Huston, Jules Dassin… Plus jeune, il était parachutiste. Il était extrêmement talentueux, mais tourmenté, et il portait un regard très critique à l’égard de sa société. Il était le fils du chef de l’État Major et ministre Moshe Dayan.
Assi Dayan avait atteint un tel statut dans ce pays qu’il pouvait dire ce qu’il voulait. Il a fait un film sur Yitzhak Rabin, après son assassinat. On le voit sur le lieu du crime, s’adressant à la stèle commémorative. Il remercie directement Rabin de lui avoir servi de prétexte auprès de sa femme, à ces nombreuses allocutions, pour en réalité se rendre chez sa maîtresse. Or la dernière fois, le jour même de l’assassinat de Rabin, en rentrant chez lui, Assi retrouve sa femme en pleurs et se croit découvert !

Par Daniel Lundh pour le magazine L’Arche