Notre repas à Dessance n'était que le prélude de deux jours dédiés à l'amour des belles et bonnes choses. Après un après-midi culturel, nous sommes allés le soir à Pages, l'un des restaurants "japonais" les plus tendances du moment. Comme chez Kei où nous étions allés l'année dernière, ce n'est pas de la cuisine japonaise, mais une cuisine française revisitée par un chef japonais qui a fait ses classes chez des étoilés (en l'occcurence, Ryuji Teshima a travaillé pour Senderens et Kobe Desramaults – In de Wulf – en Belgique).
Le soir, le choix est simple : il n'y a qu'un menu à 80 €, avec une option "boeuf japonais" à 30 €. Nous nous contenterons de boeufs européens, même si nous avons peut-être raté l'occasion de manger une viande hors-norme. En grignotant des chips de légumes, nous consultons la carte des vins : contrairement à pas mal de japonais, elle n'est pas du tout "nature" (quartier ultra-chic oblige ?). C'est très traditionnel, voire un peu trop : limiter l'Alsace à Trimbach et les blancs de Loire à Sancerre, c'est tout de même triste. Je finis par trouver deux vins qui me semble bons sans tomber dans le stratosphérique : le Saint-Aubin les Fontenettes 2013 de Marc Colin (55 €) et le Saint-Joseph les Serines 2012 de Cuilleron (70 €). Au départ, j'avais choisi un Reflets de Villard (60 €) mais il n'était plus disponible. Ils s'avèreront de bonnes pioches.
Deux mises en bouche pour démarrer : une croquette de poisson aux agrumes (g.) et un croustillant à la pâte de citron et encre de seiche. Les deux sont bonnes, avec une préférence pour la seconde (le citron, c'est ma passion !)
Des brioches qui nous sont destinées qui lèvent tranquillement au milieu de la table...
Le premier plat : un carpaccio de Saint-Jacques bretonnes et daïkon...
...arrosé d'un bouillon chaud.
C'est très bon, avec de multiples contrastes : moelleux/croquant, terre/mer, chaud/froid, doux/amer. Et en même temps, assez facile à refaire chez soi, et même l'améliorer (avec un bouillon de barbes de Saint-Jacques, par ex. Slurp...)
Un cromesquis de foie gras avec une crème de potiron et de l'oxalys. Bien mais il manque le p'tit truc qui le rendrait génial. J'ai vu sur le net qu'il avait fait auparavant une version fumée. Je crois que ça m'aurait plus botté...
Ce plat est également intéressant en terme de contrastes, avec plein de goûts très variés. Par contre, je ne suis pas emballé par le blanc de seiche que je trouve fade et un peu trop caoutchouteux (dur à découper). À 10.000 lieues de celui que j'avais adoré chez Sang Hoon Degeimbre.
Par contre, j'ai beaucoup aimé le turbot : la cuisson est parfaite. Le jus de coquillage délicieux, iodé à souhait, et les différentes herbes apportant un vrai plus gustatif (le mouron des oiseaux est génial. Dire que c'est une "mauvaise herbe"...).
Le Saint-Aubin de Marc Colin s'est parfaitement adapté à tous les plats, les mettant en valeur sans jamais les écraser. Cela donne envie de s'intéresser à ce producteur, si tant est qu'il ait du vin à vendre.
Poulette de Pâtis de Monsieur Cosnet, jeune poireau, oeuf
Sur le moment, je n'avais pas pensé au côté allégorique du plat, avec cette oeuf qui côtoie la poule. Sans que l'on ne sache toujours pas qui a donné naissance à l'autre ;-) J'ai juste pensé que l'idée était excellente au moment de la manger tant l'oeuf apporte de la saveur, de la texture et de la douceur à la sauce du plat. Contrairement à ce qui se pratique beaucoup, il n'est pas cuit dans sa coque à 62-63 °C, mais seul dans le bouillon de la poule. Le poireau servi avec est goûteux, ferme sans être dur. Et vous vous dites que plus jamais, vous jetterez les racines à la poubelle. J'avais oublié la texture superbe de la volaille – et son goût délicat, presque sucré – même si une peau craquante eût été un plus.
Ca y est, les brioches sont cuites : elles sont bien bonnes :-)
À droite, du boeuf de Gallice maturé 60 jours. À gauche, de la Normande maturée 100 jours. Celle de droite est plus goûteuse, celle de gauche plus fondante. Mais les deux sont délicieuses. La cuisson sur charbon japonais est une vraie réussite. Par contre, les portions sont chiches. Sur la viande, coûteuse, je peux comprendre. Sur les pomme de terre, très bonnes au demeurant, ça fait un peu radin...
Le Saint-Joseph les Serines s'est très bien comporté après une bonne aération (le sommelier avait eu la bonne idée de nous le servir une bonne vingtaine de minutes avant que la première viande arrive). Sa densité et ses épices convenaient mieux au boeuf qu'à la poulette, mais il n'écrasait toutefois pas celle-ci.
Content de ma photo :-)
J'en ai pris beaucoup pour arriver à celle-là...
Eh oui, on en est déjà au dessert : là, une mousse à la coriandre (sucrée, c'est rare). C'est bon !
Là, j'ai pas trop compris l'intérêt de cette noix de coco. C'est pas mauvais, mais bon...
Très belle présentation. C'est bon, mais il manque encore le p'tit quelque chose qui apporte du relief et de la dinguerie au plat.
Variation sur la verveine : très bon (et plus surprenant que le plat précédent)
Des fruits frais (dont une pomme japonaise) arrosés d'une sauce au chocolat. Pas mal, mais bon...
Les mignardises, toutes délicieuses, remontent le niveau.
Je ressors de ce repas assez partagé, pour tout dire : Tout est joli, bon, voire très bon, mais j'ai du mal à percevoir l'identité du chef à travers ses plats. Il manque un petit quelque chose, une folie, une intensité, qui vous fasse vraiment décoller et donner le sentiment de vivre un moment rare (ce qu'on avait vécu chez Kei et que l'on vivra le lendemain à ... surprise !). Et puis surtout, l'accoustique est catastrophique. Je ne crois pas que cela vienne de la distance entre les tables – pas énorme, mais dans la norme, me semble-t-il – mais de la façon dont le son est réverbéré entre celles-ci. Cela créait une cacophonie assez insupportable : on avait l'impression de se retrouver dans un réfectoire bruyant.
Par ailleurs, sûrement pour ne pas créer plus de bruit encore, la ventilation de la cuisine semble inexistante. Du coup, on avait droit régulièrement à des odeurs de fritures/graillon pas très agréables.
Il est probable que tout cela ait contribué à une perception non optimum des différents plats. Dommage...
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