Critique de 20 000 lieues sous les mers, de Jules Verne, vu le 3 octobre 2015 au Vieux-Colombier
Avec Cécile Brune, Christian Gonon, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Jérémy Lopez, Elliot Jenicot, et Louis Arène, dans une mise en scène de Christian Hecq et Valérie Lesort
On les connaît, les plans de Muriel Mayette pour faire quelques économies : proposer des mises en scène à des comédiens, qui parfois n’en ont jamais fait. Malgré quelques échecs la saison dernière, Eric Ruf semble reprendre ce plan d’action en confiant à Christian Hecq la mise en scène de cette oeuvre de Jules Verne. Et… quelle merveilleuse idée ! Christian Hecq nous fait une proposition tout à fait originale en montant 20 000 lieues sous les mers : il fait entrer les marionnettes au sein de la Comédie-Française, et nous prouve une nouvelle fois que les Comédiens Français ont de nombreux talents cachés.
L’adaptation est fidèle à l’oeuvre de Jules Verne : coupée, certes, mais fidèle. Elle nous raconte l’histoire de ces trois hommes faits prisonniers par le capitaine Nemo alors qu’ils recherchaient, sans le savoir, son sous-marin. Ils découvrent en la personne du capitaine un homme profondément seul, aux allures de misanthropes, au sens de l’hospitalité parfois douteux, mais au savoir impressionnant. Ces trois personnages, Ned Land, Aronnax, et Conseil vont vivre plusieurs mois en compagnie du capitaine et de son serviteur Flippos, à bord de ce sous-marin : cela va leur permettre d’observer les profondeurs sous-marines d’un oeil privilégié, mais également de vivre des aventures peu attirantes.
Les comédiens sont formidables : l’esprit de troupe est là, sur la scène du Vieux-Colombier. Christian Hecq, le bras plâtré, campe un Capitaine Nemo mystérieux, intelligent et vif, peu soucieux des souhaits de ses hôtes. A ses côtés, nos trois prisonniers, puisque tel est leur état, vivent leur captivité de différentes manières : Jérémy Lopez, toujours merveilleux, campe un Conseil quelque peu terrorisé, aux airs naïfs et au grand coeur. Christian Gonon, le parler franc et presque brutal, est un Ned Land avide de liberté, parfois inquiétant. Enfin, Nicolas Lormeau est un Professeur Aronnax en constant émerveillement devant les créatures sous-marines qu’il découvre… au même titre que le spectateur.
C’est élégant, saisissant, et magnifique. Ça a quelque chose de féérique. Les marionnettes animées par les comédiens sont comme des intermèdes visuels tout simplement magiques. La précision avec laquelle les différents animaux prennent vie est absolument remarquable, et laisse des souvenirs impérissables : comment ne pas s’effrayer à la vue de cette pieuvre géante, ou s’émerveiller devant cette méduse géante. Et si les fonds marins prennent vie sur le plateau du Vieux-Colombier, c’est grâce à l’impressionnante maîtrise des comédiens, qui manipulent eux-même ces marionnettes. Alors un immense bravo à eux ; et pour celui qui devient marionnette en mimant un homme nageant en plein milieu de la scène, nous faisant carrément douter de la réelle présence d’air dans la salle, j’ai nommé monsieur Elliot Jenicot, je ne peux que m’incliner bien bas.
Une petite merveille. A ne pas manquer. ♥ ♥ ♥