Pas toujours aisé de faire fi du passé d'une maison, de la mémoire de ses murs - thème cher à Tatiana de Rosnay. La narratrice de ce beau roman en fait les frais, qui quitte Paris pour s'installer dans une maison de charme et de province, "en périphérie d'une ville portuaire".
Atteint de sénilité, Guy, l'ancien occupant des lieux, a été placé dans une maison médicalisée tandis que ses filles se dépêchent de mettre la maison en vente; sanctuaire des générations passées, la cave conserve encore le bric à brac des anciens propriétaires...
La surprise est grande pour la narratrice, de voir le vieillard débarquer, à l'improviste.Ce dernier a conservé la clef de la maison qu'il tient encore farouchement pour sienne. L'en chasser et changer les serrures pourrait l'achever... la narratrice - auteur de thrillers à succès modéré - ne s'en sent pas la force.
S'installe alors un curieux rapport d'autorité: bougon et ombrageux, le vieillard se réfugie de longues heures dans "sa" cave , ne prêtant à son hôtesse qu'une attention rare et plutôt désagréable.
Lentement, progressivement, la glace va se rompre - mais jamais totalement... et les protagonistes vont se découvrir des blessures communes qui vont mutuellement les aider à mieux comprendre leur entourage. Meurtri par la mort violente et barbare de son père, sous la torture gestapiste; Guy fera subir à sa femme et ses filles le désastre affectif qu'elle a engendrée; de son côté, la narratrice retrouve en ce vieil homme; les attitudes de ses grand-père et père, qui ont abîmé sa jeunesse. Et le dialogue de les faire progresser par petites touches anodines, vers un apaisement respectif
Le style est simple, fluide, la tension narrative, parfaitement négociée, le roman, des plus - subtilement- attachant.
Une belle lecture en lice, peut-être, pour le Prix Horizon
L'importun, Aude Le Corff, roman, Ed. Stock, avril 2015, 198 pp