Le Cas de la famille Coleman dresse le portrait acerbe et corrosif d'une famille marginale et sans-le-sou, dont la structure bouscule les conventions.
Trois générations d'une même famille - famille complètement morcelée, voire éclatée et où chaque rôle est un peu flou - cohabitent autour du handicap de deux d'entre eux.
Ce portrait, dressé sur un ton de comédie qui tourne au vinaigre, pose de vraies questions d'ordre social et moral.
Comment considérer la gestion du handicap au sein même de la famille ? Quel rôle chacun doit-il jouer et comment subvenir aux besoins de tous, sans s'oublier soi-même ?
Avons-nous pour obligation de rester loyal et intègre à notre lignée ? Cette proposition donne corps aux liens invisibles et fragiles, à l'étrangeté qui se niche dans les rapports filiaux et fraternels. Ce fabuleux texte de Claudio Tolcachir, mis en scène avec succès par l'auteur en 2010 au Théâtre du Rond-Point, fait ici l'objet d'une première reprise en France, fine, drôle, audacieuse, émouvante et percutante.
Ce n'est que petit à petit que l'on apprend que sous ce toit vivent : Leonarda, la grand-mère, Néné la mère et ses 4 enfants, tous adultes. Les rôles dans cette maison ne semblent pas bien très définis . Néné, la mère parle et agit comme une adolescente, Damian, lui est le rebelle de la bande, sa jumelle semble être la seule à gérer réellement le quotidien et ses tracas, portant à elle seule toute la misère du monde sur ses épaules, la grand-mère veille sur tous...et Marito... Marito fait peur. Il fait peur car on ne sait jamais lorsqu'il est sérieux ou non, il joue avec les mots, invente, parodie, chahute, taquine, menace...
Et tout l'objet de la pièce est là... Marito et sa folie, Marito et son handicap... Marito et sa famille faite de bric et de broc où chacun s'aime d'un amour fou et vit à travers sa folie.
Néné est immature, peut-être même bipolaire, Marito lui est fou, paranoïque, peut-être schizophrène...à aucun moment les maladies ne sont citées mais elles arrivent au spectateur telle qu'elle, avec violence souvent et humour parfois, sans fioritures, brut de décoffrage...
Certaines scènes font peur car si on ne dit pas tout, on montre. La folie est mise en scène, sans pudeur.
Les autres personnages de la pièce vivent avec ce poids, cet amour qui les unis et les clouent sur place, certains (tous ?) aimeraient partir, se sauver, fuir cet amour trop lourd, trop dur...le manque d'argent, de repères... la galère.
Seule Véronica, l'ainée, a réussie à s'en sortir... elle vit en marge de tout cela, vit le contraire de tout ça. Une famille unie (en apparence ), un mari, des enfants, de l'argent et la honte, la honte de cette famille hors norme dont elle vient malgré tout, qu'elle supporte, qu'elle subit, qu'elle porte comme elle le peut...à coup d'aide financière, de passages en coup de vent...
Tout cela aurait certainement pu durer encore longtemps si un évènement tragique ne venait redistribuer les cartes.
Comment conserver cet équilibre précaire avec la disparition de celle qui faisait " tourner " la baraque, de celle qui aimait tant ses petits qu'elle avait toujours tout fait pour les garder auprès d'elle, unis...
Comment faire pour conserver le lien, l'unité, aussi fragile soit-il sans cette petite bonne femme qui était le pilier de leurs vies...
Tout vacille alors, pour Véronica d'abord puis pour tous les autres jusqu'à la fin... dramatique....
Une pièce poignante, pendant laquelle emportée par l'empathie, je ne suis pas laissée transporter par les quelques notes d'humour (grinçant, très grinçant) de certaines répliques. Clouée à mon siège par la peur, la compassion...
La mise en scène ajoute au malaise du spectateur et le plonge dans une réflexion intense sur la folie, sur la famille et la prise en charge de ceux qui pour une raison ou une autre n'entrent dans aucune case...
A voir !
Prochaine date le samedi 21 novembre 2015 à IstresPlus d'infos : https://www.facebook.com/Le-Cas-De-La-Famille-Coleman