Malgré son côté dénonciateur avéré, pour lequel le réalisateur de Gattaca s'est insîré de nombreux faits réels et a réellement été en contact avec des trafiquants d'armes, Lord of war ne peut se deépartir d'une fonction cathartique propre aux productions américaines post-11 septembre. Du coup, ce qui aurait pu être un simple pamphlet hésite constamment et donne par moments l'impression de n'être qu'une tragi-comédie bien sombre et amère.
C'est ce qui fait peut-être qu'il ne parvient que rarement à être captivant, alors même que le sujet est rien moins que fascinant. On y assiste à la grandeur et la décadence d'un marchand d'armes (avec ses passages obligés, entre fulgurances, hésitations, doutes existentiels et petits triomphes) au travers du tableau délicieusement cynique d'un monde chaotique, dépeint par petites touches quasi-documentaires ou par le biais de répliques percutantes.
La mise en scène est sobre, à l'image de son réalisateur : pas de mouvement de caméra déroutant hormis le générique initial, mais des cadrages et des contrechamps bien pensés. La bande son est du style de celle de Forrest Gump : une compilation étonnante de morceaux, dont on retient ceux qui sont utilisés en contrepoint et la sublime version de Grace Jones de la Vie en Rose. Là aussi, le déni du spectaculaire nous met en porte-à-faux, au point qu'on aurait souhaité davantage de retenue, ou plus de liberté de ton. Malgré les voyages incessants du héros, qu'on voit se promener entre l'Afrique et l'Europe de l'Est, avec quelques passages aux USA, les paysages ne sont pas expressément mis en valeur, en dehors de la plage de Saint-Barth pour les besoins de la scène de romance.
L'interprétation est à l'aune de l'ensemble de l'oeuvre et me laisse un goût amer : les seconds rôles apparaissent souvent étouffés par leur personnage, de
Ian Holm trop rare à Jared Leto qui devrait changer de registre pour améliorer son teint (un véritable zombi vivant, ce type !). Même Ethan Hawke semble éteint, malgré le rôle du seul gars intègre de toute la planète. Eamonn Walker, qui interprète André Baptiste, despote africain redoutable, tire davantage son épingle du jeu. Quant à Nicolas Cage, il est plutôt desservi (mais cela touche l'ensemble de la distribution) par un doublage léthargique (pour ceux qui préfèrent la VF) et l'impression de transparence de son personnage, lequel manque cruellement de substance au point qu'on ne sent en lui qu'un prétexte. L'utilisation régulière de la voix off accentue encore cette sensation déroutante de détachement coupable.
Je ne saurais dire si je suis profondément déçu. Pas enthousiaste, c'est sûr. L'histoire de Yuri Orlov n'apporte rien de nouveau, on sait très vite ce qui risque d'arriver à sa très belle femme et à son frère. Seul suspense relatif : comment finira-t-il ? A côté, la présentation des conflits nationalistes ou ethniques d'un point de vue différent présente de nombreux intérêts, même si, au final, on n'y apprend pas grand chose, un peu comme dans Farenheit 9/11. Pire : le message final, s'il est destiné à faire réagir (et c'est salutaire), a tout de même du mal à passer.
Titre original
Lord of war
Andrew Niccol
Date de sortie France
4 janvier 2006 avec SND
Musique
Antonio Pinto
Amir Mokri
Blu-Ray M6 (2013) region B en 2.35:1 / 122 min
Fils d'immigrés russes, Yuri Orlov gagne sa vie en vendant des armes au monde entier. Son credo: ne pas se faire descendre par sa propre marchandise. Sa faiblesse: un amour de jeunesse conquis par la force de ses mensonges...