#retraitesoct 24, 2015« Personne n’avait annoncé qu’on raserait gratos demain, parce que ce n’est pas possible », expliquait le secrétaire général de la CFDT sur France Inter, au lendemain de l’accord de principe sur les retraites complémentaires conclu entre le patronat et trois syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC et CFTC). « Si on veut sauver ce système par répartition, il fallait faire cet effort », considère Laurent Berger.
« Personne n’avait annoncé qu’on raserait gratos demain, parce que ce n’est pas possible », expliquait le secrétaire général de la CFDT sur France Inter, au lendemain de l’accord de principe sur les retraites complémentaires conclu entre le patronat et trois syndicats de salariés (CFDT, CFE-CGC et CFTC). « Si on veut sauver ce système par répartition, il fallait faire cet effort », considère Laurent Berger.
A défaut de jouer sur un critère d’âge, les partenaires sociaux incitent les futurs pensionnés à sortir leur calculette
L’effort est certes temporaire. La décote de 10 % sur les retraites complémentaires ne s’appliquera que pendant deux ans, voire trois ans, si le régime ne se porte pas mieux. Mais cette contribution ou « coefficient » de solidarité fera tout de même des perdants. Si les deux conditions pour liquider sa retraite demeurent inchangées (62 ans et 41,5 annuités de cotisation), à partir de 2019, il faudra en revanche cotiser un an de plus pour percevoir sa retraite à taux plein. A défaut de jouer sur un critère d’âge, les partenaires sociaux incitent les futurs pensionnés à sortir leur calculette. Et à travailler plus longtemps. Un diplômé de 24 ans qui commence à travailler dans la foulée devra attendre… 66,5 ans avant de toucher sa retraite complémentaire à taux plein.
Les perdants de l’accord
Si les syndicats de salariés ont obtenu du Medef que cet abattement de 10 % s’arrête à 67 ans (âge auquel tous les salariés toucheront une retraite pleine, même si les annuités requises ne sont pas atteintes), de nombreux retraités vont être pénalisés par la mesure. A commencer par les femmes qui touchent de plus petites retraites que les hommes et qui ont des carrières professionnelles plus courtes.Des inégalités importantes entre hommes et femmes
Ecart de pensions entre hommes et femmes, en % (retraités âgés de 65 à 79 ans)Les salariés en « carrière longue » seront eux aussi concernés par la décote. Mais ces travailleurs qui ont commencé à travailler tôt et qui ont souvent été exposés à des facteurs de pénibilité seront-ils en mesure de rester plus longtemps en poste ? Car pour éviter de perdre trop de pouvoir d’achat, les seniors devront retarder la quille. Avec une carotte à la clé : une surcote, là aussi temporaire, s’ils restent en activité au-delà de 63 ans. Encore faut-il trouver ou garder un boulot. Le défi est à relever du côté du management des entreprises. Un tiers des
60-69 ans ne sont plus en emploi au moment de prendre leur retraite.Les retraités commencent à ressentir durement les conséquences de toutes les réformes passéesCe nouveau tour de vis vient en outre s’ajouter à tous ceux qui les ont précédés. Si l’équilibre financier des retraites (de base et complémentaire) semble assuré à moyen terme, les retraités actuels – et
a fortiori les futurs pensionnés – commencent en revanche à ressentir durement les conséquences de toutes les réformes passées, qui ont essentiellement touché le régime général. Le taux de remplacement (ratio entre le dernier salaire perçu et le montant de la pension) est orienté à la baisse. La dernière livraison du
rapport sur les retraites et les retraités, publié par les ministères des Finances, des Affaires sociales et du Travail, montre pour la première fois une baisse du niveau moyen des retraites à l’âge de 66 ans en 2013.
Les retraites ont commencé à baissé
Retraite moyenne, en euros constantsUne baisse des pensions programméeEt ce n’est qu’un début : selon la Commission européenne, le taux de remplacement pourrait chuter de 51 % du dernier salaire en moyenne en 2013 à 39 % en 2060.
« Cette baisse du niveau relatif des pensions était prévue, organisée dès la réforme Balladur de 1993. Personne n’a rien compris à cette mesure technique qui semblait alors indolore, mais le fait de désindexer les pensions sur les salaires pour les indexer sur l’inflation (qui croit moins vite que les salaires) a, au fur et à mesure de l’écoulement des générations, fait chuter le montant des pensions, au moment de leur liquidation. Cette baisse programmée des pensions permet d’assurer 20 % des besoins en financement des retraites. Les 80 % restants sont le fait du report de l’âge de départ à 62 ans », détaille Gérard Cornilleau.
Une forte baisse programmée des retraites
Taux de remplacement brut en % du salaireLes signataires de l’accord Agirc-Arrco ne s’y sont pas trompés non plus. La mesure est bien moins commentée que l’allongement de la durée de cotisation, mais la décision de sous-indexer les retraites complémentaires d’un point par rapport à l’inflation permettra aux régimes des retraites d’économiser 2,1 milliards d’euros par an.Retour de la pauvretéRésultat de toutes ces réformes qui donnent des coups de canif dans le montant des pensions, la pauvreté risque de faire son retour chez les seniors. Aujourd’hui, c’est souvent le patrimoine financier et immobilier des retraités, supérieur en moyenne de 17 % à celui des actifs, qui fait la différence et permet que leur niveau de vie soit comparable à celui des personnes d’âge actif. Mais il n’est pas sûr, là aussi, que cette situation perdure, prévient le Conseil d’orientation des retraites, notamment parce que les travailleurs actuels n’ont plus les moyens de se constituer un tel matelas.452 000 personnes cumulaient un emploi et leur retraite en 2012, contre 185 000 six ans plus tôtD’ores et déjà, de plus en plus de retraités doivent travailler pour arrondir leurs fins de mois : 452 000 personnes cumulaient un emploi et leur retraite en 2012, contre 185 000 six ans plus tôt, pointe l’Insee. Malgré le durcissement des règles du dispositif du cumul emploi-retraite (les retraités qui travaillent n’acquièrent plus de nouveaux droits à la retraite), ils devraient continuer à être de plus en plus nombreux. Pas étonnant en tout cas que le financement des retraites arrive en tête des préoccupations des Français, devant la maladie (47 % des personnes interrogées lors d’une enquête du Crédoc à la demande de Terra Nova). Une proportion qui a doublé en vingt ans.Péril en la demeure ?Pour autant, les discours alarmistes sur le financement des régimes ne reflètent pas entièrement la réalité. Le grignotage progressif des retraites de base ou complémentaires tous les deux ou trois ans peut donner le sentiment que le système de retraites par répartition est condamné à terme. Pourtant cette idée est trompeuse. Pour Gérard Cornilleau, économiste à l’OFCE et spécialiste des retraites, il n’y a plus vraiment péril en la demeure :
« Avec toutes les réformes des retraites qui ont déjà été faites, on couvre entre 80 % et un peu plus de 100 % du besoin de financement à venir, même en tenant compte du vieillissement de la population. On est dans une situation de quasi-équilibre à long terme. Il n’y a donc pas de raison de prendre de nouvelles mesures drastiques, ni d’inquiéter les populations, en particulier les jeunes, qui pensent souvent, à tort, qu’ils n’auront pas de retraite. »« Avec toutes les réformes des retraites qui ont déjà été faites, on couvre entre 80 % et un peu plus de 100 % du besoin de financement à venir »Après la publication en 1991 du livre blanc de Michel Rocard sur les retraites, pas moins de cinq réformes se sont succédé. Avec au total un report de l’âge légal de départ en retraite de 60 à 62 ans, le passage de 65 à 67 ans pour obtenir une retraite à taux plein (si on n’a pas suffisamment cotisé de trimestres), l’allongement de la durée de cotisation de 37,5 à 41,5 ans puis à 43 ans (entériné par la dernière réforme Ayrault de 2013), l’indexation des rémunérations sur les prix et non plus sur les salaires, la prise en compte des 25 meilleures années de la carrière (au lieu des 10 meilleures) pour le calcul des pensions des salariés du privé et, parallèlement, un durcissement du régime des fonctionnaires et des régimes spéciaux.A l’échéance du milieu du siècle, le choc du départ en retraite des
baby-boomers sera pourtant absorbé et
« notre situation démographique nous distingue d’autres pays, comme l’Allemagne, qui ont des difficultés bien plus importantes : chaque année, il naît 800 000 Françaises et Français, contre un petit peu plus de 600 000 Allemandes et Allemands », conclut l’économiste de l’OFCE. Cette situation démographique équilibrée et les sacrifices déjà consentis se traduisent dans les
prévisions de la Commission européenne: les dépenses consacrées à la retraite devraient baisser à l’horizon 2060 pour représenter 12,1 % du produit intérieur brut (PIB), contre 14,9 % aujourd’hui. Et la France est le pays d’Europe où ce ratio devrait diminuer le plus.
C’est en France que le poids des retraites dans le PIB devrait diminuer le plus
Projections de dépenses de retraite en % du PIB et, entre parenthèses, évolution en points de % entre 2013 et 2060Source :
alterecoplus.fr