Comme Sarkozy en son temps, Hollande semble pris d'une boulimie grandissante de rencontres alors que la campagne du Grand Scrutin de 2017 approche. Il semble partout, sur tous les fronts. Et pourtant il fait le tri des sujets qu'il aborde, ... et des rencontres qu'il évite. Pire, de ses propos on ne retient rien, seulement quelques clichés d'embrassades et de serrages de mains.
Rien n'accroche.
C'est l'abandon. Le découragement peut être.
François Hollande sifflé.
Critiqué par les médias, il multiplie les rencontres avec les journalistes. Ceux qui ne sont pas invités crient à la connivence. Lundi, il laisse Valls animer une "conférence sociale" vidée de son sens faute de propositions et d'échanges. Car Valls a fait retirer les "sujets qui fâchent" pour tenter de convaincre la CGT de venir, ce qu'elle ne fit pas.
Mardi à la Courneuve en Seine-Saint Denis, le président rate son opération de charme. Une centaine d'habitants lancent des slogans hostiles -"Le changement, c’est pour quand ?" La zone est archi-bouclée par les CRS. Les images sont symboliques d'un pouvoir retranché. Pour Hollande, c'est un coup dur, lui qui a toujours eu le courage d'aller dans des banlieues qui effrayaient son rival Sarkozy. Dans une Maison de l’initiative économique locale, il déroule des mesures et des nouveaux crédits. Pour qui suit le traitement politico-médiatique de la vie des banlieues depuis quatre décennies, on a l'impression d'un éternel recommencement.
On n'écoute plus.
Hollande n'est pas allé à Calais. Il a laissé Bernard Cazeneuve, son ministre de l'intérieur, visiter les alentours du bidon-ville de sans-papiers et d'exclus qui s'est constitué sur place. De Calais partent régulièrement quelques vols en jet privé loué par l'Etat pour transférer des sans-papier dans des centres de rétention administratives ailleurs dans le pays. Sur place, Cazeneuve promet des renforts de sécurité pour "décourager" les demandeurs d'asile de venir s'y réfugier. A-t-il seulement compris que ces réfugiés cherchent à quitter les lieux et non s'installer ?
Jeudi, l'actuel président reçoit un autocrate africain, Denis Sassou-Nguesso du Congo. Il lui reconnaît "le droit de consulter son peuple". Lui a-t-il parlé de ces biens mal acquis sur la laquelle la justice française enfin enquête ? Deux propriétés immobilières ont été saisies cet été en région parisienne.
Hollande n'a pas commenté les propos neocons de son premier ministre. Vendredi, devant un club de journalistes, Valls regrette les hausses d'impôts - 58 milliards d'euros sur les ménages depuis 2009. Le "matraquage" fiscal s'est déroulé à part égale entre Sarkozy et Hollande, mais différemment. Le second a frappé plus durement les couches aisées que le premier. Qu'un premier ministre prétendument socialiste désavoue cette politique de redressement fiscal après deux décennies de réduction des impôts des plus riches et du capital a quelque chose de stupéfiant.
Le Figaro, forcément, applaudit.
Partout où il va, Hollande répète la bonne parole: la courbe du chômage va s'inverser ! Elle devrait enfin s'inverser, juste à temps pour l'élection présidentielle, l'an prochain. D'après l'UNEDIC, qui gère l'assurance chômage en France, le nombre de demandeurs d'emploi sans activité (catégorie A à Pôle emploi) devrait baisser de ... 59.000 l'an prochain, une décrue encore anecdotique. En revanche, le nombre de chômeurs à temps partiel lui continuerait sur sa lancée: +159.000 en 2015, +59.000 estimés en 2016.
Le Pen au centre du jeu
Toute la semaine, le landerneau politique s'agite sur la sixième invitation de Marine Le Pen par France 2 dans l'émission Des Paroles et Des Actes, en "prime time", à quelques jours du démarrage de la campagne des régionales. Depuis l'été, la chaîne travaillait avec la présidente du FN au menu des invités et contradicteurs de l'émission. On appelle cela du journalisme français, un curieux mélange de complaisance trouillarde avec les puissants, d'ignorance politique de la vie réelle, et de tropisme bi-partiste.
Nicolas Sarkozy téléphone même à Jean-Christophe Cambadélis, ce premier secrétaire du PS qu'il ne jugeait digne d'être son interlocuteur jusqu'à lors, pour coordonner une éventuelle action devant le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. La chaîne finit par concéder d'inviter deux des rivaux de Marine Le Pen dans le Nord, un candidat socialiste inconnu et Xavier Bertrand. En fin d'après-midi, patatras ! Marine Le Pen se dégonfle et annule sa participation. La nouvelle star des écrans télévisés jugeait "cavalier" qu'on lui impose des contradicteurs.
Cette affaire dépasse le fiasco. L'attitude de le Pen est grand-guignolesque, à la hauteur, très basse, de nos médias nationaux. France 2, comme d'autres, continue de renforcer le tripartisme UMP/FN/PS alors qu'une majorité des électeurs, par l'abstention ou leur vote, les délaisse. LR et le PS couinent par hypocrisie, trop heureux de laisser le FN au centre du jeu.
Car, par calcul politique, l'extrême droite est au centre de la vie politique française. Le match retour Sarkozy/Hollande n'aura pas lieu au second mais au premier tour, face à l'ombre détestable de Marine Le Pen. L'ancien monarque chipe une à une les outrances xénophobes et délires politiques de sa concurrente pour tenter de convaincre ses électeurs. L'actuel locataire de l'Elysée, sentant son bail précaire s'il était jugé sur son seul bilan, rêve d'une réélection à la Chirac 2002, un référendum anti Le Pen qui le propulserait dans les sommets.
Ces calculs ne mènent rien, ou plutôt au pire. Sarkozy valide les pires bêtises de Le Pen dans l'esprit d'une fraction grandissante de l'électorat: islam, immigrés, délinquance, réfugiés, tout est amalgamé. Sarkozy agite les peurs, Le Pen n'a plus rien à faire. Hollande endort les foules.
Drame hystérisé
Un accident de la route, vendredi au petit matin, près de Puisseguin en Gironde. 43 morts, un vrai carnage, des personnes âgées pour l'essentiel qui partaient en excursion; le président qui intervient depuis l'Elysée, les premières critiques contre l'état des routes départementales et la loi Macron qui libéralise le transport en autocar.
Plus tard dans la journée, Hollande file en Grèce. Les créanciers européens y ont aussi dépêchés leurs représentants pour faire pression sur le gouvernement grec afin qu'il facilite les saisies immobilières en cas de non-paiement des traites aux banques.
En Grèce, le protocole d'accueil est d'abord glacial, mais Hollande parvient à se faire ovationner au parlement grec à Athènes. Il est trop heureux de se voir applaudir par une gauche caricaturée en "radicale" il y a à peine 6 mois, qui a échoué provisoirement son combat contre l'Union européenne, la banque centrale et le FMI. En France, Hollande évite évidemment Mélenchon ou son opposition de gauche. Mais en Grèce, il jubile.
"François a été une des personnes qui m’ont convaincu que je me devais d’accepter un compromis difficile" explique publiquement Alexis Tsipras. Le premier ministre grec n'a plus que cet allié en Europe. Et la politique est une affaire d'alliances. Sur place, Hollande a encore répété qu'il n'était pas favorable à une annulation même partielle de la dette grecque.
Avec des alliés comme cela...