À l’instar des tomes précédents, celui-ci reprend des histoires de différentes longueurs, allant de trois cases à quelques pages. Chacune offre un plongeon mélancolique dans le monde de l’enfance et invite à découvrir les fantasmes, les rêves et le regard critique de ce petit bonhomme sur le monde des adultes et sur la société en général.
Calvin est un véritable petit génie ! Dans ce tome, sa boîte en carton ne sert plus à voyager dans le temps ou ne fait plus uniquement office de transmutateur, mais s’est transformée en duplicateur. Avec sa nouvelle invention, Calvin va pouvoir créer des doubles pour faire ses devoirs et ranger sa chambre… et tant pis pour les questions d’éthique et pour son entourage… qui voit également le nombre de bêtises se multiplier. Notre brillant ami va également être victime d’une gravité personnelle inversée et grandir au point de venir trop grand pour la planète… ce qui permet à Bill Watterson de s’amuser un petit peu au niveau du remplissage des cases.
Et… ce que notre ami n’a pas le temps d’inventer ou de construire, comme des missiles nucléaires à tête chercheuse, il le met tout simplement sur sa liste de Noël. À l’approche des fêtes, il fait d’ailleurs attention à ne pas être trop méchant car il doit s’assurer que le Père Noël lui apportera bel et bien des cadeaux. Et oui, c’est à nouveau l’hiver, période que Calvin affectionne particulièrement. Pas seulement car cela lui permet de balancer des boules de neige dans la tronche de Susie Derkins, sa petite voisine et souffre-douleur attitrée, mais également car cela lui donne l’occasion d’effectuer des descentes périlleuses en luge à la recherche d’une poussée d’adrénaline. Et puis, il y a également moyen d’être très créatif avec de la neige, comme en témoigne son splendide « musée des horreurs des bonhommes de neige ». Ah, qu’il fait bon d’être enfant quand il neige ! Enfin, sauf quand on s’appelle Susie Derkins bien évidemment et qu’on a Calvin comme voisin. La petite va de nouveau en voir des vertes et des pas mûres, enfin, surtout des blanches et des bien froides. Elle n’est d’ailleurs pas la seule dans la ligne de mire de notre ami car l’unique baby-sitter acceptant encore de le garder est également au rendez-vous. Si Rosaline n’a pas oublié sa dernière visite, où Calvin menaçait de jeter ses cours dans la toilette, elle ne risque pas d’oublier celle-ci non plus…
« – Que fais-tu encore au lit ?! Je t’ai appelé trois fois! Tu vas rater le bus !
– C’est l’idée. Je reste au lit jusqu’à Noël. Je veux des tonnes de trucs cette année, et mes chances d’être sage seront supérieures si je ne me lève pas.
– Désobéir à sa mère et louper son bus, ce n’est pas bien. C’est mal!
– Quoi que je fasse, ce fichu Pere Noël me tient. »
Mais tout n’est pas que joie et bonheur quand il neige, car après le camping en famille où les piqûres de moustiques et la diarrhée forgent le caractère, le père a maintenant la bonne idée de proposer une petite balade dans la neige par -40°C (dixit Calvin). Et oui, l’hypothermie et les engelures, c’est également très bon pour le caractère. Le lecteur a donc de nouveau droit à quelques récits centrés sur la famille, notamment celles où le père de Calvin n’a besoin que de trois cases pour donner des réponses farfelues aux questions innocentes de son fils. Et oui, Celvin, n’est pas le seul petit génie de la famille, comme en témoigne l’explication scientifique du père concernant les vieilles photos en noir et blanc.
L’imagination débordante de Calvin ne sert pas qu’à faire avancer le progrès, mais également à se transformer en Spiff le Spationaute, le temps d’un ballon prisonnier au cours de gym, ou en Hyperman pour détruire l’école afin de ne pas devoir faire ses devoirs. Et lorsqu’une équation devient trop compliquée pour notre petit génie, il se métamorphose en Balle Traçante, un détective privé qui n’a pas peur de mener l’enquête pour trouver la solution à n’importe quel mystère. J’ai particulièrement adoré ce gag-là d’ailleurs.
Si la puissance comique de ces strips atteint des sommets, l’humour est également souvent d’une telle sophistication que plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Au-delà de la simplicité apparente de ces gags burlesques se cache en effet un autre niveau de lecture, plus adulte, qui mêle critiques acerbes, réflexions intelligentes et cynisme ravageur. Les noms des personnages faisant respectivement référence à Jean Calvin et à Thomas Hobbes, le lecteur ne s’étonnera d’ailleurs pas de croiser quelques considérations philosophiques. Calvin fait ainsi souvent preuve d’une philosophie assez touchante, notamment lorsqu’il s’interroge sur la vie après la mort et sur notre rôle sur Terre… est-ce pour nourrir les tigres ou pour regarder la télé que nous sommes là ? L’auteur en profite également pour critiquer la disparition de certaines espèces animales à cause de l’homme…
« Parfois je pense que la meilleure preuve qu’il existe des formes de vie intelligente quelque part dans l’univers, c’est qu’aucune n’a essayé de nous contacter. »
Au menu de ce neuvième volet, il y a bien évidemment aussi les gags récurrents concernant les monstres sous le lit ou le bond de Hobbes lorsque Calvin rentre à la maison. Le lecteur a également droit à une nouvelle réunion du club top secret du D.E.F.I. (Dégagez Enormes Filles Informes) et au méchant Moe, qui vole le camion préféré de Calvin à l’école.
Parlons finalement de l’empathie inévitable envers ce duo éminemment sympathique, qui émeut lors de l’ouverture des cadeaux de Noël et qui attendrit le temps d’un câlin devant le feu ouvert. Ce gamin doté d’un sens de la répartie incroyable est particulièrement attachant et l’idée de donner vie à une peluche dans son imaginaire est tout bonnement brillante. Cela résulte non seulement en une complicité incroyable entre les deux, mais permet surtout de donner vie à l’imaginaire de l’enfant. Ensemble, ils vivent des aventures mêlant absurde, tendresse, drôlerie, nostalgie et justesse.
Visuellement, le dessin de Bill Watterson est d’une grande simplicité, mais ces visuels aux décors quasi inexistants permettent de mettre l’accent sur les personnages et sur des textes d’une finesse rare. Il faut un talent énorme pour parvenir à partager des tranches de vie en seulement trois cases et pour pondre des gags purement visuels sur base de postures ou d’expressions.
J’adore !