Deux personnes sont mortes. Si une manifestation n’avait pas bloqué l’autoroute, il est possible que ces deux personnes soient toujours en vie. La presse en fait grand cas, condamnant de facto la dite manifestation. Et par là, tous les mouvements syndicaux. La mort de ces personnes est dramatique. Peut-être la responsabilité des grévistes manifestants est-elle engagée. Mais s’arrêter à celle-ci serait plus qu’un peu court.
Finalement, ce qui est regrettable, c’est l’attitude des syndicats qui – surtout dans un premier temps – ont cherché avant tout à minimiser l’impact possible du blocage de l’autoroute et surtout à reporter la « faute » sur l’hôpital qui n’aurait même pas été capable de prévoir une doublure au chirurgien. C’est dans ce déni de responsabilité que les syndicats perdent surtout leurs plumes. Manque d’empathie et de prise de recul. Dommage.
Pour le reste, il est évident qu’il faudrait avant tout se poser la question sur les raisons qui amènent des travailleurs à manifester de manière violente leur colère face à ce que les patrons et les politiques leur font subir. Que ce soit dans ce blocage d’autoroute, mais aussi dans la destruction d’une chemise d’un responsable des ressources humaines français ou encore dans le chemin inéluctable qui conduit un père de famille à tuer ses trois enfants, sa femme et lui-même… Tous ces événements ne sont pas anodins. Ce ne sont pas des faits divers. Ils témoignent, chacun à leur manière, de la détresse dans laquelle se trouvent des milliers de personnes qui se sentent ignorées, jetées, refoulées par le système et ses décideurs.
La violence est – pour moi – toujours inacceptable. Comme Isaac Asimov l’a écrit dans le Cycle de Fondation, « la violence est le dernier refuge de l’incompétence ». Réduire la violence aux actes de travailleurs exacerbés et méprisés serait cependant une erreur fondamentale et, à vrai dire, elle-même violente. La première violence est celle de ceux qui décident – en raison de leur seul profit - d’exiger toujours plus des travailleurs en offrant à ceux-ci de moins en moins de moyens pour s’épanouir. La première violence est celle de ceux qui décident – en raison d’impératifs théoriques et idéologiques – de priver des citoyens des maigres moyens de subsistance dont ils disposent en ne leur offrant comme seule perspective d’avenir que la rue. La première violence est celle de ce monde qui ne connaît que quelques mots : croissance, individualisme, repli sur soi, mépris, productivité, libéralisme…
La mort de ces deux personnes est dramatique, comme toute mort. La mort sociale et économique de millions de sous-citoyens, même si elle se fait à petit feu, l’est bien plus encore. On ne peut l’oublier, même si les médias n’en feront pas leur Une. Malheureusement.