Cela fera un an le 26 octobre que Rémy Fraisse est mort, tué par la grenade offensive d’un gendarme à Sivens. Mais ce 26 octobre ci, je ne serai pas là, puisque je me déconnecte pendant quelques jours pour aller me reposer près de la baie de Somme, et visiter la Picardie. Alors je consacre mes derniers moments à cette nécessaire mémoire. Je me souviens qu’alors, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a aussitôt tenté de minimiser les erreurs des forces de l’ordre, et a mis bien du temps à déplorer cette mort, du bout des lèvres. Nous sommes nombreux à en vouloir durablement à Bernard Cazeneuve, dont l’attitude n’était pas appropriée à cette tragédie mortelle. Le ministre de l’intérieur en effet privilégié la protection des gendarmes plutôt que la mort d’un jeune homme, militant écologiste nullement violent. Car cette mort était évitable, si le ministre n’avait pas choisi la brutalité de l’affrontement plutôt que l’apaisement, et si des erreurs stratégiques majeures évidentes n’avaient été commises :
Selon la journaliste Louise Fessard, dans l’après-midi, plusieurs centaines de policiers antiémeutes sont présents sur le chantier, malgré la promesse du préfet : un policier syndiqué s’étonne de cette présence alors « qu’il n’y avait ni risque ni d’atteinte aux biens ou aux personnes » ;
Un an plus tard, cette attitude des autorités visant à faire oublier cette histoire, à minimiser l’action néfaste des forces de l’ordre, à affaiblir l’enquête, et en un mot à faire table rase du passé pour que l’on n’en fasse pas dans l’imaginaire collectif militant un crime d’Etat, se poursuit actuellement.
Pour l’essentiel, les gendarmes n’ont pas enquêté sur les faits, mais sur le climat qui régnait sur la ZAD (zone à défendre) du projet de barrage de Sivens dans les semaines qui les ont précédés – dont la violence justifierait la réplique de la nuit du 25 au 26 octobre – et sur la personnalité de la victime – totalement et irrémédiablement pacifique.Et oui, c’est pas de bol pour la thèse officielle, Rémi n’était pas l’un de ces mythiques Blacks Blocs ultra-violents que se complait à décrire la légende politico-médiatique… terriblement orientée. Constatant à quel point l’enquête est au point mort, les parents du jeune homme viennent de lancer un appel à témoins dans le journal Le Monde. Ils y racontent comment leur fils a été traité sur l’instant, et les mensonges : « ils le traînent comme un chien sur plusieurs dizaines de mètres, sa tête rebondit sur le sol. Les médias parlent d’un corps retrouvé dans la forêt ! ». Leur demande est simple, naturelle, légitime :
Les gendarmes mobiles ont utilisé contre nos enfants de France des armes qui tuent, grenades de guerre inventées pendant la guerre de 1914-1918. Elles avaient pourtant déjà tué le militant écologiste Vital Michalon quarante ans plus tôt. Pourquoi ?
Si nous ne nous bougeons pas les fesses, collectivement, durablement, et massivement, il y a fort à parier que l’instruction de ce dossier traînera en longueur, des moyens ne lui seront pas donnés, et ce jeune homme tombera dans l’oubli sans l’hommage qui lui est dû, ni le moindre Méa Culpa des « hautes autorités de l’Etat »…
La crainte du non-lieu. Des conclusions qualifiées de « mensonges » par la défense de la famille, qui dénonce une tentative de dissimulation par la hiérarchie et le gouvernement.C’est insupportable et indigne. Et, cerise sur le gâteau moisi de ce triste anniversaire, marqué par une stèle posée sur le lieu du drame dans la nuit de lundi à mardi dernier, on apprend qu’une marche en hommage à Rémy, prévue ce dimanche a été interdite par la maire de Lisle sur Tarn. Cette dernière craint en effet des débordements suite aux provocations difficilement compréhensibles, et des menaces devant l’autorité de l’Etat qu’est le Préfet (!!!) qui me sont tout à fait insupportables, de la FDSEA :« Lors de la réunion en préfecture, la Fdsea a déclaré ne pas exclure de mener des actions en dehors du cadre légal »