SOS Education milite activement pour la valorisation des filières professionnelles d’enseignement et la reconnaissance de l’égale dignité entre les métiers manuels et les métiers intellectuels. Dans ce sens, nous avons eu récemment un échange avec le Fonds national de promotion et de communication de l’Artisanat, en la personne de son directeur, Antoine Monnin. L’éducation est au cœur de ses préoccupations ! Interview.
SOS Education : Pourriez-vous nous présenter le Fonds national de promotion et de communication de l’Artisanat que vous dirigez ?
Antoine Monnin : Le FNPCA est un établissement public créé en 1997 qui a pour origine une demande des représentants de l’Artisanat qui estimaient qu’il y avait un déficit d’image à combler. D’où l’idée de créer des campagnes de promotion pour faire découvrir le secteur- plus de 800 000 entreprises en France (à l’époque car aujourd’hui l’Artisanat compte 1 200 000 entreprises)- et ses capacités en termes d’emplois et de formations. C’est ainsi que le slogan « L’Artisanat première entreprise de France » est né.
SOS : Avez-vous une communication dédiée à un public jeune ou à des jeunes en formation qui pourraient s’orienter vers une carrière dans l’Artisanat ?
A.M. : Nous nous employons en effet à faire découvrir le secteur et les métiers aux jeunes, ainsi que les formations professionnelles possibles. Toute cette communication à destination des jeunes nécessite également un travail de conviction à fournir à la fois auprès des parents et auprès des professeurs car le principal adversaire de l’artisanat est que dans notre pays, les métiers dits « manuels » sont encore déclassés et dévalorisés par rapport à ceux issus d’une filière d’enseignement général.
Mais l’on constate un regain d’intérêt pour les métiers de l’Artisanat. De plus, nous sommes en période de crise, ce qui est aussi à nos yeux synonyme d’opportunités nouvelles. L’Artisanat doit apparaitre comme une des solutions possibles face à cette crise, au chômage et au déficit de formation chez les jeunes.
Nous travaillons depuis 2006 avec le programme des « artimobiles » : des voitures équipées de matériel informatique sillonnent la France à raison de deux tournées par an pour visiter 4 collèges par département. Pendant toute la journée de visite, des élèves de la 5ème à la 3ème sont invités à venir découvrir les débouchés possibles vers les métiers de l’Artisanat. La prochaine tournée aura lieu du 2 novembre au 11 décembre.
Les « Artimobiles » sillonent les collèges de France depuis 2006
De plus, depuis 2013, notre signature de campagne « Nous avons tous une bonne raison de choisir l’artisanat » joue sur la double signification du verbe « choisir ». Il s’adresse à la fois au consommateur et aux jeunes qui peuvent choisir la voie de l’artisanat comme chemin professionnel.
SOS : Comment analysez-vous la mauvaise image de la formation professionnelle en France alors que le choix de l’apprentissage est très valorisé dans d’autres pays d’Europe ?
A.M. : Les mentalités évoluent doucement mais il y a encore du chemin à faire lorsqu’on évoque les formations professionnelles chez les jeunes en France. On en a une mauvaise image car cela a souvent été considéré comme une formation choisie par défaut.
SOS : Que faudrait-il faire pour que cela change ?
A.M. Ce n’est pas du tout évident de changer les mentalités mais nous y travaillons en mettant en avant ce que sont les réalités de ces métiers et des gens qui les exercent. À nos yeux, il vaut mieux un bon boulanger qu’un étudiant en en déshérence ! Il sera beaucoup plus utile à la société et sans aucun doute beaucoup plus heureux.
Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes apprentis inscrits dans des CFA sont titulaires d’un Bac + 2. Donc l’image de l’apprenti change aussi, ce n’est plus forcément celle de l’élève qu’on a rejeté du système scolaire. On observe aussi un phénomène grandissant : celui des reconversions professionnelles vers le monde de l’Artisanat.
Jean Paul Mongin, délégué général de SOS Education, et Antoine Monnin, directeur du FNPCA
SOS : Comment voyez-vous le recul de l’âge où les jeunes pouvaient rentrer en formation professionnelle, le passage de 14 à 16 ans ?
A.M. : A titre personnel, je ne crois pas que ce soit un problème d’âge. Sur le plan du choix professionnel, on peut être très mûr à 14 ans comme on peut ne pas l’être à 16 ans.
À mon avis, les modalités d’accès ou de retrait à l’apprentissage devraient être beaucoup plus souples : c’est plus important que de verrouiller l’âge d’entrée du jeune. C’est donc plutôt dans la fluidification de la relation contractuelle entre l’apprenti et l’artisan que la solution de la réussite se trouve.
SOS : Vous évoquiez les parcours de ces trentenaires ayant fait des études supérieures et qui se sont reconvertis. Avez-vous le sentiment que cette excellence dans le domaine du travail manuel est suffisamment valorisée dans le système éducatif ?
A.M. : Dans les mentalités il y a un retour à la volonté de plus de tradition et d’authenticité. L’excellence des métiers manuels en fait partie. Mais il y a encore bien des efforts à faire du côté du système éducatif, pour que les filières manuelles soient perçues comme des filières d’excellence !