Dark Eyes m’avait fait l’effet d’un violent uppercut dans l’estomac et a provoqué une crise de mono-écoute durant des mois. La voix particulière de Devon, ces percussions tribales, l’influence radioheadienne, les montées instrumentales qui arrivent de nulle part quand tu écoutes pour la première fois. Et surtout la folie en live.
Il n’y avait pas une chanson que je n’aimais pas sur Dark Eyes. Et cet album m’a accompagné pendant plus de deux ans. Alors, quand ils sont retournés en studio pour façonner le deuxième bébé, j’avais très peur. Vraiment très peur. J’ai entendu quelques histoires comme quoi ça n’allait pas très bien entre les membres du groupes et que possiblement, cela ne pouvait être qu’un one shot. Les histoires intestines, je m’en cogne.
Et puis, l’annonce. Il y aurait bien un deuxième album.
Il y a eu « Trust ». L’étrange « Trust » qui ne ressemblait à rien de connu chez HMR. Des synthés à outrance. Du Phoenix, pas du Half Moon Run. Le changement de registre était très violent. Mais heureusement, ce titre est l’ovni de Sun Leads Me On. Il clôt l’album, on dira que c’est la chanson de décompression, celle où tu mets tout et n’importe quoi, pour faire la fête après une journée compliquée. Le reste de l’album ? Il est déroutant. Parce qu’il n’y a pas d’homogénéité, pas de cohérence, aucune chanson ne se ressemble. Varier les plaisirs. Voilà ce qu’ont fait les garçons d’Half Moon Run. Varier les genres, les styles, les influences. Bien sûr, il reste encore la batterie tribale exquise et la touche Radiohead (« Turn Your Love »), mais on les retrouve aussi sur d’autres chemins plus escarpés. Sur « Warmest Regards », un ovni, on marche plutôt dans la catégorie folk de Nashville, ou même folk tout court avec « Devil May Care » qu’un Bob Dylan des années 1970 n’aurait pas renié. Half Moon Run n’oublie pas sa marque de fabrique : les harmonies planantes, présentes notamment sur le magnifique titre « Narrow Margins », sur la balade « Sun Leads Me On » ou encore l’atmosphérique « Everybody Wants ». À côté de ce joyeux bazar musical qui n’est pas pour nous déplaire, les Canadiens osent aller à l’encontre de leur côté indie-folk harmonieux pour un rock plus frénétique, notamment sur « Consider Yourself » ou encore « It Works Itself Out ».
Bref, il faudra plusieurs écoutes pour que les fans de la première heure comprennent où Half Moon Run veulent les emmener : sur un chemin escarpé, certes, mais lumineux. Ne pas se prendre la tête, faire ce qu’on a envie, ne pas avoir peur de demain. C’est d’ailleurs le message qui ressort de la plupart des chansons. On veut bien les croire.
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