Le ministère de l'écologie a ouvert une consultation publique sur le projet de décret "portant diverses dispositions relatives au livre V du code de l'environnement". A noter : l'article 14 de ce projet de décret définit un délai de caducité du bénéfice des droits acquis à pouvoir exploiter un parc éolien sur le seul fondement d'un permis de construire obtenu avant l'entrée en vigueur du classement ICPE.
Pour mémoire, un décret n°2014-450 du 2 mai 2014 a, notamment, précisé les conditions de calcul et de suspension du délai de caducité de l'autorisation d'exploiter au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement.
Depuis lors, un débat semble avoir existé sur le point de savoir s'il convenait de définir un délai de caducité pour la "déclaration d'antériorité" par laquelle l'exploitant d'un parc éolien informe le Préfet que son installation pourra être exploitée sur le seul fondement d'un permis de construire, dés l'instant où le classement ICPE ne lui était pas encore opposable.
Il convient en effet de rappeler qu'à la suite de l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2010 classant les éoliennes dans la police des ICPE, certains parcs ont pu être mis en service sans autorisation ICPE. Les conditions d'exercice de ce "droit d'antériorité" ont été fixées à l'article L.553-1 du code de l'environnement :
" Sans préjudice des dispositions de l'article L. 513-1, les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2, ayant fait l'objet de l'étude d'impact et de l'enquête publique prévues à l'article L. 553-2, dans sa rédaction en vigueur jusqu'à la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et bénéficiant d'un permis de construire, peuvent être mises en service et exploitées dans le respect des prescriptions qui leur étaient applicables antérieurement à la date de leur classement au titre de l'article L. 511-2.
Les installations visées au premier alinéa sont, à cette date, soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application. L'exploitant de ces installations doit se faire connaître du préfet dans l'année suivant la publication du décret portant modification de la nomenclature des installations classées. Les renseignements que l'exploitant doit transmettre au préfet ainsi que les mesures que celui-ci peut imposer afin de sauvegarder les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 sont précisés par décret en Conseil d'Etat.Les demandes déposées pour des installations avant leur classement au titre de l'article L. 511-2 et pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris sont instruites selon les dispositions qui leur étaient antérieurement applicables. Au terme de ces procédures, les installations concernées sont soumises au titre Ier du présent livre et à ses textes d'application. (...)."
La question est restée posée de savoir si ce bénéfice du droit d'antériorité est susceptible d'être l'objet d'un délai de caducité. Et, par conséquent, s'il est nécessaire de demander une prorogation du délai de caducité de trois ans à compter de la déclaration d'antériorité d'un parc éolien.
L'Etat s'apprête à prendre position en définissant un régime de caducité, non pas d'une quelconque autorisation - et pour cause puisque les installations éoliennes concernées sont entrées dans la police des ICPE sans autorisation - mais du "bénéfice des droits acquis". Ainsi, à côté du régime de caducité des autorisations administratives, apparaît le régime de caducité du "bénéfice des droits acquis".
Ce "bénéfice des droits acquis" à ne pas avoir à déposer une autorisation d'exploiter ICPE si le permis de construire a été obtenu avant entrée en vigueur du classement, sera prochainement frappé d'un délai de caducité.
En somme, l'administration entend rendre plus rares les cas de construction et d'exploitation d'un parc éolien sur le fondement d'un seul permis de construire.
Si le projet de décret, actuellement soumis à consultation, est publié dans sa version actuelle, son article 14 aurait alors pour effet de donner la rédaction suivante à l'article R.553-10 du code de l'environnement :
"I. - Le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 512-74 peut être prorogé dans la limite d'un délai total de dix ans, incluant le délai initial de trois ans, par le représentant de l'Etat dans le département, sur demande de l'exploitant, en l'absence de changement substantiel de circonstances de fait et de droit ayant fondé l'autorisation ou la déclaration, lorsque, pour des raisons indépendantes de sa volonté, l'exploitant n'a pu ne peut mettre en service son installation dans ce délai, le cas échéant après prorogation de l'enquête publique en application de l'article R. 123-24.
La prorogation de l'enquête publique mentionnée à l'alinéa précédent est acquise si aucune décision n'a été adressée à l'exploitant dans le délai de deux mois à compter de la date de l'avis de réception de la demande par le représentant de l'Etat dans le département.
II. - Pour les installations mentionnées au premier et au quatrième alinéa de l'article L. 553-1, le bénéfice des droits acquis est soumis aux règles de caducité prévues au R. 512-74 et au I du présent article dans les conditions suivantes :
- le délai de mise en service de trois ans court à compter du 1er janvier 2016 ou à compter de la date de notification à son bénéficiaire du permis de construire cité à l'article L. 553-1 si celle-ci est postérieure au 1er janvier 2016 ;
- le délai de mise en service n'excède pas 8 ans, y compris dans le cas de la prorogation prévue au I du présent article ;
- le délai de mise en service est suspendu jusqu'à la notification à l'auteur de la décision administrative ou à l'exploitant, d'une décision devenue définitive en cas de recours contre le permis de construire cité à l'article L. 553-1, devant la juridiction administrative ;
- le délai de mise en service est suspendu jusqu'à la notification à l'auteur de la décision administrative ou à l'exploitant, d'une décision devenue irrévocable en cas de recours contre le permis de construire cité à l'article L. 553-1, devant un tribunal de l'ordre judiciaire en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme. " ;
III. - En vue de l'information des tiers, la décision de prorogation du délai de mise en service prévue par le présent article fait l'objet des mesures de publicité prévues au 2° et au 5° du R. 512-39.
Dans le cas où la décision demandée est acquise implicitement, la demande fait l'objet des mesures de publicité en lieu et place de la décision selon les dispositions prévues à l'article 22 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000."
Si ces dispositions sont publiées en l'état :
1. Délai de mise en service : l'exploitant d'une éolienne qui a bénéficié du droit d'antériorité devra la mettre en service dans un délai de trois ans à compter, non de la déclaration d'antériorité - ce qui n'aurait pas eu grand sens - mais du 1er janvier 2016
2. Prorogation : le délai de mise en service ne peut excéder 8 ans, prorogation comprise
3. Suspension : le délai de mise en service est suspendu en cas de de recours contre le permis de construire (devant le juge administratif ou à l'occasion d'une action en démolition devant le juge judiciaire)
ConclusionLe bénéfice des droits acquis pour une éolienne qui a pu régulièrement l'objet d'une déclaration d'antériorité est donc frappé de caducité au bout de trois ans à compter du 1er janvier 2016. En cas de prorogation : au bout de huit ans. Peu de parcs devraient donc être affectés par cette mesure. En cas de dépassement du délai de caducité, le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation unique ou d'autorisation d'exploiter ICPE et d'un permis de construire, sera exigé.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement Avocats