Barack Obama est désormais le candidat démocrate. Après avoir repris ses esprits et négocié l’épongement de sa campagne, Hillary Clinton a prêté allégeance. Sans équivoque, elle soutient Obama et enjoint ses troupes à la suivre. Dans un discours de belle facture, elle parle de lui en termes élogieux, avoue qu’il incarne le rêve américain, un espoir d’égalité et de solidarité. Fermer le ban. L’avenir nous dira si elle assistera simplement à la lutte ou si elle en sera partie prenante avec une position de vice-présidente. Il est certain qu’une alliance sera particulièrement redoutable.
Nous sommes donc parvenus à la seconde phase de l’élection. C’est le moment de dresser le portrait de chacun des deux candidats. Commençons par celui d’Obama. Vous aurez compris qu’il a ma préférence.
Notre homme n’est pas sorti du chapeau en octobre dernier. Il ne vient pas d’entrer en politique, il n’est pas qu’un fruit médiatique forcé dans sa maturation. L’histoire est longue. Né le 4 août 1961 (buffle / Lion, pour nos amis astrologues : sacré caractère !), de mère américaine et de père Kenyan. Le grand-père maternel, Stanley Dunham, est une petite frappe, grandie dans un bourg dans l’état du Kansas, El Dorado. Un peu de prison, un peu mauvais garçon, grand-père Dunham se sent à l’étroit dans cette ville paumée sur les grandes plaines du Middle-West. Pour échapper à son destin, il prend la route : la Californie d’abord, puis Seattle, et enfin Hawaii ! Là naît sa fille, Shirley Ann Dunham, future maman de B.O. De ce grand-père très « Doolittle », Obama ne parle pas. De la ville d’El Dorado, la mal nommée, il dit simplement « Ces villes où l’on sait déjà, au jour de sa naissance, que l’on va y mourir, et où l’on connaît déjà son fossoyeur ». Chouette patelin.
À 12 000 kilomètres plus à l’Est, au Kenya, un autre grand’pa, Hussein Onyango, quitte son village, poussé par les mêmes aspirations. Insatisfait du destin qui s’ouvre, il est attiré par le mode de vie urbain des colons. Il l’adopte puis s’engage dans l’armée Anglaise, comme cuisinier. Parmi ses fils, Barack Hussein Obama Senior (1936-1982) décroche une bourse et poursuit des études d’économie… à Hawaï ! Les parents de BO se rencontrent sur le campus. Shirley Ann épouse Barack Hussein en 1960. En août de l’année suivante, un petit junior, Barack Obama, naît à Hawaï. Mais le couple ne tient pas : l’enfant a deux ans lorsque le divorce est prononcé. Sa mère épouse en secondes noces un Indonésien, et part vivre là-bas pendant 4 ans. Le petit Barack la suit. Ce mariage ne dure guère. Shirley Ann revient à Hawaii et entreprend des études d’anthropologie, qui lui donne à nouveau l’occasion de partir en Indonésie pour ses recherches. Elle demande alors à son fils, âgé de 13 ans, s’il souhaite l’accompagner. Barack choisit cette fois de rester avec sa grand-mère, à qui il dit devoir son éducation et toute sa réussite. Pendant ce temps, Barack père rentre au Kenya, la « modernité » dans la peau. Il travaille pour le gouvernement, se remarie et fonde famille. Vite, cette nouvelle vie se délite : problèmes conjugaux, désillusions face à l’inertie de la société Kenyane, haine du tribalisme, l’alcoolisme pour anti-dépresseur : il meurt seul et désargenté dans un accident de voiture, en 1982.
Il a très vite la conviction d’être mu par un destin personnel : ses racines croîtront là où il aura décidé de s’installer. Son patriotisme à lui trouve son expression dans cette détermination, dans cette quête d’identité résolue, dans l’amour choisi de l’Amérique. Il étudie en Californie, puis à New York, et à Chicago où il organise un réseau d’entraide dans les quartiers défavorisés. En 1987, il entre à Harvard. Diplômé de droit en 1990, avec les honneurs. De retour à Chicago, il entre dans le cabinet d’avocat où travaille Mademoiselle Michelle Robinson. Ils se marient en 1992 : les racines poussent vite dans le brave sol du Michigan…
Ce qui fait la force de BO auprès de
- certaines minorités -pour qui le seul exemple de sa vie constitue un signe-,
- des jeunes -proches de cet homme de 47 ans aux idées larges-
- et des intellectuels -soucieux de redonner du sens aux valeurs américaines par l’ouverture et non le repli-,
fait sa faiblesse auprès de ses ennemis politiques. Les milieux néo-conservateurs ne manquent pas de « placer » en toutes occasions son deuxième prénom, Hussein, et de faire rimer Obama avec Oussama (!). Bassesses qui ne font que commencer… Ailleurs, on frémit à l’idée qu’un demi-américain prenne les rènes. Sur la génération qui a vécu la ségrégation, les origines africaines ne payent pas… Les républicains inquiètent l’opinion en faisant aussi de Barack un ennemi d’Israël, un candide qui croit à la bonne foi de l’Iran. Enfin, n’ayant jamais fait son service militaire, Barack « l’anti-guerre en Irak » est souvent taxé de manque de patriotisme face à Mc Cain, héros de la guerre du Vietnam. Enfin, ses détracteurs en font un Mister « hope » qui ne trouvera pas les solutions concrètes de la relance.
Porté par un destin supérieur ? L’avenir le dira, mais BO se place dans la lignée de la présidence d’Abraham Lincoln (abolition de l’esclavage et réconciliation après la guerre de Sécession), dans celle de Kennedy (jeunesse, espoir, changement, bascule générationnelle et sociétale), et Clinton (position médiatrice sur la scène géopolitique, partisan de l’ouverture et de la concorde). Bref, Barack Obama pourrait être le premier Président du XXIe siècle.
L’âne et l’éléphant par French Fry