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[Critique] RETOUR VERS LE FUTUR 2

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] RETOUR VERS LE FUTUR 2

Titre original : Back To The Future – part 2

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Robert Zemeckis
Distribution : …
Genre : Science-Fiction/Fantastique/Comédie/Suite/Saga
Date de sortie : 20 décembre 1989

Le Pitch :
À peine revenus de leur périple en 1955, Marty et sa fiancée Jennifer suivent à nouveau le Doc à bord de la DelLrean pour se rendre cette fois en 2015, afin de sortir leur futur fils d’une mauvaise passe. Hélas, Biff Tannen va s’emparer de la voiture à voyager dans le temps et revenir jusqu’en 1955 pour établir un nouveau continuum espace-temps où il obtiendra enfin sa revanche envers la famille McFly…

La Critique :
Lorsqu’en 1989, Robert Zemeckis et Bob Gale, les créateurs de la saga Retour vers le Futur propulsaient Marty McFly et Doc Brown dans le futur le 21 Octobre 2015, ils ne s’imaginaient probablement pas que les fans rendraient hommage à la trilogie 26 ans plus tard à la date fatidique.
Universal a d’ailleurs anticipé l’événement en ressortant les films dans une énième édition blu-ray, tandis que des cinémas du monde proposeront des projections spéciales des films dans le courant de la semaine. La presse généraliste s’est elle-même faite écho de cette commémoration particulière, la plupart des articles sur le net se bornant toutefois à comparer la vision futuriste du 2015 du film et la réalité de notre époque. Nous ne reviendrons donc pas sur ce sujet.

Retour vers le Futur 2 reprend là ou l’épisode précédent s’arrêtait… et nous ferons de même avec notre analyse de la saga. Nous nous focaliserons sur l’évolution des personnages principaux et certains aspects spécifiques du scénario, mais ferons l’impasse sur les coulisses de la production qui ont déjà fait l’objet de nombreux articles (et de sites dédiés) sur la toile.
Nous avions quitté Marty et Jennifer en 1985 alors qu’ils s’apprêtaient à partir camper au lac dans le 4×4 familial fraîchement acquis. Le Doc débarquait à bord d’une DeLorean volante et les convainquait de l’accompagner dans le futur (le 21 Octobre 2015 donc) afin de tirer leur fils d’une mauvaise passe judiciaire. Malgré ce démarrage sur les chapeaux de roue, il convient d’appuyer sur « Pause » pour y regarder de plus près :

Même si cette introduction semble reprendre les images du premier film, il n’en est rien. La scène a été entièrement retournée à l’exception d’un ou deux plans de coupes. La raison en est simple : le remplacement de l’actrice interprétant Jennifer. Exit Claudia Wells engagée sur d’autres projets (sa peu glorieuse filmographie laisserait plutôt supposer que la production doutait de son potentiel pour reprendre un rôle plus étoffé dans cette suite). C’est Elizabeth Shue, vue précédemment dans la première réalisation de Chris Columbus, Nuit de Folie qui se glisse dans la peau du personnage. Bien que les deux actrices ne se ressemblent pas du tout, chaque plan de la fin du premier Retour vers le Futur est reproduit ici au millimètre et au lumens près, préfigurant déjà le goût de Zemeckis pour la reconstitution et la manipulation d’images d’archives dans Forrest Gump. Un exercice qui se poursuivra également dans le second acte qui amènera Marty à revisiter les lieux et l’action du premier film en 1955.
Si le remplacement de Claudia Wells par Elizabeth Shue ne saurait tromper les spectateurs attentifs, un autre changement plus subtil intervient dès cette scène d’introduction : Crispin Glover, l’interprète de George McFly, brille par son absence au générique ! Le personnage apparaît pourtant bel et bien à l’écran, mais hormis un plan repris du premier film ou l’on voit George et Lorraine (Lea Thomson) saluer leur fils depuis le perron de la maison, les autres plans furtifs ou il figure emploient en fait une doublure. Lorsque Marty revient en 1955 et revoit son père décocher un coup de poing à Biff pour conquérir le cœur de Lorraine, il s’agit là aussi d’un habile mélange de prises alternatives ou coupées du premier film, et de nouvelles prises avec une doublure. Le subterfuge passe comme une lettre à la poste grâce à un montage astucieux sachant détourner l’attention du spectateur à la manière d’un tour de magie. L’absence de Crispin Glover passa ainsi longtemps inaperçue… jusqu’au procès qu’intenta l’acteur à la production. L’objet de la plainte ? Le retrait pur et simple de son nom au générique, car il ne souhaitait pas être associée à cette prestation virtuelle. Pourquoi Zemeckis et son producteur Steven Spielberg n’ont-ils pas tenu à travailler à nouveau avec l’inoubliable interprète de George McFly ? Simplement parce que celui-ci avait critiqué ouvertement et vertement le fait que le héros veuille et parvienne à avoir un 4×4 pour conquérir le cœur de sa Belle là ou sa seule personnalité aurait du suffire. Comme quoi, il ne fait pas toujours bon dire ce que l’on pense à Hollywood !
Mais ces tours de magie visuels finiraient par détourner à leur tour l’attention d’un autre tour de passe-passe, scénaristique celui-ci. Restons en pause encore quelques minutes sur cette première scène : quel intérêt y a-t-il en effet à tenter de prévenir une situation future en venant chercher le Marty de 1985 ? Puisque l’incident surviendra en 2015, pourquoi le Doc n’a-t-il pas tout simplement averti le Marty de 2014 par exemple ? ou encore, pourquoi le Doc de 2015 n’est-il pas intervenu directement ? Ces questions légitimes ne seront jamais soulevées par les personnages. Cette mission de secours n’est-elle qu’un simple prétexte pour nous emmener sans attendre dans le futur, ou s’agit-il d’un simple trou dans le scénario? Sachant que Robert Zemeckis et Bob Gale ont pensé leur scénario dans les moindres détails, on se permettra d’extrapoler sur la logique extra-diégètique de l’histoire : il semble en effet probable que le Doc, étant déjà largement quadragénaire en 1955, n’ait tout simplement pas vécu jusqu’en 2015. « Notre » Doc de 1985 est donc le seul recours du Marty du futur. Comme suggéré plus haut, le Marty de 2015 étant dans la confidence des voyages temporels de son ami, Doc aurait tout aussi bien pu lui demander son aide. Alors pourquoi revenir chercher le jeune Marty (NDR – vous pouvez appuyer sur la touche « Lecture » au fait !) ? Tout simplement parce que le Marty de 2015 est un homme brisé par la vie, en proie à des vieux démons semblant issus non pas du 1985 modifié de la fin du premier film, mais du 1985 original. Retour vers le Futur prônait un message déterministe et montrait l’importance « de croire en ses rêves pour qu’ils se réalisent ». Pourtant, malgré la description d’un 2015 aux accents tout d’abord utopistes, Retour vers le Futur 2 dévoile un avenir pas si radieux pour notre jeune héros. Si dans le nouveau 1985, George et Lorraine McFly sont devenus des parvenus, il semblerait que les retombées ne soient pas aussi positives pour Marty. Le film fait allusion à un accident qui influera sur sa vie de façon dramatique mais dont on ne saura rien avec la conclusion du troisième volet et que nous aborderons donc dans le prochain article.
Marty version 2015 est un loser, une pomme pas tombée si loin du pommier du George Mc Fly du 1985 original, nuançant ainsi le déterminisme habituel en y ajoutant un zeste de fatalisme et d’hérédité. Alors que le néo-George est devenu un romancier à succès en prenant le dessus sur Biff, Retour vers le Futur 2 nous rappelle que chaque génération doit triompher des mêmes démons pour que perdure la victoire de leurs aïeuls. L’épanouissement et la réussite familiale des parents n’empêcheront pas Marty de rater sa vie dans le 2015 pourtant issu d’un 1985 ou tout semblait aller pour le mieux.
On notera aussi qu’en 2015, Marty et Jennifer habitent une banlieue triste et mal famée, une prédiction avérée à mettre au compte des scénaristes : si la banlieue américaine représentait un havre de paix pour les classes moyennes dans les années 80 (E.T., la série Côte Ouest), elle ne bénéficie plus aujourd’hui de la même attractivité. Marty habite donc dans un quartier coupe-gorge et il est sur le point de perdre son emploi. Lorsque ses parents octogénaires lui rendent visite, ils se montrent soucieux de ses choix de vie et de sa situation. La réussite personnelle est donc loin d’être au rendez-vous pour Marty, héros autrefois impétueux et intrépide, dont l’incarnation future le rapproche plus volontiers d’un Homer Simpson que de la rockstar qu’il souhaitait devenir…
Le personnage de Lorraine McFly (Lea Thompson), la mère de Marty, soulève une problématique similaire, à savoir : dans quelle mesure peut-on influer son destin ? Et comment notre milieu et notre personnalités nous conditionnent-ils ? La nouvelle Lorraine de 1985 (et de 2015) aperçue à la fin du premier film, est épanouie, contrairement à l’originale présentée comme une femme aigrie et défaite. Pour rappel, c’est en redonnant à son père son autorité et courage perdus que Marty parvenait à « soigner » la relation de couple de ses parents.
Aussi, lorsque suite à une nouvelle modification du continuum espace-temps, Marty retrouvera une troisième version de l’année 1985 dans laquelle un Biff milliardaire a tué George et contraint Lorraine à l’épouser, il faut rappeler qu’il s’agissait de la version épanouie de cette dernière. Elle aura pourtant fini par sombrer dans l’alcool (un vice évoqué dans le premier film) et accepter une vie maritale des plus sordides. Dans une scène ultérieure du film se déroulant en 1955 (et donc AVANT en termes de chronologie…), Lorraine déclare à Biff qu’elle « ne sera jamais sa femme, même pour un million de dollars ». Zemeckis insiste là encore que les principes et les ambitions de jeunesse des personnages sont souvent compromis par la dure réalité de la vie.

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Ce pessimisme et ce défaitisme n’ont toutefois rien de surprenant dans cet épisode central de la saga. Comme le veut une tradition cinématographique initiée par La Guerre des Etoiles, toute trilogie digne de ce nom semble condamnée à suivre la même progression dramatique : un premier épisode positif, suivi d’un autre plus sombre avec une fin ouverte de préférence, pour finir sur un ultime volet ou les héros remportent la bataille finale.
Retour vers le Futur 2, à l’instar de L’Empire contre-attaque, laisse le côté obscur mener temporairement la danse. Attardons-nous donc un instant sur l’ennemi juré des McFly, Biff Tannen, dont le parcours confirme encore une fois le poids de la fatalité.
Comme nous l’avons vu, les McFly doivent leur réussite à leur capacité à surmonter leurs propres complexes et l’adversité. Chez les Tannen en revanche, la bêtise, l’intimidation et le recours à violence sont une marque de fabrique: de l’ancêtre Bufford Tannen (qui apparaîtra dans Retour vers le Futur 3), en pensant par l’alpha-Biff de 1955/1985, jusqu’à Griff (le descendant de 2015), tous sont des brutes de père en fils. Afin de grossir le trait de cette constance familiale, Thomas Wilson en interprète tous les rôles lui-même, alors que chez les McFly, Michael J Fox et Crispin Glover permettent au moins de distinguer le père et le fils.

Le caractère immuable des Tannen ne laisse entrevoir aucune rédemption. À la fin du premier film, Biff a beau être devenu l’employé soumis de George McFly, il essaie malgré tout de se soustraire à ses tâches par un mensonge tout juste digne d’un enfant de 8 ans. Il reste un personnage pleutre et roublard, vil et malin. Retour vers le Futur 2 dévoile la seule information concernant sa vie privée offerte au cours des trois films. On apprend en effet qu’il vit avec sa grand-mère, ce qui induit une situation familiale difficile : parents décédés ou simplement démissionnaires – peu importe – il y a là encore une volonté d’inscrire le personnage dans une forme de fatalité liée à son environnement familial et social, à laquelle il ne trouvera aucun moyen constructif et honnête de se soustraire. Si Biff devient milliardaire dans le 1985 alternatif, ça n’est pas à la sueur de son front ou grâce à son intelligence. C’est le vieux Biff lui-même qui, aux antipodes de l’utilisation vertueuse préconisée par le Doc, encourage son jeune « lui » à tricher aux jeux en lui offrant un almanach de 2015 contenant tous les résultats sportifs des 50 années précédentes. Chez les Tannen, on est prêt à tout pour sauver sa peau. Rappelons que le vieux Biff en question est en fait la version « soumise » du 1985-bis. Sa soif de vengeance envers le George McFly qui l’a mis KO en 1955 perdurera jusqu’à cet âge très avancé, prouvant que rien ne pourra le faire changer. Biff est un méchant pathétique et pathologiquement méchant.
« Pause » – revenons justement sur cet almanach : lorsque le vieux Biff emprunte la DeLorean en 2015 et retourne en 1955 pour modifier le cours des événements, de nombreux fans ont longtemps considéré que le fait qu’il revienne dans le même espace-temps constituait LA grosse entorse à la logique temporelle de la trilogie… Sauf que Zemeckis et Gale avaient pensé à tout : une scène coupée visible sur les DVD et Blu-ray montre en effet ce qui advient du vieux Biff une fois sorti de la DeLorean à son retour : sa main commence à s’effacer de cette réalité ! Mais décision fut prise (à tort ?) de retirer cette courte séquence car le spectateur avait déjà assez d’information à traiter à ce moment de l’histoire et que Zemeckis pensait que les spectateurs n’auraient pas le temps de se poser tant de questions. Il semblerait toutefois qu’il ait sous-estimé le nombre de visionnages auquel son film serait soumis par les fans les plus endurcis !

On peut dire que Retour vers le Futur 2 atteint haut la main son objectif d’offrir un véritable tour de montagnes russes au public, les allers et venues permanentes entre les époques parvenant à rester cohérentes et claires. D’ailleurs, ne voulant laisser personne sur le carreau, Zemeckis et Gale se permette, comme dans le premier film, de laisser les personnages faire le point sur la situation, le Doc allant jusqu’à expliquer le principe des réalités alternatives sur un tableau.
Retour vers le Futur 2, épisode centrale d’une trilogie annoncée, assume son statut d’épisode de transition et d’anti-thèse du premier film. Tous les héros y affrontent la vision de leurs angoisses du futur, y compris Jennifer qui découvre avec effroi que Marty et elle feront un « mariage minable ». Si l’épisode précédent permettait à Marty de réparer les erreurs passées de ses parents, il se retrouve cette fois confronté à la vision de ses propres erreurs futures potentielles. Une structure narrative pas si différente de Le Noël de Scrooge adapté par Zemeckis en 2011 et qui confronte son héros aux visions des Noël passé, présent et futur, établissant un lien thématique supplémentaire au sein de sa filmographie ! Robert Zemeckis étant également connu pour son utilisation novatrice des effets spéciaux (Qui veut la Peau de Roger Rabbit ?, La Mort vous va si bien, Le Pole Express, entre autres), nous nous devons de noter au passage leur parfaite utilisation dans Retour vers le Futur 2. On citera les nombreux plans ou cohabitent des acteurs dans différents rôles et là encore, on peut parler de prestidigitation tant la chorégraphie des plans et la réalisation parviennent toujours à détourner le regard des zones critiques de l’image – voir l’utilisation d’un réverbère pour permettre au Doc Brown de 1985 de passer un outil à son double de 1955, ou encore la façon dont plusieurs Michael J.Fox grimés interagissent lors du repas de famille en 2015. Mais plus révolutionnaire et plus discret encore, Retour vers le Futur 2 marque également la première utilisation de ce qui allait devenir le logiciel Photoshop, développé par John Knoll, superviseur des effets spéciaux chez Industrial Light & Magic et aujourd’hui bien connu pour son travail sur les épisodes I, II et III de Star Wars entre autres. Il inaugura en effet une technique inédite de retouche numérique de l’image permettant l’effacement des câbles utilisés pour simuler la gravitation de l’Hoverboard, le fameux skate-board volant du film qui continue de faire fantasmer les fans du monde entier !

Ainsi s’achève notre second article consacré à la trilogie Retour vers le Futur. Le film déborde de la même énergie qui rendait l’original si attachant, et la complexité accrue des paradoxes temporels en fait un spectacle haletant et jouissif de bout en bout. Grand luxe des suites, l’action ne s’embarrasse pas d’exposition et s’étale de façon quasi-non-stop sur près de deux heures. Si le déterminisme victorieux du premier film est ici mis à l’épreuve, ce n’est rien à côté des nerfs des spectateurs découvrant ce deuxième épisode lors de sa sortie en salles en 1989 : Retour vers le Futur 2 se payait l’audace d’une fin encore plus ouverte que L’Empire contre-attaque, ce qui rendit interminables les six mois d’attente avant la sortie de l’ultime chapitre en salles durant l’été 1990. On Rembobine ne vous fera heureusement pas attendre si longtemps pour vous parler de ce troisième volet d’une série qui n’aura jamais été autant d’actualité… littéralement !

@ Jérôme Muleswski

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Crédits photos : UIP


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