Elle peut parfois être aussi une excellente alternative thérapeutique…La rééducation pelvi-périnéale peut traiter plusieurs problèmes de santé qui touchent le plancher pelvien. Ces problèmes sont malheureusement trop peu abordés et pourtant ils affectent la qualité de vie de nombreux hommes et femmes. Contrairement aux muscles abdominaux, les muscles du périnée sont peu entretenus alors qu’ils jouent pourtant un rôle important en soutenant nos organes abdomino-pelviens.
Physiopathologie :
Le plancher pelvien est un groupe de muscles et autres structures ligamentaires qui forment la base interne du bassin et supportent les organes tels la vessie, l’urètre, le rectum, etc… Comme tous les muscles corporels, le plancher musculaire pelvien peut s’affaiblir, s’étirer et trop » se détendre « … Cela va entraîner un "dysfonctionnement du plancher pelvien".
Il existe plusieurs problématiques pouvant être évaluées et traitées par les physiothérapeutes spécialisés (sages-femmes et kinésithérapeutes), associées aux dysfonctions du plancher pelvien, en particulier les incontinences urinaires, chez les hommes et les femmes :
- Fuites urinaires après un accouchement, après un effort ou post-prostatectomie,
- Fréquente envie d’uriner ou pollakiurie,
- Difficulté à uriner ou dysurie,
- Envies urgentes (urgence mictionnelle et/ou urgenturie),
- Descente d’organe (prolapsus) à la suite d’un accouchement,
- Fuites au cours des relations sexuelles…
Chez les femmes, le traumatisme périnéal lors de l’accouchement, après 9 mois de pression continue abdomino-pelvienne entraîne des fuites et incontinences urinaires à long terme. Malheureusement, les dix séances remboursées ne suffiront pas à renforcer durablement ces muscles pelviens. Le périnée a subi une pression progressive et prolongée. Pratiquée suffisamment, la rééducation pelvi-périnéale permet de renforcer les muscles du périnée. A condition d’être bien menée par un praticien expérimenté, kinésithérapeute ou sage-femme et d’être consolidée par des auto-exercices d’environ 15 minutes, pratiqués quotidiennement pour être efficaces.
Quelques points clés à retenir :
- La vessie doit être vidée au moment de faire les exercices.
- Il est aujourd’hui décommandé de pratiquer le » stop pipi « , qui peut provoquer des infections urinaires ou pyélonéphrites par reflux vésico-urétéral.
- Il n’est jamais trop tard pour pratiquer des exercices ou une rééducation pelvi-périnéale.
- Il existe plusieurs situations (1) qui peuvent fragiliser le périnée, comme certaines interventions chirurgicales gynécologiques (hystérectomie pour cancer ou autres pathologies de l’endomètre ou du col utérin), la ménopause (carence œstrogénique diminuant la vascularisation de la musculature de la région génitale), certains sports sollicitant fortement le système musculo-ligamentaire du périnée etc…
Chez les hommes, la fonction de » soutien pelvien » est naturellement possible par la présence de la prostate mais suite à une prostatectomie, ce verrou pelvien se trouve fortement fragilisé. Une rééducation active va nécessiter une réelle participation du patient qui devra » bien sentir » quels sont les muscles qui doivent participer à la contraction. Les progrès sont souvent lents et un délai de 6 mois à 1 an au plus, est préconisé pour obtenir une meilleure continence après prostatectomie.
Quelques points clés à retenir :
- Avant toute rééducation, il est bon de s’assurer par une analyse d’urine, qu’il n’y a pas d’infection urinaire.
- La prise en charge par le physiothérapeute doit être individuelle, car le dialogue patient-thérapeute s’avère décisif pour l’adhésion et la réussite du traitement.
Objectif de la rééducation pelvi-périnéale :
L’objectif du traitement physiothérapique est de rétablir le bon fonctionnement du plancher pelvien pour permettre au système urinaire périnéal de travailler de façon adéquate. La rééducation périnéale est fondée sur le travail des muscles périnéaux, afin d’obtenir une contraction réflexe de verrouillage en situation à risque de la structure musculaire striée urétrale et péri-urétrale, support essentiel de la continence urinaire. En effet, celle-ci va permettre d’obtenir une augmentation volontaire des pressions urétrales lors de la toux et de l’effort, sous réserve d’avoir un appareil neuromusculaire pelvien intègre, et de pallier à un éventuel déficit des autres facteurs autonomes de la continence urinaire (système nerveux sympathique).
· Aprèsune première évaluation essentiellement par un interrogatoire et par un examen clinique bien conduit, il est possible d’établir un plan de traitement adapté.
· Le physiothérapeute pourra compléter son évaluation,
· par un bilan urodynamique ou examen électrophysiologique (examen souvent utile en préopératoire),
· avec débitmètre, un examen très informatif sur le mode de miction et le comportement mictionnel, avec recherche d’un résidu post-mictionnel, par cystomanométrie,
· associée à une profilométrie (ou sphinctérométrie), des évaluations très informatives sur les pressions et la synergie de l’appareil vésico-sphinctérien au cours du remplissage vésical.
Différentes techniques peuvent être utilisées au cours de la rééducation pelvi-périnéale :
- La rééducation manuelle musculaire du périnée, s’effectue par un physiothérapeute spécialisé et consiste à faire des exercices de contraction et de relaxation volontaires permettant une prise de conscience du schéma corporel musculaire, préparant les exercices dynamiques. A cette phase, les co-contractions périnéales, abdominales, des membres inférieurs (adducteurs), peuvent perturber le schéma du verrouillage périnéal normal et aboutir à une véritable inversion de commande musculaire c’est-à-dire des manœuvres de poussées abdominales et non de contractions (2).
C’est là que le travail du physiothérapeute en individuel sera essentiel pour faire ressentir et faire prendre conscience au patient qu’il existe un schéma corporel musculaire pelvien (souvent méconnu ou oublié).
- La technique de biofeedback consiste en un rétrocontrôle biologique à l’aide de l’enregistrement et de la visualisation objective de la contraction musculaire périnéale par l’intermédiaire de sondes intra-vaginales. Ces sondes utilisent des signaux électriques qui traduisent la pression intra-vaginale et permettent un véritable exercice musculaire autocontrôlé. Le testing musculaire périnéal manuel permet de suivre l’évolution du renforcement obtenu ou non encore obtenu de la musculature pelvienne. La durée de la contraction musculaire peut aller jusqu’à 10 secondes avec un temps de repos équivalent, ou double du temps de contraction. Le but de cet exercice est d’obtenir un verrouillage à l’effort quasi-automatique en situation à risque dans les activités de la vie quotidienne (3).
L’utilisation de cônes intra-vaginaux peut constituer un traitement complémentaire à ces exercices actifs.
- La stimulation électrique est une technique effectuée par la sonde endo-vaginale (utilisée dans le biofeedback), parfois en complément du biofeedback. On utilise des fréquences basses de 10 Hz en cas d’urgenturie et des fréquences plus élevées, de 50 Hz en cas d’incontinence urinaire d’effort, avec des durées d’impulsions brèves (2 à 5 secondes avec temps de repos doublé). La stimulation électrique est utilisée pour stimuler la contraction musculaire pelvienne et la prise de conscience du schéma corporel de la musculature pelvienne. Des chaises de stimulations électriques du plancher pelvien existent et sont plus facilement utilisées chez la patientes ne souhaitant pas d’exercices sollicitant directement leur intimité comme le travail manuel ou le biofeedback.
Contre-indications de la rééducation pelvi-périnéale :
· troubles sensitifs majeurs,
· atteintes radiculo-médullaires,
· neuropathies périphériques,
· grossesse (dénervation en post-partum) ou neuropathie par étirement du nerf honteux interne dans les accouchements difficiles, longs, avec bébés de poids élevé etc (4)…
Les indications et bénéfices de la rééducation pelvi-périnéale
La rééducation est décidée en fonction des données cliniques, urodynamiques voire électromyographiques en privilégiant, selon les cas, le travail de renforcement musculaire, le travail de verrouillage réflexe en situation à risque, le développement de synergies vésico-sphinctériennes (5)…
Car l’existence d’une éventuelle dénervation par exemple pourra aboutir à un échec des exercices périnéaux.
- Dans l’incontinence urinaire à l’effort :
Ce défaut de transmission des pressions vésicales à l’urètre peut être efficacement traité par la rééducation pelvi-périnéale. Le travail par biofeedback (rétrocontrôle) est essentiel sur au moins 20 séances avec travail du verrouillage reflexe en situation à risque (6). L’existence d’une fatigabilité urétrale nécessite des exercices d’endurance en évitant en début de traitement des séances trop longues. L’échec de cette rééducation ou la récidive de l’incontinence urinaire pourra conduire à une intervention chirurgicale de colpo-suspension ou de sphincter artificiel.
L’électrostimulation ne sera utile qu’en cas de mauvaise commande musculaire. Elle peut être complétée par un traitement à domicile grâce à l’utilisation d’un appareil miniaturisé portable.
Un traitement pharmacologique associé est souvent utile (alpha-stimulants par voie orale, œstrogénothérapie par voie locorégionale lorsqu’elle n’est pas contre-indiquée par les antécédents).
Globalement, la rééducation périnéale est efficace dans plus de 2/3 des cas (7). Avec des résultats qui se maintiennent maintenant à moyen et long terme, ce qui suggère l’intérêt de la rééducation dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort de la femme. Dans tous les cas, l’auto-entretien tout au long de la vie est indispensable.
- Dans l’incontinence urinaire par urgenturie :
Les symptômes peuvent être, dans certains cas, réduits par la rééducation périnéale et surtout par l’éveil du schéma corporel musculaire périnéal (catalogue mictionnel comportemental). La stimulation électrique périnéale à basse fréquence (5 à 10 Hz) peut aussi inhiber l’hyperactivité vésicale.
- Dans l’incontinence urinaire de l’homme,
par insuffisance sphinctérienne secondaire à une chirurgie prostatique, la rééducation pelvi-périnéale longue et suivie (pratiquée par voie rectale et testing musculaire par voie rectale) est recommandée. Les médicaments alpha-stimulants ne sont pas suffisamment efficaces et entraînent des effets indésirables. L’implantation d’un sphincter artificiel sera souvent le seul recours efficace.
- Dans les troubles ano-rectaux,
la rééducation pelvi-périnéale est une bonne indication. L’incontinence fécale aux gaz et aux matières est améliorée par le travail en biofeedback ou rétrocontrôle du sphincter anal, pour un réapprentissage du synchronisme abdomino-pelvien.
- Dans les troubles génito-sexuels,
la rééducation pelvi-périnéale par biofeed-back peut également être envisagée (8).
· Dans certains troubles de l’érection comme l’éjaculation précoce, liés à une déficience de la musculature périnéale particulièrement des ischio-caverneux,
· dans l’hypoorgasmie de la femme dans le cadre d’une neuropathie d’étirement du plancher pelvien, en travaillant la rééducation proprioceptive pelvienne (schéma corporel) et le renforcement musculaire.
En cas d’inefficacité de la rééducation, des explorations électro-physiologiques spécifiques devront être pratiquées.
Auteur: Dr Lamia Fourni Consultation d’urodynamique Unité de Gériatrie Aiguë Hôpital Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP)
Pour en savoir plussur l’Incontinence
Biblio:
1. CAINE M. "Peripheral factors in urinary incontinence" J.Urol., 92:521-530, 1986
2. MINAIRE P., BLANCHON M.A., SABOT E., LYONNET A. "La rééducation de l’incontinence urinaire" J.Réad.Med., 8, 3/4, 111-115, 1988
3. PERRIGOT M., BRISSOT R., LE COZ M.T. "La rééducation périnéale en biofeedback" J. Réadapt.Med, 4,1, 5-7, 1984-SENGLER J., PETER M., JURASCHECK F., GROSSE D. "Place de la rééducation dans le traitement de l’incontinence urinaire féminine" Ann. Réadapt. Med. Phys., 30, 127-142, 19877,8.
4. AMARENCO G., KERDRAON J., LANOE Y. "Neuropathie périnéale d’étirement et incontinence urinaire. Physiopathologie, diagnostic et indication thérapeutique" Ann. Urol., 1990, 24, N°6, 463-466
5. ENHORNING G. "Simultaneous recording of intravesical and intraurethral pressure; A study on urethral closure in normal and stress incontinent women" Acta Chir. Scand. (Suppl.), 276: 1-68, 1961
6. HEIDLER H., CASPER F., THUROFF J. "Role of striated sphincter muscle in urethral closure under stress conditions: an experimental study" Urol.Int., 42:195-200, 1987.
7. SENGLER J., PETER M., JURASCHECK F., GROSSE D. "Place de la rééducation dans le traitement de l’incontinence urinaire féminine" Ann. Réadapt. Med. Phys., 30, 127-142, 1987
8. M., BRISSOT R., LE COZ M.T. "La rééducation périnéale en biofeedback" J. Réadapt.Med, 4,1, 5-7, 1984 – AMARENCO G., KERDRAON J., LANOE Y. "Neuropathie périnéale d’étirement et incontinence urinaire. Physiopathologie, diagnostic et indication thérapeutique" Ann. Urol., 1990,24, N°6, 463-466