« Le tissu du poème est trouble, indiscernable, le poème va sa route par-dessous, il manifeste ses éclats dans toutes les langues du monde, cri ou parole, c’est-à-dire dans toutes les directions, où nous nous sommes peut-être perdus, il s’étend de vérité d’un paysage en vécu d’un autre, le poème nomade, il roule de temps à temps. » Cette citation d’Édouard Glissant pourrait être en exergue à l’exposition de La Terrasse, espace d’art de Nanterre. Emmanuel Rivière, commissaire de cette exposition, en revendique d’ailleurs la pertinence. C’est la pensée de la créolisation qui est à l’oeuvre ici, « de vérité d’un paysage en vécu d’un autre ».
Les artistes exposés ne sont pas nés à Paris, mais en Italie, Sénégal, Maroc, Bénin,Taïwan, Fort-de-France et Nevers. Pourtant ils sont tous ici, travaillant à la relation entre les lieux où ils vivent et leur origine, leur histoire, à la fois personnelle et collective. Et quand Emmanuel Rivière indique que l’idée de cette exposition lui est venue en en visitant une autre, à Juvisy-sur-Orge, je suis à mon tour embarqué dans cette relation. J’y avais vu aussi Mamadou Cissé, Alex Burke, que je retrouve ici avec plaisir, et d’autres à l’Espace Camille Lambert.
Mamadou Cissé - Alex Burke
Ici, à Nanterre, je découvre les Matrices d’Emmanuel Rivière, moules des têtes de statues que l’on porterait bien comme autant de casques, inversant le regard d’un fils vers son père, cherchant peut-être un modèle dans le moule.
Dimitri Fagbohoun colore de noir des bananes et les nomme Joséphine (et je me souviens des Joséphine que la Compagnie Difé Kako met en scène dans un de ses spectacles) et, assemblant des baguettes noires qui m’évoquent des pièces de mikado, il en démultiplie les ombres.
Un tapis d’Alighiero Boetti provoque au voyage : le dessin de cet artiste italien est transposé sur un kilim tissé par une communauté de tisserands du Pakistan et l’oeuvre est prêtée par le Fonds régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon. Mais ce tapis me rappelle l’exposition précédente dans ce lieu et les tapis de Lizan Freijsen. Et encore l’exposition précédente où Selma et Sofiane Ouissi répétaient les gestes d’artisans.