Moïse et aaron a bastille

Publié le 21 octobre 2015 par Popov

Je m'appelle Easy Rider et ça ne s'invente pas.

On m’a sorti de mon étable huit soirs consécutifs pour un cachet conséquent, 5000 euros par représentation. Dans Moïse et Aaron, j’incarne mon propre rôle, celui d’un taureau charolais d’une tonne et quelque qui assiste au débat biblique entre les deux frères. D’ ordinaire les arguties théologiques m’échappent mais le livret écrit par Schönberg entre un intellectuel de Dieu et son frère, homme d’action qui avilit un peu le propos, m’intéresse. Mon manadier me l’avait assuré : le « parlé chanté » que le compositeur allemand a imaginé pour baryton profond (Frank Mazura interpréta jadis le rôle) parle et bouleverse. Tout comme la voix délicate du ténor John Graham Hall (Aaron rebelle et mélodieux)dont la verge symbolique finira par fleurir. Bien sûr au début j’ai été un peu effrayé par ses chœurs et demi-chœurs qui me braillaient dans les oreilles. Les caprices de dramaturges abscons me firent apparaître dans des brumes indissipables (au risque de blesser mon narcissisme bovin) ou encore derrière des générateurs d’écriture numériques - au début simples échos du texte puis très vite chambardements babéliens aphasies programmées, troubles du langage. On fit défier devant moi des processions d’invalides, de pauvres et même quelques vierges nues.

J’avais écouté pendant des semaines la musique céleste du grand Arnold, ses innovations rares au point de souffrir en personne d’une surcharge pondérale du fait de l’inaction.

On me dota d’un joug qui fut une inutile précaution tant je goûtais cette œuvre sublime et claire en dépit de ses difficultés. Le maestro Philip Jordan exécuta l’œuvre avec le brio qu’on lui connaît. Malgré ses difficultés, le chœur et ses artistes poussèrent très loin le travail du maestro.

Moïse et Aaron est une réussite, la première de M. Jérôme Lissner à l’Opéra de Paris. On pourra regretter- même si je ne puis être juge et partie - la surcharge sémantique de la mise en scène et ses choix scénographiques qui rajoutent de la complexité à une œuvre déjà ardue même si certains effets graphiques sont réussis et lui donnent un côté solennel et nécessaire.